Le nouveau long-métrage de Clint Eastwood, un an après Le 15h17 pour Paris et trois ans après Sully, s’intéresse à une insolite histoire vraie. Cette fois-ci dans La Mule, pas de héros sauvant les passagers d’un avion ou d’un train mais un personnage atypique dont le parcours l’est tout autant. Il s’appelle Leo Sharp, il est arrêté en octobre 2011 avec 107 kg de drogue dans le coffre de sa voiture. Vétéran de guerre, horticulteur reconnu dans le monde et passeur de drogue à 87 ans… retour sur son destin hors norme.
Une reconversion inédite
Né en 1924 dans le Michigan, Sharp s’enrôle rapidement dans l’armée. On l’envoie combattre en Italie pendant la Seconde Guerre mondiale. A son retour du front, il reçoit la Bronze Star Medal pour services rendus à la nation. Si Leo Sharp est resté évasif sur son passé, il prétend avoir été le propriétaire d’une petite ligne d’avion. Une entreprise qui fera faillite selon lui. Mais l’homme est surtout connu dans le monde de l’horticulture pour avoir développé une nouvelle espèce d’Hémérocalles, une fleur jaune à la jolie collerette rouge. Une association d’horticulteurs décide de renommer cette création à son nom (la « siloam Leo Sharp »). Des passionnés se déplacent même jusqu’à son domicile familial dans l’espoir d’acheter quelques fleurs. Mieux, Sharp est invité par la Maison Blanche à venir planter quelques Hémérocalles dans le jardin pour George H.W. Bush. Mais ce que personne ne sait à l’époque, c’est que notre fleuriste est un passeur pour le cartel de Sinaola (avec à sa tête Joaquim "El Chapo" Guzman), l’un des plus prolifiques et dangereux trafiquants du monde. Ses apparitions dans des conventions pour horticulteurs un peu partout dans le pays est alors un prétexte pour aller faire quelques livraisons.
Mais personne ne se doutait à l’époque que Sharp allait exceller dans l’exercice.
Ils l’appelaient Tata
Jeff Moore, l’agent de la DEA joué par Bradley Cooper dans La Mule, est revenu dans un long entretien pour le New York Times sur cette arrestation et sur l’histoire de Leo Sharp, qu’il qualifiait de "légende urbaine". Les narcotrafiquants le surnommeront El Tata (grand-père en espagnol). Et pourtant dès les premiers mois d’investigation, les agents ont bien du mal à trouver des infos sur ce coursier particulièrement zélé qui transportait chaque mois entre 200 et 250 kg de poudre blanche. C’est pourtant à bord de sa camionnette verte que l’octogénaire fera passer la marchandise pendant 10 ans de la frontière sud-américaine à Détroit, sans jamais se faire inquiéter. Selon ses dires, Sharp aurait été approché par les trafiquants eux-mêmes (il employait des Mexicains qui l’aidaient à cultiver ses plantes). Selon la DEA, le cartel n’hésitait pas à faire appel à des personnes d’un certain âge comme chauffeur, donc au-dessus de tout soupçon. Endetté depuis la faillite de son entreprise, l’homme n’a pu refuser l’offre. Mais personne ne se doutait à l’époque que Sharp allait exceller dans l’exercice.
Le procès
Sharpe est finalement arrêté en octobre 2011, après un mois de surveillance continue par la DEA. Une vidéo mise en ligne par le New York Times permet même d’assister à l’arrestation. On y aperçoit l’octogénaire qui tente de convaincre le policier de le libérer, avant qu’un de ses collègues n’arrive avec un chien renifleur de drogue. Et là, c’est la fin pour lui : 107 kg de cocaïne seront retrouvés dans une planque de sa camionnette. Son procès se tient quelque temps plus tard : malgré les efforts de ses avocats pour plaider la démence et sa faiblesse psychologique, la Cour le condamne à trois ans de prison. Pour éviter la sanction, Sharp leur proposera même de payer 500 000 dollars de dommages en cultivant pour l’Etat … des papayes.