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    Les Rivières pourpres : "On peut enfin s'autoriser plus de noirceur à la télévision française", confie son créateur Jean-Christophe Grangé [INTERVIEW]

    France 2 poursuit ce soir la diffusion de la série "Les Rivières pourpres", basée sur le roman homonyme de Jean-Christophe Grangé. Le romancier, également scénariste de cette série dérivée, nous a parlé de ses choix d'adaptation et de la saison 2.

    Aurélie Elich/ Storia Television

    AlloCiné : Les Rivières pourpres est présentée comme une série dérivée de votre roman éponyme, qui se déroule plusieurs années après les événements de Guernon. Est-ce que c'était une évidence pour vous dès le départ ou est-ce que vous avez réfléchi à d'autres pistes, comme par exemple celle d'une série "origine" ou prequel, qui serait revenue sur la jeunesse de Niémans, comme ça se fait beaucoup aujourd'hui ?

    Jean-Christophe Grangé : En fait au départ j'ai eu des idées d'enquêtes. Une ou deux histoires qui finalement reprenaient le contexte de mon premier roman, Les Rivières pourpres. C'est-à-dire un mec de Paris spécialisé dans des affaires très difficiles et très étranges qui est envoyé en Province, dans des régions un peu reculées où tout le monde est dépassé par le problème. Et en fin de compte, à cause de ces histoires, je me suis dit que l'enquêteur le plus adapté ce serait mon ancien personnage des Rivières, Pierre Niemans. Il y a souvent eu des idées de séries autour des Rivières pourpres, dès le départ, depuis le film. Mais ces idées n'avaient jamais réussies à être développées ou avaient été un peu oubliées, et moi comme j'avais ces histoires que je trouvais intéressantes j'ai décidé de réimaginer mon personnage pour le voir revenir sur le terrain. Et ensuite on a monté la série autour de ça, mais c'était surtout une histoire de scénarios qui me semblaient vraiment adaptés à ce personnage-là.

    Il n'a donc à aucun moment été question d'une seule enquête s'étalant sur une saison entière, comme on le voit dans beaucoup de séries thriller ?

    Non, jamais. J'ai toujours dit que je n'aime pas trop les personnages récurrents et en tant qu'auteur je ne voulais pas faire de livres avec un personnage qui revient tout le temps. Mais là je me renie moi-même puisque j'ai écrit ces quatre histoires dont le héros est mon commissaire. Et ces quatre histoires je suis en train de les adapter en roman parce que je les aime bien. Des romans qui seront assez courts et reposeront donc sur le principe du personnage récurrent. "Les Nouvelles enquêtes du commissaire Niemans" (rires). Et du coup ce que je n'ai jamais voulu faire je suis en train de le faire, et c'est plutôt sympa au final.

    Mais bien sûr il y a un problème chronologique car j'ai écrit Les Rivières pourpres il y a 20 ans. Niémans allait avoir 50 ans et il a toujours 50 ans. C'est la magie de la fiction (rires). Et surtout dans le livre il mourait ! C'est justement quelque chose que je n'ai pas pu développer dans la série et que je développerai dans les livres. On s'apercevra qu'il est tombé dans une rivière et qu'il n'était pas tout à fait mort. C'est quelque chose que j'aurais aimé exploiter mais je n'ai pas eu la place dans la série. Il a été en quelque sorte mort, dans le coma, et il est empli d'une zone d'ombre désormais. Il vit avec l'impression d'avoir connu la mort, et ça c'est intéressant. Mais je trouve qu'il y a moins de place à la télé et au cinéma pour développer certaines thématiques.

    Dans l'esprit de beaucoup de personnes qui ont aimé le film de Mathieu Kassovitz Pierre Niemans c'est Jean Reno. Vous avez eu du mal à trouver un comédien capable de prendre la relève ou est-ce que Olivier Marchal s'est tout de suite imposé dans le rôle ?

    Je ne pratique pas la langue de bois donc pour moi c'était Jean Reno. Je voulais Reno pour la série. Mais tout le monde a considéré qu'il était trop âgé pour le rôle. Donc, après, Olivier Marchal s'imposait car ce qui est étrange chez lui c'est qu'il a déjà cette image de flic qui a de la bouteille. Le rôle lui corresponsait très bien. Il a ce profil de flic très expérimenté sur le retour. Mais là la nouveauté c'est que ce n'est plus un flic qui a des ennuis avec la police des police ou avec sa hiérarchie, mais plutôt un flic solitaire qui est davantage porté sur les enquêtes.

    Aurélie Elich/ Storia Television

    Vous gardez la base du duo, comme dans le roman d'origine, et associez cette fois-ci Niemans à Camille Delaunay, l'une des ses anciennes élèves. Qu'est-ce qui vous intéressait dans l'introduction de cette jeune femme qui lui ressemble pas mal et est une sorte d'homologue féminin ?

    Ce qui m'intéressait, et j'ai souvent développé ça dans mes romans, c'est un duo de flics dont l'un des deux membres est beaucoup plus jeune que l'autre. Il y a un côté filiation, formation, parrainage qui me plaisait. Et là, le fait que ce soit une jeune femme, incarnée en plus par cette actrice que j'adore, Erika Sainte, qui a l'air très fragile, ça passe particulièrement bien. J'aime bien cette relation père-fille, et surtout pas une relation de séduction comme on a l'habitude d'en voir à la télé. C'est vraiment le mentor qui protège sa disciple.

    Si une saison 2 voit le jour, est-ce que leur relation et leur passif commun seront davantage explorés ?

    On prévoit une saison 2 si la série marche. J'ai déjà écrit les deux premiers épisodes qui sont, comme dans la première saison, plutôt centrés sur l'enquête. Et après les autres scénaristes verront s'ils veulent développer les problèmes personnels de chacun. Il y a matière à développer, c'est sûr. Le problème c'est que moi mes enquêtes sont toujours assez compliquées et dans les livres j'ai la place pour une enquête compliquée et aussi de la place pour le passé et les soucis personnels des personnages. En revanche à la télé si vous avez une enquête de ce style, vous n'avez plus vraiment la place pour autre chose. On a essayé un peu dans la première saison mais je pense qu'il y a vraiment matière à approfondir, oui.

    Vous avez écrit tous les épisodes de la saison 1 et là, si saison 2 il y a, vous allez donc passer le flambeau à d'autres auteurs ?

    Oui, je dois écrire mes livres, je suis avant tout romancier, donc j'ai dit à la production que je ne pouvais pas m'engager à écrire encore huit épisodes. Mais on s'était mis d'accord pour que j'écrive les deux premiers afin de relancer une saison qui ait mon style, mon univers. L'histoire que j'ai écrit est tout à fait dans le style des quatre autres.

    Storia Television

    Vous aviez déjà tenté l'aventure sérielle avec Le Passager, diffusée en 2015 sur France 2, qui était aussi l'adaptation d'un de vos romans. Vous préférez adapter vos livres vous-même aujourd'hui ? Ça évite les déceptions ?

    Oui je préfère évidemment les adapter moi-même et ce qui est intéressant dans le cas des séries télé c'est qu'il y a plus de place qu'au cinéma pour raconter des histoires. Ça a toujours été mon problème : mes bouquins sont trop gros pour en faire des films donc on doit retirer des élements, on ne comprend plus rien. Ils sont trop riches pour en faire des longs métrages. Avec une série on a davantage de place, de latitude pour explorer la psychologie, ça m'intéresse beaucoup plus. D'ailleurs je vais sans doute faire d'autres séries d'après mes romans. Je prie pour que le format série me permette de raconter mes histoires d'une meilleure manière. Je suis un héritier de la tradition du feuilleton, avec toujours plein de rebondissements, des relances à la fin de chaque chapitre. Je me rends compte que mes romans sont assez proches des séries en fait.

    Les Rivières pourpres est une série assez sombre et glauque pour une diffusion en prime-time sur une grande chaîne. Ça a été compliqué de convaincre France 2 ? Vous avez dû faire des concessions ?

    Pas du tout. Je ne sais pas ce qui s'est passé, ils ont accepté au départ que ce serait mon univers. Un univers assez sombre. Il n'y a pas eu un moment où France 2 nous a dit "Il faudrait alléger, il faudrait éclaircir". Jamais. Ils ont tranquillement attendu les scénarios et ils ont dit oui à chaque fois. Mais je crois que chez France 2 comme sur les autres chaînes tout le monde a compris qu'on peut enfin s'autoriser plus de noirceur, plus de violence à la télévision française. Longtemps en France il y a eu ce décalage. On admirait les séries anglo-saxones qui étaient 10 fois plus sombres que les nôtres et quand c'était à nous d'en faire une, oulala, il fallait faire du Mimie Mathy. Mais maintenant la France est prête et a compris que le public est prêt et friands de choses assez noires ou violentes. Il n'y a aucune raison qu'on supporte quelque chose qui vienne des États-Unis et qu'on ne supporte pas son équivalent en France. Le paysage français de la série a beaucoup changé et c'est tant mieux.

    La bande-annonce de la série Les Rivières pourpres, qui se poursuit ce lundi 3 décembre à 21h sur France 2 :

     

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