Moins d'un an après l'intense Plonger, Mélanie Laurent revient avec Galveston, son premier film tourné aux Etats-Unis avec des acteurs américains. Le long métrage est adapté d'un roman de Nic Pizzolatto, un écrivain-scénariste qui avait fait des merveilles avec la première saison de la série policière True Detective. L'histoire de ce road movie emmené par Ben Foster et Elle Fanning se déroule à la fin des années 1980 et se centre sur Roy Cady, un petit gangster atteint d'un cancer qui est contraint de partir en cavale après être tombé dans un traquenard. En compagnie d’une jeune prostituée écorchée par la vie, il fuit les représailles sur les routes brûlantes du golfe du Mexique…
UNE ENVIE DE CINÉMA AMÉRICAIN : TROUVER LE BON PROJET
Mélanie Laurent nourrissait depuis longtemps l'envie de faire un film américain. Lorsque Respire, sorti en 2014, a été diffusé aux Etats-Unis, la cinéaste a changé d'agent. A partir de là, elle a commencé à recevoir plusieurs projets dans la même veine que sa seconde réalisation, mais qu'elle ne se sentait pas capable de mettre en images. Les choses ont toutefois évolué lorsque "Galveston" lui a été proposé : "Je ne sais pas pourquoi, tellement c'est l'opposé de mon cinéma, mais j'ai lu le scénario et j'ai tout vu : j'ai vu Elle Fanning, dans cette voiture, ce que je voulais rajouter, ce que je voulais changer... Le scénario était vraiment sur le personnage joué par Ben Foster, avec beaucoup plus de scènes de méchants, des allers-retours sur eux tout le temps, mais je n'ai vu qu'elle."
La réalisatrice s'est alors entretenue avec Tyler Davidson, le producteur de Take Shelter. "On a échangé sur le script, il m’a posé des questions sur la vision que j’avais du film et de ce qu’il pourrait être... Je crois qu’il avait envie de travailler avec une réalisatrice européenne et je rêvais de réaliser un film américain. Donc…"
CASTING ET PERSONNAGES DÉSEMPARÉS
Côté casting, le massif Matthias Schoenaerts (De rouille et d'os) était en premier lieu pressenti dans le rôle du gangster, mais l'acteur belge a préféré vaquer à d'autres occupations. Ben Foster, véritable gueule du cinéma américain habituée à l'Amérique profonde comme ses prestations dans Comancheria ou Les Amants du Texas en témoignent, l'a alors remplacé. Elle Fanning, quant à elle, a été castée après que le réalisateur Mike Mills, qui avait travaillé avec la jeune comédienne sur le récent 20th Century Women, lui a conseillé de rencontrer l'héroïne d'Inglourious Basterds (qui était dans Beginners de Mills) en vue d'une éventuelle collaboration.
Pour concevoir ce road movie brutal et envoûtant, bien loin de ce qu'elle a l'habitude de faire (même si on y retrouve la thématique de la jeunesse via le personnage d'Elle Fanning), Mélanie Laurent a puisé son inspiration dans l’âge d’or du roman noir : des personnages désemparés, sans réel passé (si ce n'est obscur) et avec peu d’avenir… Elle justifie ce parti-pris : "Le film est d’une grande humilité vis-à-vis d’eux, et toujours sur un fil... Pour ne jamais tomber dans le pathos. Pour être proche d’eux, sans les juger. En s’attachant à eux, en voulant qu’ils s’en sortent. En y croyant pour et avec eux. Le scénario était un peu bavard, parfois misogyne. On a beaucoup enlevé de texte, on a rajouté des silences et on les a laissé respirer parfois..."
PRÉPARATION ÉCLAIR, SCÈNES EN VOITURE ET PHOTOGRAPHIE
Si, en France, Mélanie Laurent avait pour habitude d'avoir deux mois de préparation avant de commencer à tourner, avec Galveston elle a eu à peine dix jours. Les journées de tournage étaient également plus longues que dans l'Hexagone (quatorze heures au lieu de huit). "Et normalement trente-cinq jours de tournage contre vingt-trois ici. Donc il nous fallait aller à l'essentiel et c'était beaucoup plus instinctif que d'habitude : quand on a le temps, on peut intellectualiser chaque mouvement de caméra. Là nous étions tout le temps dans l'urgence, ce qui force à aller à l'essentiel", précise-t-elle.
Pour Galveston, l'un des principaux défis a été de réussir à filmer les nombreuses scènes en voiture sans pour autant lasser le spectateur en répétant les mêmes plans. Mélanie Laurent explique : "Bref, comment faire lorsque l'on a peu de temps et d'argent pour donner l'impression qu'on en avait un peu quand même (rires) On a aussi appris à faire des plans un peu larges, à nous octroyer le droit de faire un plan-séquence de sept minutes..."
La réalisatrice a par ailleurs pu imposer son directeur de la photographie attitré, Arnaud Potier, avec qui elle avait oeuvré sur Plonger, Respire et Les Adoptés : "J'avais comme ma famille avec moi car c'était la seule personne que je connaissais, et on a su se faire plaisir : on habitait dans une maison dont les murs étaient recouverts de photos. Nous avions plein de références de ce que nous voulions et nous avons essayé, à partir des photos, de trouver une image forte par séquence, de la mettre sur un mur, de prendre du recul, de faire des agrandissements", raconte-t-elle au sujet de leur collaboration.
L'ÉTAPE LA PLUS DIFFICILE : LA POST-PRODUCTION
Si cette expérience a été plutôt concluante pour la cinéaste française, elle se rappelle que l'étape de la post-production de Galveston - notamment le montage et l’approche musicale - a été la plus difficile. A ce moment, Mélanie Laurent a réellement eu peur de perdre son film, ce qui n'a finalement pas été le cas. La réalisatrice, qui se dit prête à retenter l'expérience, conclut : "Peu de réalisateurs ont le final cut là-bas. Pour un réalisateur européen, c’est le plus dur… Mais je pense au final avoir pu aller au bout de mes idées et faire le film que je voulais. Marc Chouarain a composé la musique en 5 jours. On a travaillé dans l’urgence et peut-être que, finalement, cette urgence a servi au film. Et au final, tout s’est bien passé."
Les secrets de tournage de "Galveston"