A l'occasion du 44ème festival du cinéma américain de Deauville, AlloCiné a rencontré les membres du jury pour leur faire évoquer leurs souvenirs de spectateurs de cinéma outre-Atlantique. Aujourd'hui, c'est au tour de la présidente du juty de la compétition, la comédienne Sandrine Kiberlain.
AlloCiné : Quel est votre premier souvenir d'un film américain ?
Sandrine Kiberlain : Les Enchainés d'Hitchcock. C'est bizarre, j'avais douze ans et m'a envoyé voir...
C'est tôt.
Oui c'est tôt mais on m'a emmené voir deux films à cet âge : Les Enchainés et la version longue de New York New York. La barre était très haute après. J'ai aimé des films de grande envergure assez tôt, et ça m'a fait aimer les acteurs et les actrices tout de suite. Ce sont des films que je revois très régulièrement, je l'ai montré à ma fille dès que j'ai pu, ce sont des films qui ont changé ma vie.
C'est amusant pour "Les Enchainés", car je l'ai revu il y a peu de temps et c'est intéressant que vous l'ayez vu à 12 ans, quelles impressions vous en restait-il ?
Des images mais surtout elle. Ingrid Bergman est géniale. D'ailleurs je l'ai rejetée après, je n'ai pas compris que je l'aimais à ce point-là et je suis revenu vers elle plus tard, vers trente ans, où j'ai regardé tout ce qu'elle a fait. Elle est d'une variété de jeu, d'une réserve, d'un humour et je la trouve exceptionnelle mais j'étais peut-être trop jeune pour qu'on me l'impose, il a fallu que j'y revienne, que je la choisisse.
Votre film de chevet, que vous pouvez voir et revoir ?
Il y en a plein, mais je dirais Georgia d'Arthur Penn. Vous l'avez vu ?
Oui, d'ailleurs il est ressorti restauré l'année dernière.
J'ai envie que tous les gens que j'aime le voient, après j'en ai d'autres mais je dois m'en tenir à un ?
Vous pouvez en ajouter.
Le Lauréat m'a marqué, Kramer contre Kramer sont des films que je peux voir et revoir. On parlait de New York New York. Je peux même revoir des passages juste pour les acteurs ou un moment de mise en scène. Il y a aussi Propriété interdite de Sydney Pollack, avec Natalie Wood et Robert Redford, je ne sais pas si vous le connaissez ?
Non.
C'est vraiment à voir. (...) Mais je tiens aussi à citer Coup de foudre à Notting Hill parce que je l'ai revu en vacances avec ma fille et c'est brillantissime, les dialogues sont ciselés, le jeu est super... Alors c'est peut-être banal de citer ce film mais il est dans mes films cultes.
Je comprends tout à fait. Quel est le film qui vous fait le plus rire ?
(Elle réfléchit). Je dois penser aux acteurs... Je dirais que c'est quand Woody Allen cafouille dans Maris et femmes. Quand Judy Davis est au téléphone et qu'elle a sa crise de nerfs. Je pense que c'est un de ces films qui m'a fait le plus rire. Et pour la pudeur et les choses dites l'air de rien, la vérité de ce qu'on est tous. Il y a quelque chose proche de moi, de mon éducation sans doute.
Le film qui vous a fait le plus peur ?
Alors là c'est un Hitchcock : Pas de printemps pour Marnie ! Avec la mère qui me fait encore peur aujourd'hui. Plus que Les Oiseaux ou Psychose. C'est un film qui vieillit très bien, Sean Connery est dément et ça me fout vraiment les jetons !
Le film qui vous a fait le plus pleurer ?
La Liste de Schindler, j'ai dû rester sans parler pendant au moins six heures après. Et puis il y a Georgia, qui m'a vraiment fait beaucoup pleurer. Quand je l'ai vu j'ai pleuré au point que je suis resté dans la salle et que le film s'est relancé pour la séance suivante. Propriété interdite aussi... Et là instinctivement je repense à un film, c'est très spontané : c'est On achève bien les chevaux. Je pleurais non stop devant Jane Fonda et Michael Sarrazin. C'est un chef d'oeuvre.
Une pépite méconnue ?
Propriété interdite de Sydney Pollack. Et Georgia car au final peu de gens connaissent. Vous me dites qu'il est ressorti mais lorsque des journalistes m'avaient demandé de projeté mon film préféré j'avais choisi Georgia et il était difficilement trouvable.
Un réalisateur avec lequel vous aimeriez tourner ?
Vous voyez qui est Greta Gerwig ?
Bien sûr.
Eh bien elle.
Elle prépare une adaptation des "Quatre filles du docteur March".
Je sais, je suis verte ! (...) Je vois tout ce qu'elle fait, je la suis beaucoup. C'est vraiment celle avec laquelle je voudrais tourner aujourd'hui. Je voulais même l'inviter au festival comme jurée mais on ne peut pas inviter d'Américains dans le jury. J'espère la rencontrer un jour, je bosserais mon mauvais anglais pour l'occasion parce qu'on a quelque chose à faire ensemble. Vous savez, parfois vous voyez quelqu'un et vous vous dites "oh quel dommage qu'on ne puisse pas faire quelque chose ensemble". Je l'admire beaucoup, je me demande ce qu'elle va faire des Quatre filles du docteur March, mais elle fait toujours des choses différentes entre Frances Ha et Lady Bird. Elle se renouvelle et il y a toujours quelque chose de simple et de fort dans ses films, des personnages originaux auxquels on croit beaucoup.
Une actrice et un acteur qui vous ont marqué ?
J'adore Natalie Wood et sa façon de jouer. Elle est même dangereuse. On sent que c'est à fleur de peau, qu'elle pourrait y passer pour un rôle. Mais j'adore tellement d'actrices américaines si vous saviez... Cela devient banal de le dire mais on ne dira jamais assez que Meryl Streep est une immense actrice. On croit à tout ce qu'elle fait, à travers ses personnages on a envie de la connaître, d'être amie avec elle. Je parlais d'Ingrid Bergman mais Barbra Streisand, son travail de réalisatrice sur Yentl, ce sont des femmes très complètes. (...) J'aime bien les femmes de caractère.
Et l'acteur ?
Dustin Hoffman.
Je m'en doutais un peu, vous avez cité plusieurs de ses films.
Je n'ai pas cité Tootsie mais j'ai cité beaucoup Sydney Pollack. C'est l'acteur qui m'a le plus troublée adolescente. Je trouvais qu'il était le symbole de l'acteur qui peut tout faire : nous séduire, nous emmener loin... Aujourd'hui, j'aime beaucoup Joaquin Phoenix.
La bande-annonce du "Lauréat" :