France, début des années 70. Lucie, une petite fille de dix ans, disparue quelques mois plus tôt, est retrouvée errant sur la route. Son corps maltraité ne porte aucune trace d'agression sexuelle. Les raisons de son enlèvement restent mystérieuses. Traumatisée, mutique, elle est placée dans un hôpital où elle se lie d'amitié avec Anna, une fille de son âge.
15 ans plus tard. On sonne à la porte d'une famille ordinaire. Le père ouvre et se retrouve face à Lucie, armée d'un fusil de chasse. Persuadée d'avoir retrouvé ses bourreaux, elle tire.
Martyrs a dix ans. Lorsqu'il est sorti, en septembre 2008, beaucoup avaient le sentiment que c'était un film qui allait compter. Dix ans ont passé et le film de Pascal Laugier compte parmi les films de genre les plus marquants du cinéma français. Au delà de son extrême violence, son jusqu'au-boutisme, sa densité et sa charge émotionnelle sont restés dans les mémoires de ceux qui ont saisi les intentions de son réalisateur et l'énergie organique de son désespoir.
Dans son ouvrage Martyrs de Pascal Laugier : Mélancolie du chaos, paru aux éditions Rouge Profond, Frédéric Astruc propose de replonger dans le film en deux temps. D'abord, une analyse où il livre sa compréhension de l'oeuvre, son interprétation, sa vision en examinant différents motifs qui traversent Martyrs : le rapport au genre, la mise en scène. Cette première partie est intéressante en ce qu'elle d'articule entre la théorie - un travail de recherche très documenté - et le rapport très subjectif qu'entretient l'auteur avec l'oeuvre qu'il entend commenter.
Martyrs a 10 ans ! Saviez-vous que le film-choc de Pascal Laugier n’avait jamais été interdit aux -18 ans ?Ensuite, un grand entretien avec le cinéaste, où Pascal Laugier se souvient en cascades de la genèse de Martyrs, de l'accouchement du film dans la douleur, parle de ses influences, décrit sa manière de faire du cinéma et d'envisager le cinéma. Il revient aussi sur son travail avec Benoît Lestang - qui s'est suicidé quelques mois après le tournage du film -, à qui il rend hommage et qui a conçu les maquillages incroyablement réalistes du film, sur sa collaboration avec une documentaliste au sujet de la figure du martyr.
« C'est intéressant parce que les choses qui apparaissent a posteriori comme les fondements mêmes du film ne sont pas toujours pensées à l'avance », indique-t-il au fil de la discussion, de laquelle émerge presque par accident l'idée de mélancolie. Une idée dont s'empare Frédéric Astruc pour formuler l'hypothèse qui vient conclure son livre : « Et si (...) "mélancolie" était le "Rosebud" du cinéaste, ce qui sous-tend son oeuvre et ce film, Martyrs ? »
L'ouvrage de Frédéric Astruc est à mettre entre toutes les mains. Celles des admirateurs de Martyrs, qui, pour autant, n'adhèreront pas nécessairement à l'entièreté de l'analyse, et n'auront qu'une envie : revoir le film. Et celles de ses détracteurs, qui seront peut-être suffisamment sensibles à son éclairage pour réviser leur jugement, et n'auront qu'une envie : revoir le film.
La bande-annonce de Martyrs :