Pour aller plus loin… Trois questions à Florent Goussard, paléontologue au Muséum national d'Histoire naturelle à Paris, spécialisé en dinosaures et en imagerie 3D.
Le reboot Jurassic World et sa suite Fallen Kingdom ont imaginé des hybrides de dinosaures, mélange de plusieurs espèces éteintes. Pourrait-on vraiment en créer ?
Non, pas vraiment. L'ADN ne se conserve pas au-delà de quelques centaines de milliers d'années. De fait, sans cela, on ne peut pas créer ces hybrides comme les croisements entre espèces qui sont montrés dans Jurassic World. Néanmoins, si on avait accès à cet ADN, il est probable qu'il aurait des manques, exactement comme c'est précisé dans le premier film de la saga. Dans le film, ces "trous" sont comblés par de l'ADN provenant d'autres animaux : des grenouilles, des crocodiles, des oiseaux… A partir de là, cet organisme ne serait pas un dinosaure mais un hybride de plein de choses et on n'aurait aucun moyen de s'assurer que ce qu'on voit est représentatif de ce qui a pu exister il y a plusieurs dizaines ou centaines de millions d'années.
Dans Jurassic World Fallen Kingdom, Nick Van Owen (Chris Pratt) veut sauver Blue, le velociraptor qu'il a dressé au début du film précédent. Est-ce que les dinosaures sont des animaux que l'on pourrait dresser ?
Oui et non. Aujourd'hui, les animaux les plus proches des dinosaures, ce sont les oiseaux. En fait, les oiseaux, on peut les dresser. C'est le métier de fauconnier qui permet de pratiquer la chasse ou que l'on voit dans les spectacles en plein air. Si on s'intéresse à d'autres organismes actuels qui sont proches des dinosaures comme les crocodiles, on s'aperçoit qu'ils sont très difficilement dressables. On peut à la rigueur leur inculquer des habitudes de travail. Donc c'est difficile de savoir comment ça se passerait avec des dinosaures, parce qu'on ne les a pas avec nous.
Introduite par le professeur Ian Malcolm, le personnage joué par Jeff Goldblum qui est de retour dans Fallen Kingdom, la théorie du chaos est au cœur de la saga. Mais quel est le rapport avec l'évolution et l'extinction des dinosaures ?
On touche ici au fondement même de la théorie de l'évolution. Alors que celle-ci peut facilement être vue comme pyramidale avec une progression linéaire d'organismes dit inférieurs vers des organismes supérieurs (au sommet desquels se trouverait l'homme), la réalité est en fait bien plus complexe : le véritable moteur de l'évolution n'est pas cette idée de "progrès" apparent mais bien le hasard ! Ce que l'on appelle la sélection naturelle est le mécanisme qui, au sein d'une population, va favoriser le développement des organismes présentant le plus d'atouts pour survivre aux conditions rencontrées dans leur milieu à un instant donné. Un exemple : imaginons l'apparition d'un prédateur ultrarapide pour l'homme. Dans ce cas de figure, les individus les plus à même de survivre seront alors ceux capables de courir encore plus vite pour s'échapper. Or on ne décide pas d'être capable de courir vite ou non : c'est le hasard qui fait que certains auront cette capacité ! La théorie du chaos c'est cela : lorsque des règles supposément linéaires, bien définies en apparence, sont en réalité issues du hasard le plus total.
Le Muséum national d'Histoire naturelle accueille à Paris l'exposition Un T. Rex à Paris, du 06 juin au 02 septembre : courez découvrir le squelette quasi complet d'un Tyrannosaurus rex présenté pour la première fois en France.