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    L'homme dauphin : "Luc Besson a pris l'histoire de Jacques Mayol et en a fait une fable. Ça n'avait rien à voir avec la réalité"
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 13 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    A l'occasion des 30 ans du "Grand Bleu" sort un documentaire sur l'homme qui a inspiré le film de Luc Besson, Jacques Mayol : "L'homme dauphin, sur les traces de Jacques Mayol". Jean-Marc Barr qui en est le narrateur nous en parle.

    AlloCiné : Ce qui est particulièrement intéressant avec L'Homme dauphin est qu'on découvre une toute autre image de celle qu'on croyait connaitre de Jacques Mayol avec Le Grand Bleu...

    Jean-Marc Barr, narrateur du documentaire L'Homme dauphin : Jacques Mayol avait une grande passion et il a tout laissé pour la suivre. Luc Besson a vu ce qu'il faisait. Il a vu la chose excitante que représentait ses plongées et comment ça pouvait être bien de les filmer en 70 mm. Il a pris l'histoire de Jacques et en a fait une fable. Rien à voir avec la réalité. C'était très librement adapté.

    Le film a eu un grand succès, à un tel point que, quand les gens parlaient de Jacques Mayol, c'était moi qu'ils voyaient. De vivre ça, c'était plus qu'horrible pour lui. C'était tragique. Quand ce metteur en scène grec Lefteris Charitos m'a sollicité pour être interviewé pour ce film, quelques mois après, il m'a demandé si je pouvais faire la narration. J'ai dit oui, parce que je voulais remettre un peu les pendules à l'heure : sur le message de Jacques sur la plongée, sur le rapport de l'être humain et la mer... Comment ce message d'être humain envers la nature est encore plus important aujourd'hui qu'il y a 30 ans. Il y a une vraie menace sur la planète à cause de nos civilisations.

    Le film a eu un grand succès, à un tel point que, quand les gens parlaient de Jacques Mayol, c'était moi qu'ils voyaient.

    Ce documentaire était une façon pour vous de rendre hommage à Jacques Mayol…

    Exatement. Ce film m'a donné beaucoup de cadeaux. C'est le 30 ans du Grand Bleu. Je pensais que c'était à propos de parler du vrai mec qui l'a inspiré. Mais aussi de voir comment la passion de l'apnée a évolué.

    Avez-vous continué la plongée après le tournage du Grand Bleu ? 

    Oui, j'ai continué. J'ai une femme italienne qui a un endroit en Calabre. Je plonge à 10-12 mètres et je le fais seul, mais il faut dire aussi que si je me mets là où il n'y a pas de fond et qu'il y a ce bleu cristallin qui semble éternel, que l'envie de partir pour toujours reste là. C'est ça qui est bien dans l'apnée, c'est que ça te met en contact avec ta propre insignifiance. Dès que tu as ce contact, la vie est belle !

    Le Grand Bleu m'a donné la possibilité de choisir ma carrière

    Le Grand Bleu vient de fêter ses 30 ans. Quel souvenir cela vous évoque ?

    Pour moi, cette aventure de tourner pendant 9 mois, avec une équipe superbe et des acteurs comme il y avait, était un énorme cadeau. Le succès que ça m'a donné était un énorme cadeau. Ça m'a donné la possibilité de choisir ma carrière.

    Au lieu de peut être retourner en Californie et faire un cinéma commercial, je suis allé vers une liberté, vers un cinéma européen, à travers Lars von Trier. La joie que je vois quand les gens m'abordent, qui sont des fans du Grand Bleu... On fait ce métier pour ça. J'en suis très heureux. Je suis très heureux, qu'après 30 ans, je sois toujours là. 

    Au lieu de peut être retourner en Californie et faire un cinéma commercial, je suis allé vers une liberté

    Quand le film est sorti, j'habitais en Angleterre, il n'avait pas marché là-bas. J'ai pu aborder le succès du film avec une certaine distance. La célébrité, devenir star d'un jour à l'autre, pour moi, a été très dangereux car je n'avais aucune expérience. Surtout je voulais voir comment je pouvais utiliser Le Grand Bleu pour emmener un spectateur qui n'est pas habitué à voir du cinéma vers Godard ou Fassbinder ou des gens comme ça. Car le cinéma a une grande histoire. Je voulais participer à ça.

    Quand vous dites « devenir star » du jour au lendemain, ça veut dire que l'on vous arrêtait tout le temps dans la rue ? Concrètement ça changeait quoi ?

    Non, à cause de la célébrité, tout d'un coup, il n'y avait que 5 metteurs en scène qui pouvaient me parler parce que mes agents demandaient tant d'argent à cause du succès du film. Tout d'un coup aussi, c'était difficile de prendre le métro, des trucs comme ça. Je ne voulais pas arrêter avec ça. Je voulais marcher dans la rue.

    Parfois les stars aujourd'hui sont poussées en dehors de la réalité parce que le succès les rend intouchables. Ça, ce n'était pas moi du tout. Je suis influencé par Kerouac, des gens comme ça qui voyagent, qui font partie du peuple, où il n'y a pas de différence. Dans notre système capitaliste aujourd'hui, il y a des hiérarchies et je voulais à tout prix éviter ça.

    Quelle est la scène du tournage qui vous a le plus marqué ?

    C’était sous la glace ! La glace, c’était quelque chose. Car on avait choisi la combinaison pour la couleur, pas pour être sous la glace ! C’était un vrai effort (rires). 

    Il y a, en quelque sorte, des légendes sur des films que vous auriez refusé après Le Grand Bleu. Est-ce vrai ? Quels films avez-vous refusé par exemple ?

    C'est à dire que j'étais un héros français. J'étais un peu comme Marie Pierce, quelqu'un qui avait deux cultures, mais qui avait surtout grandi aux Etats-Unis. Je ne connaissais pas très bien la culture française.

    A l’époque, on me proposait par exemple Indochine de Régis Warnier, mais au même moment on me proposait aussi Europa. Pour moi, c’était une évidence que je fasse quelque chose à l’européenne.

    J'étais un héros français

    Il y avait Patrice Chéreau qui m’avait proposé un rôle dans La Reine Margot et j’ai fait un autre film qui s’appelle La Peste, qui était une adaptation du livre de Camus, mais c’était en anglais. Je savais que je pouvais mieux me défendre en anglais qu'aborder des rôles français de héros.

    Est-ce vrai également que vous avez refusé Top Gun ?

    On m’a envoyé le scénario et je l’ai renvoyé à mon agent en disant 'comment on peut dans les années 80 être encore en train de faire de la propagande contre les communistes !'. Pour moi, c’était un peu bête. Donc ils m’ont vu, je leur ai plu, mais quand j’ai dit ça, j’ai un peu pété dans l’Eglise ! (rires)

    Vous avez parlé du fait de faire des choix européens, mais on sent aussi dans vos choix que vous cherchiez des choses qui allaient vous nourrir spirituellement… C’est par exemple ce qu’on ressent en voyant Europa, un film comme on en a rarement vu avant.

    C’est le danger de l’idéaliste. Je dois dire que cette spiritualité était peut être naissante avec le rôle de Mayol. Car cette action de faire de l’apnée, de descendre à 30, 40 ou 100 mètres mais d’être dans les éléments, il y a une sensualité qui inspire une spiritualité. Pour moi, il y a quelque chose dans l’esprit. C’est la chose qui nous lie. Peut être n’est-elle pas tactile, peut être n’est-elle pas définissable par des mots, mais quand on voit des grands films ou des films qui nous plaisent, il y a surtout cette contigüité qui existe entre le spectateur et l’œuvre. On a parlé d’Europa, il y a aussi d’autres films.

    Pour moi, on créé un rapport avec le spectateur qui est magique d’une certaine manière.

    Pour moi, on créé un rapport avec le spectateur qui est magique d’une certaine manière. Je ressens ça aujourd’hui beaucoup plus parce que j’avais peur que si j’avais suivi le côté célébrité, j’en aurais eu marre de mon métier après 5 ans. J’aurais gagné plein d’argent, je n’aurai pas eu besoin de travailler. Pour moi, il faut rester un peu idiot, il faut avoir faim. Mon travail m’a fait faire des choix. Parfois j’ai fait des fautes, parfois pas, mais surtout c’est moi qui ai fait ces choix. Ce sont des choix qui m’ont permis d’arriver à savoir la valeur de ce que je fais, qui n’a rien à voir avec le fric.

    On fête les 30 ans du Grand bleu et c’est sans doute le film dont on vous parle encore le plus aujourd’hui (il acquiesce). Mais, vous, personnellement, quel est le film qui vous a le plus marqué, qui a été le plus important pour vous ?

    Europa de Lars von Trier, en terme de cinéma, où j’ai joué un premier rôle, c’est celui qui va rester. Je suis très fier d’un film que j’ai co-réalisé avec Pascal Arnold qui s’appelle Too Much Flesh. Je suis très fier. C’est comme un Faulkner. Le film a eu un grand succès partout dans le monde.

    Un des plus beaux compliments que j’ai eu : j’étais dans un lavomatic à Cape Town en Afrique du Sud. J’étais en train de regarder mes trucs en train de sécher, et tout d’un coup, il y a un jeune mulâtre qui vient vers moi et qui me dit ‘ah vous êtes l’acteur’. ‘oui, oui’. Je m’attendais à ce qu’il me parle du Grand Bleu, et il me dit ‘j’ai vu Too Much Flesh, ça a changé ma vie, mec’. Quand tu sais que tu as influencé au moins quelqu’un dans une autre partie du monde, changé sa vie, et que c’est toi qui a inspiré cette chose dès le début, c’est bien.

    Et justement la réalisation, cela fait 6 ans que vous n’avez pas réalisé…

    On essaye, on essaye en ce moment. Je ne sais pas si AlloCiné est au courant, mais ce n’est pas facile de financer le cinéma, surtout indépendant ! (rires) On essaye. On n’est pas encore mort, le cœur bat encore un petit peu, le corps est peut être à plat, mais on va renaitre.

    Ce serait un projet dans le même esprit que vos précedents films ?

    La sexualité semble un des seuls endroits qui reste à l’être humain de libre et on essaye de défendre ça.

    La sexualité semble un des seuls endroits qui reste à l’être humain de libre et on essaye de défendre ça.

    Quels sont vos projets ? Vous allez bientôt remonter sur les planches...

    Oui, c’est une pièce de théâtre qui est inspirée d’une nouvelle de Tolstoi, la Sonate Kreuzer. J’étais marié avec une Yougoslave pendant 17 ans, pianiste. Elle est retournée à Belgrade, et a dramatisé cette pièce en ajoutant un personnage qui est la femme de Tolstoï, Sophia Tolstoï, à travers ses journaux. La pièce est sur l’incapacité des hommes et des femmes d’avoir des vrais rapports dans un monde d’homme.

    Dans la pièce, je raconte comment j’ai tué ma femme. J’ai un rival, qui est la violoniste qui joue la Sonate Kreuzer, donc il y a une juxtaposition d’un vrai concert de Beethoven, avec mon ex femme. Et une femme habillée en homme qui joue mon rival. Et la mise en scène est faite par le mari de mon ex femme. Donc on aborde un thème qui es très vivant encore aujourd’hui, à travers des participants dans l’amour. C’est une pièce qui va être au Studio Hébertot à Paris fin septembre – début octobre. La juxtaposition de la musique classique avec le théâtre classique, c’est vraiment magnifique. C’est une excitation qui me plait.

    Et j’ai un film qui sort : Semih Kaplanoğlu qui avait fait Miel et avait gagné un prix à Berlin. Il a fait un film en noir et blanc, on a tourné pendant 2-3 mois en Anatolie. Ca s’appelle La Particule humaine et ça sort au mois de juillet.

    Le Grand Bleu en Ciné-Concert :

     

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