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    Miracle : quand la Lituanie ex-communiste découvre le capitalisme [INTERVIEW]

    Avec son premier long métrage "Miracle", la réalisatrice lituanienne Egle Vertelyte évoque le choc provoqué par l'ouverture au capitalisme de son pays au début des années 90 et l'arrivée d'un investisseur américain. Rencontre.

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    AlloCiné : Pouvez-vous nous parler des faits réels qui ont inspiré votre film ?

    Egle Vertelyte (réalisatrice) : L'histoire de Miracle est une fiction, mais j'ai glissé beaucoup d'événements et d'anecdotes de ma vie dans le film. Et surtout, c'est l'atmosphère propre à cette époque qui est réelle : c'était très intéressant pour moi de comprendre comment nous avions pu être si naïfs pour accepter et adorer tout ce qui venait de l'Occident sans prendre le temps d'examiner ça avec un oeil critique.

    Americain, riche, avec les cheveux orange... Bernardas semble s'inspirer de Donald Trump. C'est le cas ?

    Quand j'ai écrit le personnage de Bernardas, je n'ai jamais pensé à Donald Trump. Cependant, lorsque nous avons commencé à tourner le film, la campagne électorale commençait déjà aux États-Unis . Et l'acteur Vyto Ruginis qui interprète Bernardas a suggéré que le personnage lui rappelle Donald Trump. J'ai dit que ça me convenait, parce que Bernardas comme Donald Trump incarnent l'image du capitalisme en eux-mêmes. Donc j'ai pensé que c'était une bonne référence ! Cependant, nous n'avons jamais pensé sérieusement à cette similitude, nous n'avons jamais adapté Bernardas à Donald Trump et nous ne nous attendions jamais à ce que Donald Trump gagne les élections !

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    Ce personnage semble également être une incarnation du Diable, très séduisant pour tout le monde mais porté par un but sombre et caché. C'était une référence consciente durant l'écriture ?

    Oui, effectivement. En réalité, dans les premières versions du scénario, il n'avait pas un but caché, il revenait à la maison par patriotisme, mais il avait quelque chose de faux et je ne cessais de me demander ce qu'il voulait vraiment. Je pense que très peu de gens ont des actions sérieuses menées par des sentiments complètement idéalistes : mon sentiment est que nous avons tous un but concret en nous-mêmes. Effectivement, j'étais très consciente de son côté sombre, j'avais besoin que le personnage séduise pour révéler la naïveté des gens du coin et aussi pour illustrer la méthaphore de cette époque.

    "Miracle" racontait au départ l'histoire d'un homme et de cinq femmes, puis d'un homme et de trois femmes pour finalement être centré sur un homme et une femme. La philosophie "moins est plus" vous semble t-elle essentielle dans le développement d'un scénario ?

    Oui, quand j'écris j'ai tendance à trop compliquer le scénario avec beaucoup d'histoires, à me concentrer sur les détails, à explorer le monde et une fois que le monde est clair, je peux commencer à me concentrer sur l'essence de l'histoire. Donc tout mon processus d'écriture était un voyage vers la simplicité. Je crois vraiment que si vous pouvez exprimer la même chose avec moins, c'est plus puissant.

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    La photographie de votre film est sublime. Que pouvez-vous nous dire de votre approche en terme d'image et de lumière ?

    Avec le directeur de la photographie Emil Christov, nous avons également utilisé l'approche "less is more" dans la photographie. Notre devise était la suivante : la simplicité n'est pas un compromis. Nous avons beaucoup travaillé pour trouver les bonnes couleurs pour le film. Nous avons été inspirés par la couleur de vieux films soviétiques, nous avons regardé des peintures, des photographies de l'époque. Cependant, créer une esthétique rétro ou un réalisme historique n'a jamais été le plus gros problème sur lequel nous nous sommes concentrés. Au cours de notre collaboration avec Emil Christov et le concepteur de la production Ramūnas Rastauskas, nous avons travaillé sur des looks un peu exagérés, une composition théâtrale et des styles bien pensés mais simples, presque primitifs, avec des détails brillants. Cette stratégie nous a aidés à créer une sensation hyper-réaliste afin de permettre au public de s'y rapporter d'une manière universelle.

    Pourquoi avoir opté pour un format 4/3 pour cette histoire ?

    Pour trois raisons. La première était de nous aider à voyager dans le temps. La deuxième était plus liée à la notion de miracle, qui est dans la relation avec le ciel et la terre et je pensais que j'avais besoin de plus d'espace vertical dans le cadre. Et la troisième raison, c'est que d'une certaine manière, je pense que ce ratio a contribué à souligner le ton théâtral et étrange du film.

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    Dans votre film, les femmes tiennent le pays. C'était important de montrer une nation (et peut-être même un monde) qui tient en place grâce à des femmes fortes ?

    Oui. Je pense que le rôle des femmes dans la société lituanienne a été sous-estimé ou pas vu. Je me souviens de ces années : mes grand-mères, mes tantes, des femmes très fortes qui travaillaient dur, mais qui faisaient tout en même tout à la maison. Pendant la période de transition, j'ai vu beaucoup d'hommes abandonner, boire, perdre leur emploi, tomber en dépression. Les femmes s'adaptaient plus facilement à la nouvelle situation et ne se laissaient pas abandonner comme le faisaient les hommes autour d'elles. Irena est une femme forte comme ça - elle porte beaucoup sur ses épaules et ne peut pas se permettre d'échouer comme le font les hommes autour d'elle, donc elle essaie de se réadapter.

    Vous êtes une vous-même une femme : quelle est la situation des réalisatrices en Lituanie ?

    La situation s'améliore et de nouvelles femmes réalisatrices émergent. Cependant, la nouvelle étude sur le cinéma lituanien montre que les réalisatrices n'ont pas les mêmes possibilités que les hommes. Elles ont plus de probabilités de tourner des documentaires et des courts métrages, qui requièrent des budgets moindres. Si vous êtes une femme et que vous voulez faire une fiction, ce n'est pas  facile. Je l'ai vécu, il m'a fallu des années pour que cela se produise et pour convaincre les gens que je pouvais le faire.

    Miracle est votre premier film : on dit souvent que les jeunes cinéastes mettent "tout" dans un premier film. Que peut-on attendre de votre second long métrage ?

    Je pense que je suis naturellement attirée par les histoires qui ont quelque chose de tragique et de drôle à la fois. J'ai trouvé l'une de ces histoires à New York, dans la vie du célèbre artiste lituanien George Machiunas, dont la vie a été la plus drôle mais en même temps la plus triste. Je travaille sur le script fou lié à sa personnalité.

    Miracle, en salles le 9 mai

     

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