AlloCiné : Pouvez-vous nous en dire plus sur l'histoire derrière ce film, qui est inspiré d'une histoire vraie ?
Julien Hallard, réalisateur : Oui, c'est inspiré d'une histoire vraie, qui a eu lieu en 1968 à Reims. Un journaliste qui s'appelait Pierre Geoffroy de l'Union de Reims a posté une annonce pour organiser un match de foot féminin. C'était comme une blague, il trouvait ça peut être drôle, pour une kermesse. Contre toute attente, beaucoup de femmes, de tous les âges, ont répondu à cette annonce. Elles avaient un bon niveau de football car elles jouaient dans leurs familles, avec leurs parents, leurs frères... Il a été très surpris de ça, et cette idée de match de kermesse a évolué. Il a décidé d’entraîner cette équipe, d'en faire une vraie équipe de foot.
Il faut savoir qu'à ce moment là en France, les filles ne jouaient pas au foot, non pas parce que c'était interdit, mais parce que ça ne se faisait pas. Les filles ne pouvaient pas courir en short devant des gens. C'était pas bien ! Lui qui n'était pas forcément un féministe, et ces filles qui n'étaient pas forcément des féministes pures se sont retrouvées dans cette aventure, à jouer, rencontrer d'autres équipes qui se sont montées avec leur énergie et elles ont fini par obtenir des licences de la fédération. C'est à dire qu'à l'époque les filles n'avaient même pas de licence de la fédération. La fédération n'avait même pas pensé à ça. Les enfants avaient des licences, mais les femmes n'en avaient pas, parce que ça n'existait pas. Le foot féminin ne pouvait pas exister, comme on le dit dans le film.
Il est étonnant que cette histoire n'ait pas jusqu'ici encore fait l'objet d'un film !
C'est venu comme un pur hasard car cette histoire n'était pas médiatisée, très peu traitée. On peut se demander pourquoi elle était très peu traitée. Peut être pour des raisons de sexisme. Le foot féminin n'était pas encore reconnu comme il l'est maintenant. Là on commence à en parler plus. Je pense qu'en 2012, quand j'ai commencé à m'intéresser à cette histoire, la médiatisation commençait.
Cette équipe était un peu tombée dans les oubliettes de l'histoire, alors que c'est une histoire passionnante sur les changements de société à l'époque, le féminisme, l'aventure de ces filles... J'en ai entendu parler par une émission de radio un peu par hasard. Ces filles m'ont semblé déterminées, drôles… Il y avait une espèce de joie. Je me suis dit qu'elles méritaient que cette histoire soit racontée.
Pouvez-vous nous parler du travail de documentation ? Avez-vous cherché à rencontrer ces filles ?
Ce n'est pas un documentaire. Je l'ai interprété à ma manière, mais avant de rentrer dans le scénario, j'ai recherché ces filles, à avoir leur témoignage. J'ai cherché à les rencontrer. J'en ai interviewé beaucoup par téléphone : il y en avait à Reims, en Norvège… Elles étaient jeunes à l'époque, donc certaines avaient quitté la Champagne. J'ai eu beaucoup d'anecdotes, de retours d'histoires passionnantes, notamment de Ghislaine Souef, dite Gigi, leader de cette équipe et qui en est toujours le porte-parole maintenant. Elle m'a raconté des aventures extraordinaires.
Il y avait beaucoup d'anecdotes que j'ai réutilisé dans le film, sur la manière dont elle se faisait maltraiter par le public masculin, comment elles ont dû tondre une pelouse avant de jouer, elles étaient toujours reléguées dans des terrains de seconde zone… Elles se sont vraiment battues et elles ont beaucoup d'humour et de détermination. Il y a beaucoup de choses réelles, mais que j'ai réinterprété pour avoir quelque chose de plus romanesque.
J'ai aussi interviewé ces filles pour garder leur esprit. Je ne voulais pas trahir l'esprit. Ce n'était pas des soixante-huitardes, ce n'était pas des féministes. C'était des filles qui venaient de milieux populaires. Il n'y avait pas forcément une conscience politique, mais elles se sont battues pour une cause, une cause pratique : elles ne voyaient pas pourquoi elles ne pourraient pas jouer au foot. Elles se sont lancées dans cette aventure en n'étant pas des féministes politiques parisiennes. C'était intéressant ce point de vue un peu décalé sur le féminisme. Quand je leur ai montré, j'étais anxieux car c'était aussi leur histoire. Je me demandais si je ne l'avais pas trahie. Je leur ai montré au club de Reims où l'on a fait une projection privée pour ces pionnières, et heureusement, elles ont beaucoup aimé le film. Elles ont reconnu l'esprit, beaucoup d'anecdotes que j'avais recueilli donc ça s'est bien passé avec elles.
Diriez-vous que c’est un film féministe ?
Oui, il l’est. Je n’ai pas envie de jouer à cache-cache. Je l’ai fait sans cynisme. Je voulais rendre hommage à ces femmes. On est en 1969. Il n'y a pas encore de droit à l'avortement, il n'y a pas encore la pilule. On est dans un contexte qu'il ne faut pas oublier et qu'on peut mettre en parallèle avec maintenant. J'ai l'impression que les choses bougent maintenant comme elles ont bougé à l'époque. C'est une seconde phase de libération peut être.
Je le revendique comme un film féministe. Je suis un homme mais je défend leur cause et je pense avoir respecté l'esprit de leur féminisme. Après c'est une comédie. Je ne voulais pas passer par un discours pesant sur le féminisme ou totalement politique. Je voulais faire passer ce message derrière la comédie. Si c'était juste un film politique ou un film de sport, ça risquait de ne pas parler à tout le monde. Si c'est quelque chose de plus universel, évidemment on s'intéresse à cette histoire.
Comment avez-vous formé votre casting, qui brasse différentes personnalités et genres de cinéma, comme Solène Rigot ou Sarah Suco, ou encore l'occasion de revoir la comédienne de Tomboy, Zoé Heran...
Le challenge était de constituer cette équipe. Il fallait que ça fonctionne, qu'elles apprennent à jouer au foot ensemble, qu'elles s'entendent bien, qu'elles existent à l'écran très rapidement. Elles existent dans un film choral dans lequel il y a peu de background psychologique. Elles doivent tout de suite prendr eplace, on doit tout de suite comprendre qui elles sont. Elles doivent avoir une force de jeu. Donc j'ai cherché longuement à constituer la bonne équipe.
Après, je ne me suis mis aucune limite dans le style de jeu, est ce qu'elles venaient de la comédie pu du film d'auteur. Venant moi-même plutôt du film d'auteur, je voulais faire une comédie d'auteur populaire. J'ai pris les filles qui avaient le plus de charisme. Solène Rigot, même si elle n'a pas fait beaucoup de comédie, je trouve qu'elle a un naturel, une puissance d'incarnation qui est extraordinaire. Zoé Heran, c'est pareil, c'est un petit bijou, un diamant brut. Dans Tomboy, elle est extraordinaire. Là, elle a vieilli. Je voulais l'équipe la plus crédible possible, qui fonctionne ensemble et ce sont les essais qui ont donné ça.
Quel a été leur entrainement ?
Je leur ai demandé d'être une équipe de foot crédible. Certaines n'avaient jamais joué au foot. Il a fallu qu'elles s'entrainent, il a fallu acquérir les mouvements de base pour qu'on croit que vous joué depuis l'enfance. Elles se sont entrainées pendant 3 mois, un peu à l'américaine ! Il y a eu un travail physique, c'est aussi important pour rentrer dans le rôle. Ca restait du football amateur, donc je n'avais pas à les transformer en Messi ou Ronaldo. J'avais besoin qu'on croit à leurs mouvements de corps. Elles ont travaillé dur pour ça. Vanessa Guide a eu un entrainement spécifique car elle est censée être une jeune fille qui joue très bien, fille d'un joueur de football professionnel. Elle avait un challenge, elle a travaillé vraiment très très dur. Je suis admiratif de ce qu'elle a fait, elle a tout donné.
Rencontre avec Solène Rigot
AlloCiné : On vous voit plutôt rarement dans le registre de la comédie !
Solène Rigot, comédienne : On m’en a proposé très peu. Sauf si on peut considérer Saint Amour comme une comédie. J’aime beaucoup. C’est un exercice très difficile. J’admire beaucoup les gens qui font rire. C’est quelque chose vers lequel j’aimerais aller parce que c’est un challenge, parce que ça change, parce que ça permet de tester des choses.
Comment vous étiez-vous retrouvée dans Saint Amour justement ?
Ils m’avaient vu dans Tonnerre de Guillaume Brac donc ils m’ont contacté via mon agent. J’avais rencontré Benoit Delépine pour un petit café. Je les ai adoré. Je remercie Guillaume Brac de m’avoir fait rencontrer Kervern et Delépine. Je n’ai tourné que trois jours, mais j’ai vécu des aventures extraordinaires. Le duo est vraiment chouette, ils sautent sur chaque occasion.
Qu’est-ce qui est plus difficile selon vous avec la comédie ?
Il me semble qu’il faut avoir une maitrise pour réussir à faire rire. C’est plus difficile de faire rire que de faire pleurer. Soit quelqu’un arrive à te diriger, à te manier un peu pour que tu deviennes drôle sans t’en rendre compte. L’autre façon, c’est de vraiment être conscient de ce qui fait rire, dans ta manière de parler, de bouger, pour que ça ait un impact comique. C’est plein de petites choses très détaillées.
Lorsque nous vous avions rencontré il y a quelques temps, vous nous aviez dit que La Cité de la peur était votre premier souvenir marquant de cinéma...
Le top du top, ce sera toujours La Cité de la peur. Récemment j’ai regardé énormément de comédies américaines, avec Jonah Hill notamment. Ca me plait énormément, c’est très second degré. C’est un peu potache, mais en même temps très intelligent. Chez les Français, j’aime beaucoup Antonin Peretjatko, c’est décalé. Récemment j’ai vu Le sens de la fête de Toledan et Nakache, ils ont tellement une maitrise du scénario que ça marche, ils sont vraiment très forts.
Quel a été votre entrainement pour Comme des garçons ?
On s’est toutes entrainées avec une ancienne fille de l’équipe de France qui s’appelle Aurélie Ménard. Elle était géniale, elle nous a beaucoup apporté. Vanessa Guide s’est entraînée 6 mois. Et nous, pendant tout l’été, on a fait 3 entrainements par semaine. On s’est aussi énormément soudées grâce à ça. Zoé Herran avait déjà une bonne frappe. Mais sinon on a progressé à peu près toutes en même temps.
Au début, on progresse énormément, on trouve ça génial, et puis après il y a une période de stagnation. On se demande alors comment on va y arriver !
Ces entrainements nous ont beaucoup liées. Ca nous a permis de nous connaître de manière différente que simplement le jeu. Et on vient toutes d’univers différents donc c’est génial.
Est-ce que vous étiez fan de foot avant ce film ?
Non, je suis fan de la Coupe du monde. J’aimerais bien que la Coupe du monde féminine soit un peu plus regardée, ou au moins diffusée sur des chaines de télé plus importantes pour que les gens puissent s’y intéresser. J’aime beaucoup le côté convivial du foot, de regarder les matchs, de suivre une équipe, de se laisser porter. En 1998, j’avais 6 ans donc j’ai le regret de 98, j’ai envie de revivre ça, mais avec mon âge actuel.
Y a-t-il des projets auxquels vous avez participé qui arrivent prochainement ?
Il y a une série Arte qui s’appelle 18, le fracas des utopies de Jan Peter et Frédéric Goupil. C’est une grosse coproduction européenne. Je pense que ça arrivera à la rentrée. Je n’ai pas fait énormément de séries. J’en ai fait une au tout début, Xanadu, et une apparition dans Le Tunnel. Je trouve ça hyper intéressant, d’autant que c’est de plus en plus développé.
C’est un format pour lequel il y a énormément de choses à faire, à tester, à découvrir. Ca doit être assez marrant d’être dans une série dans laquelle tu enchaines les saisons. Ca te prend tout un pan de ta vie. Ca doit être assez chargé en expérience
Comme des garçons : le Vrai ou faux de Vanessa Guide et Max Boublil