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    Ressortie Le Baiser du tueur de Kubrick : retour sur les débuts d'un génie perfectionniste
    Vincent Formica
    Vincent Formica
    -Journaliste cinéma
    Bercé dès son plus jeune âge par le cinéma du Nouvel Hollywood, Vincent découvre très tôt les œuvres de Martin Scorsese, Coppola, De Palma ou Steven Spielberg. Grâce à ces parrains du cinéma, il va apprendre à aimer profondément le 7ème art, se forgeant une cinéphilie éclectique.

    À l'occasion de la ressortie en salles du Baiser du tueur, AlloCiné revient sur la genèse d'un des premiers films du maître Stanley Kubrick.

    Le Baiser du tueur - Sortie le 13 juin 1962 - Ressortie le 17 janvier 2018 en version restaurée

    De Stanley Kubrick avec Frank SilveraJamie SmithIrene Kane

    DE QUOI ÇA PARLE ?

    Alors qu’il vient de perdre un match de boxe, Davy Gordon se retrouve à défendre Gloria, une entraîneuse de dancing malmenée par son patron. Les deux jeunes gens vont sympathiser avant de s‘éprendre l’un de l’autre. Voulant rester avec Davy, Gloria décide de changer de vie et pour cela de quitter son emploi, au grand désespoir de son patron qui, amoureux d’elle, tente d’éliminer Davy pour la reconquérir. Davy se retrouve mêlé à une sale affaire de désir et de jalousie…

    PREMIERS PAS D'UN GÉNIE

    On ne présente plus Stanley Kubrick, l'auteur légendaire d'Orange Mécanique2001, L'Odyssée de l'espace ou Shining. Toutefois, si ce dernier est sûrement le plus grand réalisateur de l'Histoire du Cinéma, il a dû faire comme tout le monde au début de sa carrière... galérer pour monter ses projets. C'est le cas pour Le Baiser du tueur, son second long-métrage après Fear and Desire, qu'il avait co-écrit avec son ami Howard Sakler en 1953.

    Le cinéaste retrouve son complice un an plus tard pour signer le script du Baiser du tueur. Il a d’abord pour idée de s’inspirer de son court métrage Day of the Fight en mettant en scène une histoire sur un boxeur. Petit à petit, le projet va prendre de l’ampleur pour se transformer en véritable thriller. Par ce film dans lequel pointe l’influence d’Hitchcock (Les 39 MarchesFenêtre sur cour) et plus indirectement de Fritz Lang, Kubrick fait ses premiers pas de réalisateur dans le film noir, l’occasion pour lui de montrer son talent à jouer sur les ombres et les lumières.

    PERFECTIONNISME JUSQU'AU BOUTISTE

    Mais ces aptitudes techniques et artistiques poussent le natif de New York à un perfectionnisme absolu, qui se met en place lors du tournage du long-métrage. En effet, Kubrick officie également en tant que directeur de la photographie et prend la mauvaise habitude de faire patienter l’équipe du film plusieurs heures pendant qu’il met son éclairage en place. Alex Singer, photographe de plateau sur Le Baiser du tueur, témoigne : "Tourné pour une somme ridicule, le film fut réalisé avec la même minutie et le même soin que Kubrick apporte à tout ce qu’il fait. C’est un perfectionniste, un perfectionniste absolu."

    Team Kubrick ou Team Nolan ?

    UN TOURNAGE CHAOTIQUE

    Bien qu'il soit intransigeant sur un tournage et qu'il ait toujours obtenu ce qu'il voulait pour ses films par la suite, Kubrick a dû batailler ferme pour parvenir à mettre en boîte son second long-métrage. L'oeuvre est réalisée de façon totalement indépendante. Kubrick y est producteur, réalisateur, directeur de la photographie et monteur. Il aurait aussi tiré lui-même les copies. À noter que le film a été, en grande partie, financé par Morris Bousel, un parent pharmacien dans le Bronx. Dix mois auront été nécessaires à l'artiste pour mener à terme cette deuxième oeuvre, tournée en décors naturels dans les rues de New York sans autorisation. Selon une anecdote, le cinéaste aurait même été pris en flagrant délit et aurait acheté les brigadiers qui l’avaient épinglé à raison de 20 dollars chacun.

    Kubrick déployait cette énergie et cette détermination dans un but bien précis. Ce dernier en parlait avec une lucidité étonnante : "L’intrigue de ce second long métrage était stupide, mais ce qui m’intéressait était d’acquérir de l’expérience et de travailler dans ce milieu – alors, le contenu, l’histoire me paraissaient secondaires. De toutes les histoires qui me tombaient sous la main, je choisissais simplement celle qui présentait le moins de complications. Et puis je n’avais pas d’argent pour vivre à l’époque, encore moins pour acheter les droits de bonnes histoires, et pas le temps de les adapter correctement. Mais comme je ne voulais pas travailler à côté et perdre le fil, il fallait que j’avance, que je continue."

    CRITIQUES ET INFLUENCES

    Finalement, à la sortie du film, les critiques sont subjugués par la qualité narrative, la virtuosité technique et le travail sur la lumière. Cependant certains lui reprochent certaines faiblesses comme l’utilisation de la voix off qui sert de raccourci scénaristique, le décor, la mise en scène. Pourtant les deux mots les plus utilisés pour le qualifier sont « grande virtuosité ». Le Baiser du Tueur a donc permis à Kubrick de se faire connaître. Il s’impose comme un film essentiel à la compréhension des sources Kubrickiennes.

    Certaines des obsessions visuelles et philosophiques du cinéaste s’y retrouvent déjà. En 1983, en réalisant Strangers Kiss, Matthew Chapman s’inspire de façon romancée du tournage du Baiser du tueur. Il nous montre Stanley (incarné par Peter Coyote), un réalisateur de films qui manipule ses acteurs afin d’obtenir une intensité de jeu impossible à obtenir autrement.

    LE MOT DE LA FIN PAR KUBRICK

    Intensité... c'est une chose que le maestro dégageait en interview, même s'il n'aimait pas cet exercice. Le réalisateur ne mâchait pas ses mots quand il était interrogé par des journalistes, en témoignent ces paroles revenant sur un des thèmes fondamentaux de son oeuvre, la violence : "Même s’il existe une certaine dose d’hypocrisie autour de la question, tout le monde est fasciné par la violence. Après tout, l’homme est le tueur le plus impénitent de la planète. Notre intérêt pour la violence reflète en partie le fait que, sur le plan de l’inconscient, nous différons très peu de nos ancêtres primitifs."

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