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    Star Wars - Battlefront II : rencontre avec le directeur artistique et le co-scénariste du jeu

    Disponible ce vendredi 17 novembre, "Star Wars Battlefront II" offre, contrairement à son prédécesseur, une campagne solo, qui plus est à vivre du côté obscure de la Force. Entretien avec le directeur artistique et le coscénariste du jeu.

    Ce vendredi 17 novembre, l'éditeur Electronic Arts lâche dans l'arène son jeu très attendu Star Wars Battlefront II. Suite de l'opus précédent sorti en 2015, Battlefront II intègre contrairement à son prédécesseur une campagne solo, qui faisait cruellement défaut auparavant. C’est le studio québécois Motive, fondé par Jade Raymond, l'ex productrice de la franchise Assassin's Creed, qui s’est chargé du développement de cette campagne inédite au scénario adoubé par Lucasfilm.

    En voici d'ailleurs la bande-annonce...

    L’histoire de cette campagne se déroule ainsi juste après Le Retour du Jedi et la destruction de la seconde Etoile de la Mort puis couvre les trente années menant jusqu'au début du Réveil de la Force. "L’histoire de Star Wars Battlefront II est absolument essentielle pour savoir ce qui s’est passé après Le Retour du Jedi, ce qui est advenu de l’Empire sans son Empereur mais aussi de toute la galaxie alors qu’elle se délite" lâchait d'ailleurs Steve Blank, Creative Executive à Lucasfilm. Surprise : le joueur se retrouve à incarner ici un personnage principal féminin, répondant au nom d'Iden Versio et, qui plus est, située sur l'échiquier du côté obscur de la Force. C’est le talentueux scénariste Walt Williams, auteur notamment de l’histoire du jeu Spec Ops : The Line, qui a posé les bases de l’histoire d’Iden. Travail sur lequel est rapidement venu se greffer celui de Mitch Dyer, co-scénariste sur le jeu.

    De passage à Paris dans le cadre de la présentation de la campagne solo de Star Wars Battlefront II le 12 octobre dernier, nous l'avons rencontré ainsi que Chris Matthews, le directeur artistique du jeu. Entretiens croisés.

    AlloCiné : Mitch, vous étiez auparavant journaliste chez IGN. Il y a peu de journalistes qui franchissent finalement le pas afin de travailler au cœur de l’industrie du jeu vidéo. Comment cela s’est-il produit ?

    Mitch Dryer : A l’époque, j’ai appris qu’Electronic Arts avait engagé Jade Raymond à la tête d’un nouveau studio à Montréal appelé Motive. J’ai alors envoyé un email à Jade – car je la connais – pour la féliciter chaleureusement et lui préciser que si elle avait besoin d’un scénariste, j’étais disponible. Elle m’a répondu qu’elle ne savait pas que je voulais faire des jeux vidéo. Plus tard, j’ai été amené à passer un entretien avec elle, ainsi qu’avec Amy Hennig qui travaillait de son côté sur son propre jeu Star Wars. Je leur ai alors raconté le pitch du jeu Star Wars que j’aurais souhaité voir un jour. Quelques mois plus tard, j’ai décroché le job et déménagé dans la foulée à Montréal. C’est à partir de ce moment-là que nous avons commencé à travailler sur le jeu, dont le scénario ressemble énormément à ce que j’avais raconté lors de mon entretien d’embauche.

    Chris Matthews : Je pense que tu minimises les faits, Mitch. Tu n’as pas seulement donné une idée de pitch lors de ton entretien, tu as carrément raconté une histoire complète. C’est incroyable et ce genre de truc m’impressionne toujours.

    Mitch Dyer : A chaque fois qu’on avait une idée, on s’arrangeait toujours pour essayer de la concrétiser de manière à ce que tout le monde comprenne bien où on voulait en venir. D’ailleurs, plus votre idée est forte et l’histoire limpide, plus le public la comprend et s’enthousiasme pour elle.

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    AlloCiné : De quelle manière avez-vous travaillé avec Walt Williams, le scénariste de Star Wars Battlefront II ? J’imagine qu’il y a dû avoir de nombreux débats sur ce qu’il est possible de faire ou de ne pas faire dans un Star Wars…

    Mitch Dryer : Je connais Walt depuis quelques années. Je l’ai rencontré après qu’il ait terminé Spec Ops : The Line et nous sommes alors devenus amis. Mais c’est par pure coïncidence que nous nous sommes retrouvés à travailler ensemble sur Star Wars Battlefront II. Cela dit, la confiance entre nous était déjà naturellement solide dès que nous avons commencé à écrire l’histoire du jeu. Pour ce projet, Walt a été pour moi un mentor incroyable car il était toujours en capacité de m’aider. Il avait aussi en permanence des idées géniales. Par exemple, c’est lui qui a posé les bases de l’histoire d’Iden Versio. Une grande partie du travail de Walt se retrouve d’ailleurs dans Star Wars Battlefront II. Nous avons passé beaucoup de temps ensemble à Montréal, au téléphone, y compris le soir très tard. J’avais même l’impression que, durant tout le projet, Walt et moi entretenions une sorte de relation sentimentale à longue distance (rires).

    Chris Matthews : Je n’ai jamais vu quelqu’un comme Mitch qui passe autant de temps et qui s’implique autant vis-à-vis, par exemple, de l’IA et du design. Le côté positif est qu’il y a beaucoup de nos idées dans l’escouade finale d’Iden Versio. Nous tentons d’ailleurs de jauger ces idées, en faisant des allers et retours entre les auteurs concernant chaque détail, y compris par exemple la couleur de la roche sur une nouvelle planète. Cela se déroule souvent de cette manière : on essaie de transformer chaque idée des scénaristes en croquis qui inspirent par la suite des visuels…

    Mitch Dryer : Et ces visuels inspirent à leur tour Christie Gordon [NDR : auteur du roman «Inferno Squad» narrant le passé de l’escouade dirigée par Iden Versio] qui les transforment par la suite en mythes, en les couchant sur le papier dans son roman. C’est dingue !

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    AlloCiné : L’écriture du scénario intervient-elle dès le tout début du développement du jeu ?

    Mitch Dryer : Oui, car il faut que l’histoire soit la plus authentique possible vis-à-vis de l’univers de Star Wars. Donc il est nécessaire que cette authenticité soit parfaitement en phase dès le premier jour avec le visuel et l’écriture afin d’aboutir à un projet Star Wars convaincant. Par exemple, avant même que je commence à travailler sur le jeu, je me souviens avoir vu Walt s’asseoir et prendre un tas de notes, après nous avoir demandé quelles choses on aimerait voir dans une histoire de Star Wars. Il s’agissait d’un processus collaboratif qui impliquait tout le monde dans l’équipe. J’ai même reçu l’email d’un des level designers à propos d’une idée cool qu’il avait à propos d’une mission. Ensuite, nous apportions tout cela à Lucasfilm, à San Francisco, alors que Chris, de son côté, y amenait une tonne de Concepts Arts.

    Chris Matthews : Je pense que les gens de Lucasfilm ont apprécié le fait que l’on suive leur approche, d’une manière très sincère, pour écrire l’histoire de Star Wars Battlefront II et que l’on tienne compte de leurs idées. Ils nous ont d’ailleurs apporté un énorme soutien et se sont montrés aussi très réactifs. Mitch et Walt envoyaient régulièrement leurs idées ainsi que des portions de l’histoire. Je pense que nous avons du créer des milliers de Concept Arts qui allaient des droides sentinelles à l’escouade Inferno, en passant par le vaisseau de l’équipe, le Corvus. De cette manière, les gens de Lucasfilm ont pu voir que nous respections à la lettre la marque Star Wars…

    Notre responsabilité en tant que développeur est de mettre en avant le meilleur personnage pour l’histoire et les fans, mais pas de décider en fonction du sexe ou de la race.

    AlloCiné : Lucasfilm est d’ailleurs renommé pour être très pointilleux vis-à-vis de cela…

    Mitch Dryer : Je n’ai pourtant jamais ressenti une quelconque interdiction agressive de leur part.

    Chris Matthews : Les gens de Lucasfilm sont très protecteurs parce qu’ils veulent privilégier les fans et leur donner les meilleures histoires possibles. Pour l’anecdote, on voulait que l’escouade Inferno puisse être capable de voyager à travers la galaxie, mais ce n’était pas vraiment pratique de le faire à bord d’un Chasseur TIE. Il fallait donc trouver une solution. L’équipe de Lucasfilm nous a alors invités à pénétrer dans le lieu des archives qui contiennent l’histoire complète de Star Wars et où on a pu prendre des photos et scanner des modèles. J’avoue que se tenir debout face à trente années d’histoire du septième art a constitué pour moi un moment très singulier. Ces archives contiennent en réalité des tonnes d’idées inexploitées et c’est d’ailleurs l’une d’entre elles qui nous a inspiré le Corvus, cette version réduite d’un Star Destroyer avec d’énormes moteurs.

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    AlloCiné : L’histoire de la campagne solo de Star Wars Battlefront II est considérée comme étant canonique, c’est-à-dire faisant partie intégrante de la saga officielle. Comment cela a-t-il été décidé ?

    Mitch Dryer : C’est mon propre point de vue mais je pense que Lucasfilm considère désormais toutes les histoires – excepté peut-être une poignée de livres pour enfants - comme devant faire partie par défaut de la chronologie officielle de la saga. Tout ce qui a trait à Star Wars doit avoir sa place maintenant dans la saga, y compris un truc comme la série animée LEGO Star Wars : Les Aventures des Freemaker.

    Chris Matthews : Dès le premier jour, nous avons pu bénéficier de l’assistance de "Narrative Storytellers" issus de Lucasfilm. Il faut savoir que, dès lors que ces personnes-là sont impliquées et que votre histoire peut s’insérer dans la chronologie, alors elle est considérée comme authentique. Dans les modes multijoueurs, il est possible de prendre quelques libertés vis-à-vis des batailles où peuvent collaborer des héros n’appartenant pas à la même époque. Mais c’est évidemment impossible de le faire dans la campagne.

    Mitch Dryer : Dans la campagne, il est par exemple impossible de se retrouver face à Darth Maul. En revanche, Luke Skywalker peut y apparaître, dans la mesure où son histoire peut faire sens s’il croise la route de l’escouade Inferno. Cela parait aussi naturel qu’approprié. Et puis ça donne aussi l’occasion à Luke d’hériter de sa propre histoire courte à l’intérieur de Star Wars Battlefront II.

    AlloCiné : Quelles sont les difficultés principales auxquelles vous devez faire face en écrivant une histoire basée sur l’univers de Star Wars ?

    Mitch Dryer : Pour moi, ce sont les personnages qui peuvent poser le plus de problème.

    Chris Matthews : Je pense qu’il faut se montrer philosophe et comprendre d’abord ce que l’on fait. Il y a deux ans, Motive ne rassemblait que quelques personnes et avait presque l’air d‘un désert. Nous avons bâti ce studio grâce à la personnalité incroyable de développeurs et de passionnés de Star Wars. Chacun se fait sa propre idée de Star Wars et c’est justement pour ça que les gens l’aiment. Mais c’est paradoxalement aussi cela qui est le plus difficile pour nous en tant que développeurs, car y a-t-il vraiment la place pour créer quelque chose de nouveau ? En tous cas, il y a une tonne de fan-service dans le jeu, comme Vardos, une immense planète impériale.

    Les gens de Lucasfilm sont très protecteurs parce qu’ils veulent privilégier les fans et leur donner les meilleures histoires possibles (Chris Matthews)

    AlloCiné : Le fait que le personnage central de l’histoire soit une héroïne, est-ce là une manière de vous conformer au desiderata de la productrice Kathleen Kennedy, qui souhaite avoir davantage de (premiers) rôles féminins au sein de l’univers de Star Wars ?

    Mitch Dryer : Je ne pense pas que des héroïnes « Bad Ass » soient quelque chose de nouveau dans Star Wars. Rey, Padmé, Jyn, Sabine, Hera… Il y a une longue liste de personnages féminins incroyables. Mais Leia reste tout de même ma préférée, loin devant. Elle inspire le spectateur et c’est toujours elle qui tire les garçons d’affaire.

    Chris Matthews : Iden a toujours été pensée, dès le début, comme un personnage féminin. De toute manière, en tant que développeurs de jeux vidéo,  nous allons continuer de donner les premiers rôles à des personnages féminins, jusqu’à ce que les gens arrêtent de demander pourquoi le protagoniste principal est une femme. Ce n’est même pas une question pour nous. Notre responsabilité en tant que développeur est de mettre en avant le meilleur personnage pour l’histoire et les fans, mais pas de décider en fonction du sexe ou de la race.

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    Mitch Dryer : Au final, on en revient à Janina [NDR : Janina Gavankar, qui prête ses traits au personnage d'Iden] car c’est quelqu’un qui dégage une vraie force pour le personnage. C’est une actrice incroyable doublée d’une excellente écrivaine. Et elle est très passionnée, a toujours plein d’idées et comprend parfaitement Star Wars.

    AlloCiné : Quelles sont les choses dont vous êtes le plus fier dans ce jeu ?

    Chris Matthews : Pour moi, c’est sans conteste l’escouade Inferno avec trois personnages totalement nouveaux qui racontent une histoire inédite. Je suis aussi fier de Janina qui représente à la perfection notre personnage principal. Il y a aussi le Droide sentinelle dont je suis très fan. Sans oublier le fait que nous avons voyagé à travers le monde et passer des heures à parler et dessiner. Je suis vraiment fier de Motive pour avoir été capable de réaliser cette histoire.

    Mitch Dryer : Personnellement, je suis fier d’Iden. C’est un personnage que nous pensions génial mais que finalement nous avons dû complètement modifié en rencontrant Janina. En tant que scénariste, elle a d’ailleurs rendu mon job très facile grâce à sa force intérieure et son aura naturelle.

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