Acteurs, cinéastes, gens de cinéma étaient venus en nombre autour de Thierry Frémaux pour assister à la remise du Prix Lumière hier soir au Centre de congrès de Lyon : Niels Arestrup, Julie Gayet, Emmanuelle Devos, Sami Bouajila, les invités du festival Anna Karina, Jean-François Stévenin accompagné de sa fille Salomé, Charles Aznavour, ou encore Pierre Lescure, l'acolyte de Frémaux au Festival de Cannes.
Au terme d'une soirée d'hommages riches en émotions, c'est la comédienne Isabelle Adjani qui a remis le Prix au cinéaste hongkongais Wong Kar-wai, à qui l'on doit dix films caractérisés par une élégance formelle rare et une grande sensualité. In the Mood for Love, dont la copie restaurée sera projetée en clôture du festival demain soir, 2046 ou Happy Together sont parmi les plus célèbres auprès du public. "Happy Together", le titre des Turtles, sera d'ailleurs l'hymne de la soirée : joué à l'entrée du cinéaste sous les applaudissement enthousiastes du public, ainsi qu'en live à la fin de la cérémonie pour clore le spectacle.
Les hommages auront plu, tout au long de cette soirée. Hommages musicaux, avec le magnique thème d'In the Mood for Love repris au violoncelle par Sonia Wieder-Atherton, et une remarquable interprétation a capella du titre "Quizás, quizás, quizás" par Camelia Jordana. Hommages en images, avec plusieurs montages autour du cinéma de Wong Kar-wai, dont un, particulièrement touchant, réalisé par son fidèle chef opérateur, le déjanté Christopher Doyle, en forme de déclaration avec des extraits d'In the Mood for Love sur la chanson de Françoise Hardy "Je veux qu'il revienne". Hommages par les, enfin, au travers des discours prononcés par Olivier Assayas et Bertrand Tavernier.
"Wong Kar-wai est un grand poète du cinéma", dira Olivier Assayas, revenant sur son grand voyage en Chine et à Hong Kong dans ses années 1980, au cours duquel il a rencontré le cinéaste. "Le problème des réalisateurs, c'est qu'on n'arrive pas à saisir le noyau, le coeur de la vie. Parfois, certains grands artistes y arrivent, en transgressant les règles." Il ajoutera : "Les gens pensent que le cinéma de Wong Kar-wai est formaliste, mais c'est totalement faux. Son cinéma, au contraire, est habité de sens, un sens qui trouve sa richesse dans la poésie." Le cinéma de Wong Kar-wai comme cinéma de la vie, c'est une idée que l'on retrouvera dans l'éloge délivré par le président de l'Institut Lumière Bertrand Tavernier : "Le coeur, il bat dans les films de Wong Kar-wai. On y trouve l'amour et une vitalité contagieuse."
Au moment d'être couronné, Wong Kar-wai racontera l'histoire de illusionniste chinois Ching Ling Foo dont un magicien américain avait usurpé l'identité, revenant sur la rivalité entre les deux hommes, et la rason supposée pour laquelle Ching Ling Foo ne se serait jamais présenté au duel qui devait les opposer : "Il aurait été complètement bouleversé par la. On croit aujourd'hui que Ching a été époustouflé lorsqu'il a vu, pour la première fois de sa vie un film, qui était Arrivée d'un train en gare de La Cioltat. Il était alors persuadé que le cinéma allait détrôner son art pour devenir la forme ultime de magie dans le monde." Une manière de célébrer les frères Lumière, avant de remercier longuement sa femme, sa muse, Esther et de lui déclarer son amour.
"Moi qui rêvais d'être l'actrice en lunettes noires qui pose avec le réalisateurs en lunettes noires de l'amour impossible", commentera avec humour Isabelle Adjani en s'avançant sur scène pour remettre le Prix. Aucun des deux n'aura quitté ses lunettes noires de la soirée, mais c'est à Wong Kar-wai que reviendra le mot de la fin : "Merci Lumière, merci Lyon et longue vie au cinéma."
"Happy Together", des Turtles :