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    "Tourner à Téhéran est absolument impossible à cause de la censure" : rencontre avec le réalisateur de Téhéran Tabou

    Alors que son film d'animation "Téhéran Tabou" sort en salles cette semaine après être passé par Cannes et par Annecy, rencontre avec le réalisateur iranien Ali Soozandeh...

    Camino Filmverleih / Little Dream Entertainment

    Allociné : Vous souvenez-vous du jour où a débuté le projet "Téhéran Tabou" pour vous ?

    Ali Soozandeh : Depuis que j’ai quitté l’Iran, j’ai beaucoup pensé à ce sujet et à cette question : de quelle manière nos vies ont-elles été influencées par les limites qui ont été fixées dans ce pays ? Mais la première fois que j’ai vraiment écrit sur le sujet, c’est lorsque j’ai surpris la conversation de deux jeunes Iraniens dans le métro en Allemagne. Ils étaient allés en vacances en Iran et ils parlaient de toutes les expériences qu’ils avaient eues avec les femmes. Ils ont mentionné en particulier une prostituée qui venait toujours avec son enfant.

    A quel moment avez-vous décidé d’en faire un film d’animation ? Était-ce un moyen d’éviter de passer par les autorités iraniennes ?

    Tourner à Téhéran est absolument impossible à cause de la censure. Quand on veut tourner un film en Iran, il faut demander des autorisations à beaucoup d’autorités : au Ministère de la Culture, à la Police ; et je ne les aurais jamais obtenues, cela aurait donc été impossible. Si j'avais tourné dans un autre pays, ça n’aurait pas fonctionné, parce que Téhéran a un aspect particulier, son caractère, ses rues, ses habitants. D’autre part, je viens du domaine de l’animation et mon producteur s’y connaît aussi. Nous avons remarqué qu’il y avait un avantage dans l’animation, c’est qu’elle laisse un espace à l’imagination du spectateur. Le cinéma intérieur qui se déroule dans l’esprit du spectateur est plus fort en de nombreux d’aspects. Cela laisse plus de place à l’imaginaire, et nous avons donc décidé que l’animation serait le meilleur moyen de raconter cette histoire.

    ARP Sélection

    Comment décririez-vous le procédé de rotoscopie, que vous avez utilisé pour faire ce film ?

    Réaliser un film en rotoscopie consiste à le faire deux fois. On tourne d’abord le film une première fois avec une équipe de cinéma classique : cameraman, comédiens, tous ensemble en studio à Vienne. La deuxième fois, on travaille avec toute l’équipe des artistes animateurs. Le premier tournage en studio a duré un mois. Lorsque nous sommes passés à l’animation, la première étape consistait à animer les comédiens, à les transformer en figures d’animation. Puis, à partir d’un certain nombre de documents, nous avons construit les décors à l’ordinateur. C’est ensuite, lorsque nous avons assemblé ces deux éléments, que l’on a vu si l’animation fonctionnait ou pas.

    Parlez-nous des quatre personnages principaux du film. Vous êtes-vous inspiré de véritables histoires pour raconter les leurs ?

    Les personnages, comme l’histoire, sont fictifs. Dans une certaine mesure, je les ai tous inventés. Mais lorsqu’on commence à écrire, il y a des souvenirs qui reviennent : ce qu’on a vécu, ce qu’on a lu, ce qu’on a vu dans des films. Du coup, petit à petit, les personnages reçoivent et se nourrissent de notre vécu. Ils sont tous différents, mais ils ont plein de points communs. Ils souffrent tous des limitations sexuelles qui existent dans ce pays et des conséquences de ces limites. L’origine de chacun des personnages est assez différente. Par exemple, pour Sara, j’avais une image en tête : une femme qui vole avec un cerf-volant au-dessus d’un gratte-ciel. Et pour moi, ça a été le point de départ de l’élaboration du personnage.

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    Comment décririez-vous la ville de Téhéran avec vos propres mots aujourd’hui ? Si vous deviez l’illustrer avec un seul plan de votre film, lequel choisiriez-vous ?

    Téhéran est une très grande métropole. Elle comprend entre 14 et 16 millions d’habitants, et c’est une ville extrêmement contrastée selon l’endroit où l’on se trouve. Les environnements sont très différents les uns des autres. Il y a le Nord, le Sud, les riches, les pauvres, les non-religieux, les religieux, la modernité, la tradition… Pour décrire cette ville, il faut savoir lire entre les lignes, trouver des grilles et éviter absolument le noir et blanc. Je ne pourrais pas prendre une seule image de mon film pour la décrire, il faudrait en prendre des centaines.

    Votre film a été sélectionné au Festival de Cannes et à celui d’Annecy. Comment avez-vous vécu ces deux événements ?

    Dans les deux festivals, tant à Cannes qu’à Annecy, j’ai trouvé des spectateurs extrêmement intéressés, mais pas pour les mêmes raisons. A Cannes, c’était plutôt le sujet qui intéressait les spectateurs. Ils posaient des questions sur la société iranienne, sur l’histoire que je racontais, d’où est-ce qu’elle venait... Tandis qu’à Annecy, les spectateurs posaient plutôt des questions techniques. Ils s’intéressaient aux techniques d’animation. Ce qui était très agréable pour moi, c’est que dans chacun des deux festivals, la réception du film a été très positive. Il y avait une atmosphère extrêmement chaleureuse et bienveillante dans les deux cas, non seulement pour mon film mais pour les films indépendants en général. C’est vraiment très positif et très important pour les films d’auteur et leurs réalisateurs de pouvoir aller dans d’autres festivals, rencontrer des confrères et des consœurs, échanger avec eux.

    Avez-vous déjà en tête de futurs projets de films ?

    Je travaille actuellement à trois projets, trois scénarios. Le premier est une histoire qui se passera en Corée du Nord. Le second se déroule à Berlin dans un hôtel, et le troisième se déroulera dans un pays arabe. Quant à savoir lequel des trois sera réalisé en premier, cela dépend purement du financement.

    (Re)découvrez la bande-annonce de "Téhéran Tabou"...

     

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