AlloCiné : Vous avez fait battre le cœur des festivaliers et eu ce que beaucoup ont appelé la Palme du cœur. Qu’avez-vous ressenti quand vous avez lu, entendu partout que 120 battements par minute était la Palme du cœur ?
Robin Campillo, réalisateur et scénariste : Je n’aime pas trop l’expression ! (rires) Non, non, mais j’ai été assez surpris… Je savais que le film était émouvant, mais j’ai eu l’impression que l’émotion débordait les gens. J’ai toujours cette inquiétude qu’ils ne voient pas le film derrière l’émotion. C’est un peu pudique ringard ce que je dis, mais il y a un truc comme ça.
Mais j’ai essayé de me protéger ça, car j’étais aussi dans une émotion par rapport au film. Je n’ai pas arrêté de bosser depuis 2 ans, jusqu’à arriver à Cannes. Le montage (Robin Campillo est également le monteur du film, Ndlr.) a été très dur. C’est un truc de privilégié de pouvoir faire un film, dans ces conditions, c’est super. De faire un film, sur ce sujet, avec un peu d’argent, c’est aussi un privilège.
J’étais envahi par l’émotion assez régulièrement.
Mais j’arrivais à un moment où quand j’avais écrit le scénario, j’étais aussi très émotionnel, c’était assez dur. J’étais envahi par l’émotion assez régulièrement. Le tournage, parce qu’on est envahi par les gens, paraît plus facile. Il y a aussi plein de choses plus angoissantes. Et après, au montage, on se reprend cette émotion, et on se retrouve un peu seul, même si j’étais avec mon assistante et une autre monteuse qui m’a un peu aidé. J’arrivais donc à un moment presque de saturation par rapport à l’émotion. Puis Cannes…
Ce que j’ai trouvé très beau, c’est que plein de gens découvraient qu’ils avaient traversé cette épidémie. Soit les gens étaient un peu de ma génération, ou un peu plus jeune, ou un peu plus vieux, et d’un seul coup s’apercevaient de ce que cette épidémie avait changé dans leur vie. Donc pour eux, c’était une espèce de redescente très brutale, dans la réalité. D’un seul coup, les gens se rappelaient que leur copain était mort, leur père… Des choses assez fortes comme ça.
Soit c’était des gens plus jeunes, pour qui le SIDA a toujours existé, pour qui il y a toujours eu des préservatifs dans les lycées, qui découvre ce monde qu’ils ne connaissaient pas... Là aussi ça m’a vraiment impressionné. Tout ça, ça m’a touché et en même temps, j’ai essayé de me protéger de tout ça.
Bien sûr, je plaisante quand je dis que je réfute la notion de Palme du cœur ! La seule manière pour moi de me rassurer était de parler cinéma, de mettre un peu à distance les choses et d’en faire un objet plus technique presque. Mais c’est vrai que c’est impressionnant.
C’est vrai aussi que c’est curieux car j’ai travaillé dur pour être à Cannes. Et c’est pour ça que quand les gens me demandent si je ne regrette pas la Palme d’or, non, car pour moi l’inquiétude était que le film ne soit pas à Cannes. Sur mes films précédents, vraiment, ça ne me dérangeait pas. J’ai été au Festival de Venise (avec Eastern Boys, son précédent film, prix Horizons du meilleur film, sélection Orizzonti, Ndlr.). Ce film, j’avais l’impression que s’il allait à Cannes, il allait plus marquer qu’ailleurs. Comme ce long métrage avait coûté un peu plus cher que mes précédents, il avait besoin d’être plus exposé. Je pense avec le recul que j’avais raison.
Quand les gens me demandent si je ne regrette pas la Palme d’or, la réponse est non, car pour moi l’inquiétude était que le film ne soit pas à Cannes.
J’ai été extrêmement heureux que Thierry Frémaux (délégué général du Festival de Cannes, Ndlr.) soit tout de suite emballé par le film, qu’il l’ait extrêmement mis en valeur. Cela a donné le coup d’envoi du film. Je ne pense pas que le film serait passé inaperçu comme mes films précédents, mais je pense qu’il était à l’endroit où il fallait. Je pense même que c’était bien qu’il soit en compétition, que les gens parient dessus. Ce n’est pas pour qu’il y ait un prix, et quel que soit le niveau du prix. Il ne faut pas oublier que Toni Erdmann, que j’ai beaucoup aimé, n’a eu aucun prix l’année dernière et le film a été remarqué.
Pendant la soirée de remise de prix à Cannes, il y a eu la conférence de presse du jury et peut être avez-vous pu voir ces images après coup, quand Pedro Almodovar a parlé du film, il y a un moment où il a vraiment été submergé par l’émotion. A un moment où il disait « vous racontez l’histoire de vrais héros qui sauvent de nombreuses vies », Il a marqué une pause, il était très ému. Est-ce que vous avez eu l’occasion après d’échanger un petit peu avec lui ?
Je n’ai pas vu la conférence. Encore une fois, je me protège de tout. Je ne lis pas les critiques, je ne lis rien, je ne vois rien… J’essaye de garder un peu la tête froide. Tout ça m’angoisse même quand c’est positif. J’ai laissé tomber. Je regarde après. Genre 6 mois après la sortie, je commence à lire un peu des choses. Ou on me dit les choses grossièrement, mon attachée de presse, mes producteurs. "Ca va bien…"
Uniquement pour ce film ? Ou déjà pour les précédents ?
Non, je fais toujours comme ça. Pedro Almodovar, je l’ai vu avant la conférence de presse. Je l’ai croisé. Je pense qu’il était un peu sur de la retenue. D’avoir été président d’un jury, il ne représente pas que lui-même. Et qu’il voulait me dire un truc personnel qu’il n’arrivait pas complètement à me dire.
Il m’a dit avec beaucoup de retenue qu’évidemment le film le touchait beaucoup. Et moi je suis arrivé plutôt dans un truc extrêmement positif du style "Merci de m’avoir donné un prix" (rires). Et donc le rapport a été assez… Comme un quiproquo quoi ! Mais je ne saurai pas interpréter.
Mais donc on a échangé que quelques mots et il m’a dit que ce film le touchait personnellement, qu’il était très impressionné par le film. J’ai aussi discuté avec des membres du jury après : Jessica Chastain, Maren Ade, Agnès Jaoui... Mais aucun d’entre eux ne m’a dit ce qui se passait dans le jury, ni rien.
Vous avez pris un certain temps avant de vous lancer dans ce film. C’était un sujet auquel vous pensiez depuis longtemps et vous aviez d'ailleurs travaillé sur un précédent projet portant sur le SIDA...
En fait, le SIDA n’est pas un sujet de cinéma en soi. C’est un sujet de discussion, de débat politique, mais ce n’est pas l’objet d’un film. En réalité, je me suis posé la question, depuis le début de l’épidémie : qu’est ce que le cinéma peut faire pour retranscrire ce qu’il se passe ? J’ai pensé à ça, à l’époque où je rentrais à l’Idhec (devenu aujourd’hui la Fémis, Ndlr.) au début des années 80. Je m’apercevais que je n’avais pas les outils cinématographiques pour parler de ça. Je n’avais pas de fiction; rien ne sortait.
Je pense que j’ai fait mon premier film, Les Revenants, sur cette impression de gel, d’anesthésie que produit l’événement, dont on est incapable de produire des images. Il y avait ce sentiment là. Et après je rentre à Act Up, et donc dans l’action. Act Up, c’était aussi une manière de montrer des images, ce que je montre un peu dans le film : remettre en scène l’épidémie; de lui donner de nouvelles images, de nouveaux acteurs.
Qu’est ce que le cinéma peut faire pour retranscrire ce qu’il se passe ?
Nous étions un peu comme des gens qui apparaissions sur des scènes de théâtre. Ca m’a frappé à Cannes quand j’ai vu le film : un laboratoire, une réunion, une salle de classe… Nous, on arrive comme de mauvais acteurs et on change le texte. L’irruption brutale, un changement de mise en scène imposé par le groupe, les militants. Ca m’a sauté aux yeux.
Le film que je préparais auparavant était plus dans les années 2000, sur un garçon. J'avais essayé de faire un film sur le SIDA avec les limites que ça comporte, et je suis retombé dans le piège de raconter à chaque fois l’histoire d’une personne seule. Ce n’était pas inintéressant, il faudrait que je le relise ! (sourire) Mais c’est une déception, car j’ai écrit pendant un an et demi et me suis aperçu que je ne le voulais pas le tourner.
C’est vous qui n’avez pas voulu finalement? Ce n’est pas que vous n’aviez pas trouvé de producteurs ou autres?
Je l’ai proposé à un producteur, Patrick Sobelman. Il avait beaucoup aimé Les Revenants et m’a dit qu’il n’accrochait pas avec celui-ci, et je le comprends totalement (rires). Je pense qu’il avait raison. Ce n’est pas parce qu’on m’a refusé que je n’ai pas pu le faire ; c’est que comme on me l’a refusé, ça m’a indiqué que j’avais raison d’avoir des doutes. Je me suis dit que ce n’était pas la peine.
Un personnage seul face à la maladie, ce n’est pas ce qui m’intéressait.
Ce n’est que relativement récemment que je me suis dit que ce que je voulais raconter, c’est le moment où nous avons essayé de prendre en main l’imaginaire sur le SIDA. Que des malades se sont auto-réalisé dans ce groupe pour lutter contre cette maladie. Ce moment, je trouvais que c’était un objet de cinéma. Alors que l’épidémie à elle-seule, ce n’en était pas un. Un personnage seul face à la maladie, ce n’est pas ce qui m’intéressait.
Ce n’est que récemment que je me suis dit que c’était sur Act Up. Ce mouvement de personnes qui appartiennent à un groupe, qui se rapprochent au maximum les uns des autres. Et quand la maladie prend le dessus, une des personnes se retranche du groupe, et entraine avec lui, la personne avec qui il vient d’entamer une romance.
Quelle est la part de fiction et quelle est la part d’autobiographie dans 120 battements par minute ?
D’abord, il y a quelque chose autour de réalité et du rêve, fiction dans le film. Je suis parti uniquement de souvenirs.
Vous ne vous êtes pas replongé dans de la documentation ?
Je me suis replongé après avoir écrit pour vérifier certaines choses. Mais je n’étais pas obsédé par la vérité historique. Je suis parti entièrement de souvenirs. Et quand on part de la mémoire, c’est quelque chose déjà de totalement réinventé. J’ai essayé de mettre ça en perspective.
Pour moi, une fiction met en lumière des paradoxes, des troubles qu’on n’arrive pas à trancher, et pas du tout des messages à faire passer. Comme ce ne sont que des souvenirs, je n’ai pas inventé grand chose. Tout est à peu près vrai. Mais il n’y a pas de personnages qui ressemblent réellement catégoriquement à des personnes. En revanche, les différents qu’il y a entre des personnages ressemblent à des différents que nous avions à l’époque à Act Up. Mais après il y a des gens comme Didier Lestrade qui peuvent se reconnaître en tel ou tel personnage, ça c’est vrai.
Un film à la fois autobiographique et fantasmé. Quand on part de la mémoire, c’est quelque chose déjà de totalement réinventé.
Pour ma part, il y a évidemment tout ce que raconte Nathan sur son passé qui est très proche de moi. Mais le personnage de Nathan est assez loin de moi. Et je peux me retrouver dans le personnage de Thibault. Il y a des choses qu’il vit que j’ai vécu. Idem pour Max, le meilleur ami de Sean. Rhabiller un copain mort, avec sa mère, ça je l’ai vécu.
Pourquoi c’est à la fois autobiographique et fantasmé ? C’est parce que c’est une histoire collective et ça raconte des choses de plein de gens. Et surtout, je passe entièrement par les acteurs. Les acteurs ont plus raison que les personnages que j’avais en tête. D’un seul coup, ça devient eux. Je ne sais plus qui disait "un film, c’est un documentaire sur des comédiens". Moi c’est exactement dans cette perspective là que j’ai fait ce film.
Comme c’est un film entièrement sur la question de l’incarnation, avec des malades qui essayent d’incarner leur propre maladie aux yeux des médias et entre eux pendant les débats, la question de passer par les acteurs était primordiale.
D’où ce casting assez long… Vous avez passé du temps à vous assurer qu’il y ait une alchimie, et que le collectif fonctionne…
Dans un film comme ça, où il y a quand même une vingtaine de personnages, non seulement il faut trouver les bons acteurs pour chaque personnage, mais il faut que les gens fonctionnent ensemble. Pour être honnête, il faudrait passer un an pour faire le casting, à voir les gens, à discuter avec eux.
Il y a un très beau remix de Jimmy Somerville dans la chanson Smalltwon Boy, et j'ai lu qu'il était même question qu'il joue lui-même dans ce film...
Jimmy Somerville a un rapport très fort avec Act Up Paris parce que c'était le copain de Didier Lestrade. C'est lui qui a donné un peu d'argent au début pour créer le groupe, et je crois que Didier Lestrade vivait dans son appartement parisien. D'ailleurs la réunion de la commission médicale qui se passe dans un appartement à l'époque, je crois que c'était l'appartement de Jimmy Somerville.
Il a fait un concert pour Act Up à l'époque qui était hyper émouvant. La fameuse chanson Smalltown Boy remonte à 1984. C'est le début de l'épidémie. Mais c'est une chanson composée avant l'épidémie, donc ça parle plutôt de la solitude des jeunes gays en province, qui montent à Londres ou à Paris en France, pour vivre leur sexualité à visage découvert. C'est l'époque, pour les gens de ma génération, d'avant l'épidémie.
Il fait un concert en 1992 ou quelque chose comme ça, donc 10 ans après, et le fait de l'entendre chanter cette chanson, les gens se sont mis instinctivement à pleurer. C'était extrêmement fort. Et donc je voulais recréer ce concert. Il n'a pas voulu parce qu'il n'a pas envie d'être filmé, ce que je comprends totalement. Je n'avais pas envie de prendre une doublure. Soit il chantait en direct, avec un anachronisme qui me plaisait, qu'il soit plus vieux. Je trouvais ça extrêmement fort. Mais j'avoue que je ne regrette pas qu'il n'ait pas été là.
J'ai réfléchi énormément à comment j'allais faire. Il se trouve qu'on a eu les bandes multipistes de l'époque. Je dois dire que quand j'ai pu écouter son ordinateur, quand j'ai pu entendre sa voix seule, sans rien, et d'entendre ça ramené au présent de l'enregistrement. On entend ses respirations. On entend même la rythmique dans le casque qu'il portait. Et là je me suis dit : ça va être plus banal, ils vont en boite et on balance cette musique. Pour le spectateur, cette musique, c'est déjà une madeleine, c'est déjà un truc de l'époque. C'est aussi l'un des premiers groupes ouvertement gay, avec un chanteur ouvertement gay. Il y a un truc quand même très très fort sur ce morceau qu'on n'a pas besoin de recréer au fond. Les spectateurs de la salle de concert à l'époque, ce sont les spectateurs dans la salle de cinéma aujourd'hui.
Pour le spectateur, cette musique, c'est déjà une madeleine, c'est déjà un truc de l'époque. C'est aussi l'un des premiers groupes ouvertement gay.
Les spectateurs dans la salle de concert, ce sont les spectateurs dans la salle de cinéma aujourd’hui. Et ce que je trouvais très beau : ça ramenait le personnage de Nathan à sa solitude à ce moment là. Arnaud Rebotini refait un mix. Il me passe les bandes en multipistes car il me fait tout en multipistes. Je découvre que je peux tout enlever pour n’avoir plus que la voix de Jimmy Somerville, très présente, et de passer de sa respiration, à celle de Nahuel à l’hopital. Je me suis dit qu’il y avait quelque chose de bouleversant.
C’est presque un peu "putassier" comme effet mais je dirai qu’il y a une légitimité énorme. D’une certaine manière, j’ai retrouvé Jimmy Somerville sur scène grâce à ces bandes multipistes. J’ai tellement l’impression que sa voix résonne dans la tête de Nathan à ce moment-là. Ca ramène à ce que je voulais, l’idée que l’épidémie avait créé des solitudes, notamment chez les hommes gays, et que les gens se retrouvent avec Act Up. Et quand la maladie devient plus forte, ça explose à nouveau et les gens se retrouvent dans une solitude un peu étrange, à la fois dans du collectif, mais complètement ramené à eux. Que ça puisse passer par le mixage de la musique, je trouvais ça extraordinaire.
Quelle est la suite ? Vous aviez un projet de film d’anticipation… Avez-vous envie de faire un break ?D’enchainer ?
J’ai envie d’enchainer. Vraiment. Mais d’avoir un film qui est un peu désiré, par les salles, par l’étranger, je me lance dans une longue période, comme on dit, d’accompagnement du film.
Ce qui se passe, c’est que j’hésitais entre le film sur Act Up et le projet d’anticipation. Comme j’avais fait un film gay avant, d’en faire plusieurs à la suite ne me dérangeait pas, mais c’est juste que le film d’anticipation était plus sur des personnages féminins et j’avais un peu envie de filmer des filles après Eastern Boys ! (rires)
Eastern Girls ?!
Mais il y a eu un moment, oui. C’était un diptyque au départ. Il y avait Eastern Boys et Eastern Girls. C’est un projet que je trouve hyper bien, mais j’ai à peine écrit. Mais peut être que je le ferai. Même 10 ans après, ce n’est pas grave. Il faut que j’y repense. Et donc il y avait ce film d’anticipation qui s’appelle Maison Alpha. C’est avec trois personnages féminins. Il y a des scènes auxquelles je crois très très fort.
J’ai plein d’idées assez fortes et il a été repoussé parce que le film sur Act Up s’est imposé. Ma productrice Marie-Ange Luciani et mon producteur Hugues Charbonneau, qui lui aussi était à Act Up, m’ont dit : "non, mais il faut le faire maintenant, il ne faut pas attendre" Je voulais reculer pour mieux sauter. Ca fait 10 ans que je recule pour mieux sauter.
En dehors de ce film d’anticipation, j’ai un autre projet : j’espère que le film d’anticipation ne va pas être repoussé encore une fois ! (rires) Mais il faut que j’écrive et que je vois quel est le film qui sort le plus. Cet autre projet, je ne peux pas du tout en parler parce qu’il y a des questions de droits, vaguement d’adaptation.
Il faut voir où le projet Maison Alpha me mène. Je n’ai pas encore assez travaillé. Après c’est quand on écrit qu’on s’aperçoit parfois qu’il y a des impasses. Mais c’est ce film que j’aimerais faire. Et puis, pour changer complètement de ces films. Je partirai sans doute avec la même équipe au niveau de la musique, l’image, etc. Je ne suis pas assez avancé pour tourner l’an prochain. J’aimerais tourner l’année suivante, ce serait super. Encore une fois, ce n’est pas pour un plan de carrière. Je n’ai pas 30 films à faire. Mais là j’ai deux sujets dont je suis sûr.
Au lendemain de la fin du Festival de Cannes, Didier Lestrade, co-fondateur d'Act Up, a écrit une tribune pour Libération espérant que le film aurait un effet sur un projet d’archives LGBT par la Mairie de Paris. Savez-vous si le film a fait bouger les choses ?
Ca n’a pas encore cet effet, ça peut l’avoir. Comme Didier Lestrade le sait, encore plus que moi sans doute, il ne faut pas en attendre trop des politiques. Anne Hidalgo, c’est vraiment quelqu’un qui devrait s’emparer de ça, comme elle devrait s’emparer du SIDA et de la question de la prévention sur Paris. Elle le fait, mais elle le fait beaucoup comme un truc de "comm’", je trouve, un tout petit peu. Je pense qu’elle en a les moyens et qu’elle connaît bien le sujet et qu’elle pourrait aller plus loin que ça. Mais d’une certaine manière, je suis un peu consterné par le fait que tout le monde veuille en être de ce film.
Une espèce de récupération…
Une espèce de récupération. Mais pour autant le président de la République n’est pas allé à la conférence mondiale sur le SIDA qui se tient depuis hier (l’entretien a été réalisé le 24 juillet dernier, Ndlr.) et il n’a pas daigné y mettre les pieds. C’est le lieu où il y a les plus grands chercheurs du monde sur la question qui s’interrogent sur la politique à mener. C’est à dire qu’il veut bien être du film, mais pas de la prévention de l’épidémie de SIDA.Je suis un peu consterné que ça soit à ce degré d’indifférence.
Mais le film ne s’adresse pas à eux, il s’adresse aux spectateurs et j’espère qu’il s’adresse à l’intelligence des gens. Je n’ai pas essayé de vulgariser la chose, d’émousser les coins pour que ça soit facile à avaler. Je montre des gens assez radicaux, mais en même temps, nous ne nous sommes pas vraiment vécus comme radicaux, mais pragmatiques. Si ça touche les gens tel que c’est, je trouve ça super.