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    El Presidente de Santiago Mitre : "J'ai été inspiré autant par Polanski que par Kubrick"

    À l'occasion de la projection cannoise de El Presidente dans la sélection Un Certain Regard, rencontre avec son jeune réalisateur de 36 ans, l'argentin Santiago Mitre.

    AlloCiné : Vos 2 précédents films, El Estudiante et Paulina, étaient déjà très politiques, là, avec El Presidente, vous allez encore plus loin ; qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans ce projet ?

    Santiago Mitre : Mon premier film était sur un étudiant qui rentrait en politique à l’université. Pour le 2ème, j’ai eu envie de travailler sur ce que pouvait être l’engagement de base, le militantisme de base et j’ai donc choisi quelque chose qui était plus ancré dans cette veine-là. Ensuite, je me suis dit que ça pouvait être intéressant de réfléchir à ce qu’était le pouvoir dans son expression la plus entière et il m’est venu l’idée de ce sommet. Je voulais mettre en avant le pouvoir politique et quelque chose de plus intime qui peut justement mettre en danger ce pouvoir politique.

    Mes inspirations ont été autant Polanski que Kubrick.

    Il règne un climat d’inquiétante étrangeté dans le film, notamment à travers le thème de l’hypnose. Pourquoi avoir décidé d’injecter du fantastique dans un récit politique ?

    D’une certaine manière, le politique a toujours quelque chose d’inquiétant, d’énigmatique. Il m’a paru intéressant de travailler le politique à partir d’une entrée différente. Généralement, quand on parle des politiques, on fait plutôt des thrillers ; ici, j’avais envie d’aborder le politique à travers des éléments fantastiques. Il faut savoir que je me sens héritier de la tradition de la littérature fantastique qui est extrêmement forte en Argentine. Le fantastique me paraissait donc être une très bonne manière d’apporter de l’étrangeté et de l’inquiétude dans ce milieu du pouvoir. Mes inspirations ont été autant Polanski que Kubrick ou Julio Cortazar.

    Avez-vous eu recours à des conseillers politiques pour arriver à un haut degré de réalisme ?

    Il faut dire que le film est à 100% de la fiction, que ce soit les faits ou les personnages. Evidemment, nous avons fait des recherches, particulièrement sur tout ce qui pouvait concerner les détails organisationnels des sommets. Mon père travaille aussi depuis de nombreuses années pour des organisations internationales, ce qui fait qu’il y a eu beaucoup de conversations à table où j’ai pu entendre parler de tout ce monde-là.

    Memento Films

    Le personnage était fait pour Ricardo Darin, vous avez écrit le rôle pour lui ?

    Quand j’ai commencé à avoir cette idée, je me suis rapproché deRicardo Darin, je lui ai raconté l’histoire et il a été immédiatement très enthousiaste. Du coup, j’ai poursuivi l’idée. Si ça ne l’avait pas intéressé, j’aurais sans doute laissé tomber.

    Je travaille toujours en fonction de l’écriture, en fonction de la dramaturgie.

    La relation entre le président et sa fille, incarnée par Dolores Fonzi, est très forte, très émouvante, comment avez-vous travaillé avec eux pour les accompagner dans l’appropriation de leurs rôles ?

    Je travaille toujours en fonction de l’écriture, en fonction de la dramaturgie. Mais d’un autre côté, j’aime beaucoup travailler avec les acteurs, j’essaie d’établir avec eux un lien horizontal. Ma responsabilité, c’est de leur donner les conditions pour qu’ils puissent travailler dans un certain confort. Sinon je donne assez peu d’indications, tous les acteurs demandent des choses différentes et j’essaie de comprendre ce que chacun veut pour qu’ils puissent développer leurs personnages.

    Dans le film, le president Hernan Blanco conclut un pacte avec les USA dans le dos des autres pays d’Amérique Latine, était-ce une manière de dénoncer la main-mise et l’ingérence des USA sur la souveraineté des peuples, notamment en Amérique du Sud ?

    En effet, les USA ont un grand pouvoir économique, ils ont beaucoup influencé la politique latino-américaine et cela a posé pas mal de problèmes d’autonomie pour certains pays. Evidemment, les USA sont comme un grand fantôme qui hante la politique sud-américaine ; toutefois, je pourrais dire exactement la même chose de l’Europe.

    Je regardais Mr Robot et j’ai été frappé par Christian Slater et sa façon de jouer les scènes avec de très longs dialogues.

    Christian Slater incarne parfaitement le rôle d’un politicien américain, comment l’avez-vous convaincu à jouer dans le film ?

    Tout d’abord, je dois remercier Ricardo Darin. Dans la première version du scénario, la scène entre lui et le président argentin se passait entièrement espagnol. Ricardo m’a dit « Non, il faut que ce soit en anglais, c’est important qu’au moment que l’américain arrive, une nouvelle langue s’impose. » À ce moment-là justement je regardais Mr Robot et j’ai été frappé par Slater et sa façon de jouer les scènes avec de très longs dialogues. Il était capable de jouer avec une certaine ironie, ce qui m’a beaucoup intéressé.

    Memento Films Distribution

    Concernant le processus, c’était très classique, on a contacté son agent, on a envoyé le scénario, il l’a lu, il a été intéressé et il a accepté. Nous tournions sa scène au moment de la campagne électorale américaine, il était un fervent supporter d’Hillary Clinton, il est assez féru de politique. C’est une des raisons qui a motivé sa décision de jouer dans le film je pense et il est parvenu à incarner à merveille cette sorte de diable loquace.

    Votre film m’a rappelé le récent Les Confessions de Roberto Ando dans lequel des politiciens se réunissaient dans un gigantesque complexe hôtelier isolé ; ici aussi, les politiques se réunissent dans un hôtel froid et étrange, pourquoi avoir décidé de placer l’intrigue dans ce lieu ?

    Je n’ai pas vu Les Confessions mais ça m’intéresse, je vais le regarder. Concernant l’hôtel du film, il est situé sur la Cordillère des Andes, qui est une icône de l’Amérique du Sud. Elle traverse tout le continent. C’est aussi un lieu qui est impliqué dans beaucoup de guerres de territoires et de libération des pays. C’est notamment le cas pour l’Argentine, le Chili et le Pérou. L’idée d’avoir un sommet qui se déroule ici faisait donc sens.

    Je me suis beaucoup inspiré de Shining.

    Evidemment, c’est un lieu absolument incroyable, pouvoir filmer dans un endroit situé à si haute altitude avait un intérêt visuel fort. Cela renforçait en plus le symbole des puissants de cette région ; en même temps, cela permettait certains plans qui suscitent l’inquiétude, et pour cela, je me suis beaucoup inspiré de Shining.

    Memento Films

    Avez-vous un projet sur le feu ?

    J’ai une idée sur laquelle j’ai commencé à travailler, il s’agit encore d’un film politique mais cette fois, dans la veine historique.

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