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    "Message From the King est un pur film de blaxploitation" selon le réalisateur Fabrice du Welz
    Corentin Palanchini
    Passionné par le cinéma hollywoodien des années 10 à 70, il suit avec intérêt l’évolution actuelle de l’industrie du 7e Art, et regarde tout ce qui lui passe devant les yeux : comédie française, polar des années 90, Palme d’or oubliée ou films du moment. Et avec le temps qu’il lui reste, des séries.

    Le cinéaste belge Fabrice du Welz revient avec un thriller très "seventies" porté par Chadwick Boseman ("Black Panther"). Récit d'une première expérience américaine.

    The Jokers / Les Bookmakers

    Au 9e Festival de Beaune était présenté cette année en compétition Message from the King, nouvelle mise en scène du Belge Fabrice Du Welz, et sa première réalisation aux Etats-Unis. L'occasion de parler avec lui et sans langue de bois de ce projet, en salles ce mercredi.

    Le film présente Jacob King (Chadwick Boseman), qui en provenance de Cape Town, débarque à Los Angeles à la recherche de sa sœur disparue. Il a un billet retour pour l’Afrique du Sud sept jours plus tard, et 600 dollars en poche. Au bout de 24 heures, il découvre que sa sœur est morte dans des circonstances étranges…

    AlloCiné : Il s'agit de votre première expérience américaine, que vous a-t-elle apprise du cinéma américain ?

    Fabrice Du Welz : J'ai découvert l'industrie, d'abord. Là-bas, c'est un autre monde, tout est aux mains des agences [de stars, NdlR] et des syndicats. Donc le rôle d'un metteur en scène là-bas est beaucoup plus anecdotique. Ils sont interchangeables, ils garantissent une vision, une orientation, mais ça n'a pas beaucoup d'impact. A un certain stade, ce sont les acteurs qui ont le pouvoir. Et si tu sais que culturellement c'est différent, c'est encore autre chose [de le vivre].

    Par exemple ?

    Prends la post-production. C'est très difficile, car le domaine du metteur en scène reste le tournage. A partir du moment où tu t'entends bien avec les acteurs, tu peux vraiment influer sur les choses, donner un vrai visage au film que tu fabriques. Par contre sur la post-production, il y a trop d'intervenants. Tout le monde s'en mêle : les financiers, les agents, les managers, les acteurs : tout le monde envoie des notes. Il y a des choses qui se font dans ton dos, donc tu dois être très souple, et comme ce n'est pas ma grande qualité, ça a été dur. Mais comme j'ai vécu un grand trauma chez Thomas Langmann j'ai beaucoup appris de ça, et j'ai essayé d'être un petit peu plus "politique" et donner le film du mieux que je pouvais.

    The Jokers / Les Bookmakers

    D'autant plus que "Message" était un scénario déjà écrit, contrairement aux films que vous aviez dirigé auparavant et dont vous étiez l'auteur. Comment prend-on en main un scénario qui se tourne 15 jours plus tard ?

    Je suis un passionné, donc je me jette à corps perdu dans le projet, il se trouve qu'il m'intéressait vraiment. Il est financé par un producteur avec qui j'ai une vraie affinité qui est David Lancaster, producteur de Drive et de Night Call. Il travaillait chez Bold Films et nous avions développé des films qui ne se sont pas faits, puis il est devenu producteur exécutif sur de nombreux projets, une sorte de mercenaire de la production. Il m'a appelé [pour Message from the King] car il pensait que le scénario me plairait. (...) Et pus j'ai adoré Chadwick, je suis tombé en fascination pour lui, même humainement, ça a été un bonheur de travailler avec lui. Tout était aligné pour ça marche bien. Les choses sont devenues culturellement difficiles pour moi en post-production.

    C'est un film très court en termes de budget, tourner à Los Angeles coûte beaucoup d'argent, qui va aux syndicats. J'ai dû tourner en 28 jours, donc il faut une certaine dose de folie pour embrasser ça, mais je l'ai fait en confiance.

    Vous parliez de votre rencontre avec Chadwick Boseman, quel a été son apport... (il me coupe)

    Tout le casting, j'ai eu beaucoup de chance avec Chadwick, mais aussi avec Luke Evans et Teresa Palmer. Ils étaient tous avec moi. Pourtant, j'ai une façon particulière de diriger les comédiens. J'éructe beaucoup, je suis au centre de la scène, j'interviens énormément, je fais de longs plans-séquences... Et au bout d'un moment, ils ont vu que les rushes étaient corrects et ils m'ont pris en amitié. Cela m'a permis de les pousser et d'aller très loin avec eux.

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    Le casting était-il déjà établi quand vous avez rejoint le projet ?

    Juste Chadwick.

    Alors pourquoi avoir choisi Luke Evans, Dale Dickey... ?

    Dale Dickey c'est moi. Mais Teresa, Luke Evans et Molina, c'est un package [de l'agence] William Morris. Et c'est ça la puissance des agences là-bas. Si ton film est en danger, en deux jours, ils te trouvent des noms pour permettre au film d'exister. Et après, c'est la guerre des agences. Mais tu as des skypes avec eux, et au début, tu ne sais pas, mais là j'ai eu de la chance.

    Les avez-vous donc tous dirigés de la même manière ?

    Non, parce que Chadwick est très "Méthode", là où Molina est un pur instinctif. Mon casting a été d'une telle précision... Tu peux vraiment aller dans le détail, être exigeant, faire bouger les lignes...

    C'est intéressant parce que ça va à l'encontre du cliché qu'on a en France de l'acteur américain avec qui tout doit passer par l'assistant, avec des tractations compliquées.

    Non, c'est très direct. Après, je ne sais pas comment ça se passe sur les films de studios, et puis, il y a des histoires de sympathie et d'antipathie. (...) J'ai souvent demandé à Chadwick de m'aider avec les producteurs, car il a beaucoup plus de poids que moi. J'ai réussi à tourner en 35 MM et à imposer ma chef op et deux-trois trucs sur le plan technique. Mais après, sur des différences de scénario, c'est l'acteur qui est plus puissant que le metteur en scène.

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    Et dans ces conditions parfois tendues, comment impose-t-on de tourner en pellicule 35 mm ?

    Eh bien j'ai été clair. A un moment j'ai dit "si on ne tourne pas en pellicule, je ne fais pas le film". C'est un peu jusqu'au-boutiste et un peu dingue, mais surtout je ne me suis pas facilité la vie. (...)

    On retrouve une patte visuelle rappelant le polar des années 70...

    Oui, c'est un pur blaxploitation.

    Quelle a été la façon pour vous d'envisager un thriller comme celui-là ?

    Le scénario était là, donc j'ai essayé de travailler sur les failles des personnages. De tous les personnages. Si je ne peux pas travailler ça, ça ne m'intéresse pas vraiment. J'avais beaucoup plus développé la relation entre King et le personnage de Teresa Palmer, il n'en reste malheureusement pas grand-chose au montage, mais pour moi c'était important que le substitut de la soeur vive.

    C'est un pur "blaxploitation"

    Et en même temps, ce film c'est un pulp, donc les personnages sont des archétypes. Le héros a une dimension politique car la peau de Chadwick est noire, et surtout pour un Sud-Africain qui débarque à Los Angeles, mais hormis ça c'est un vrai pulp. Pour moi, c'était une façon d'ouvrir un peu mon cinéma, car j'ai fait quelques films aujourd'hui mais mon cinéma est assez confidentiel, très corrosif, très particulier. Et Message from the King me permettait d'élargir le spectre, et d'arriver à quelque chose de plus populaire et plus dans le divertissement.

    Hormis la post-production qui a été problématique, est-ce que cette première expérience vous a donné envie de repiquer à la chose si l'occasion se présente ?

    Oui, et ça risque de se présenter, mais je ne suis pas obsédé par l'Amérique, moi, je m'en fous. Je peux partir en Thaïlande ou en Russie faire un film. C'est juste que j'aime le film noir américain des années 50, je suis obsédé par les années 50, donc si je peux faire un film noir dans un Los Angeles interlope, c'est quelque chose de très excitant. (...) Mais ce qui me plait aux Etats-Unis, ce sont les comédiens, pour être tout à fait honnête. Ils ont un vivier de comédiens qui est vraiment insensé.

    Avec des gueules incroyables...

    Des gueules, et ce sont des gens qui sont profondément travailleurs. Il y a une telle compétitivité, qu'ils sont tous brillants.

    Est-ce qu'on vous a permis facilement de faire du R-Rated, un film à la violence explicite ?

    Oui, le scénario était "R", c'est ce qu'ils voulaient.

    The Jokers / Les Bookmakers

    Auriez-vous accepté le film s'il vous avait été proposé par un studio majeur comme la Fox ou Warner ?

    Je me serais posé la question, car après Colt 45, je fais très attention à mon environnement. C'est mon métier, donc je prends toujours des risques, mais je ne veux plus signer avec le diable.

    Cela explique la pause après votre film "Alléluia" pour aller voir ce qui se faisait ailleurs, notamment aux Etats-Unis ?

    Non, ce qui s'est passé c'est qu'Alléluia a eu une belle carrière anglo-saxonne, donc le film est très confidentiel, mais il a fait une très belle carrière un peu partout dans le monde, et c'est un film singulier. Donc j'ai été approché très vite. J'ai souvent eu des projets américains en main, mais ça ne m'intéressait pas de faire des remakes de films d'horreur...

    On vous a toujours proposé du cinéma de genre ?

    Oui, toujours. J'aime le risque et l'audace. S'il n'y a pas de panache à faire quelque chose, autant ne pas le faire. L'expérience américaine était sympathique, mais je vais revenir à un film plus confidentiel, plus personnel qu'on va tourner cet été. Et après ça, il y aura peut-être un projet américain, suisse, norvégien, j'en sais rien. Je ne veux pas me restreindre à quelque chose. (...) Je veux faire des films, point.

    Découvrez la bande-annonce de "Message From The King", en salles ce mercredi :

     

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