Allociné : Quel a été le point de départ de ce projet au cinéma ? Est-il arrivé après la sortie de votre livre Deux petits pas sur le sable mouillé ? Et comment avez-vous appréhendé ce nouveau rôle de réalisatrice ?
Anne-Dauphine Julliand : Ce projet est né d’une expérience personnelle, celle que je raconte en effet dans Deux petits pas sur le sable mouillé, prolongée par la rencontre de beaucoup de familles qui, comme moi, confrontées à la maladie de leur enfant, ont constaté à quel point l’esprit d’enfance perdure malgré les difficultés de la vie. Ces rencontres m’ont donné l’envie de montrer la vie vue à travers le regard d’enfants, en l’occurrence d’enfants malades. Comme une invitation pour nous adultes à retrouver notre âme d’enfant et notre faculté à vivre le moment présent. Mon expérience de vie me rendait légitime pour aborder le sujet du documentaire. J’ai tout de suite eu la confiance d’un producteur, Edouard de Vesinne. Il m’a permis d’investir naturellement ce nouveau rôle de réalisatrice. Epaulée par les compétences techniques et les qualités de l’équipe, j’ai pu réaliser ce qui me tenait à cœur : donner la parole aux enfants en filmant à leur hauteur.
L’authenticité et la vérité qui se dégagent du film sont incroyables, on a presque l’impression que les enfants se sont filmés eux-mêmes et ont raconté exactement ce qu’ils voulaient. Comment avez-vous organisé ces entretiens avec eux ? Comment avez-vous choisi les questions à leur poser ?
Toute l’aventure de ce film repose sur un maître mot : la confiance. Pour recueillir les mots de ces enfants, nous avons établi une relation de confiance. Cette confiance est venue assez spontanément chez les enfants. A aucun moment je ne leur ai conseillé d’oublier la caméra, au contraire. Et j’ai été impressionnée par leur conscience de ce qu’ils transmettaient. Les enfants savaient qu’ils me parlaient, bien sûr, mais aussi et surtout qu’ils s’adressaient aux spectateurs à travers la caméra. Je les ai souvent laissés guider les entretiens, choisir le moment et la situation. Leur naturel m’a invité à garder le mien, à leur parler avec simplicité. A plusieurs reprises ce sont eux qui m’ont posé des questions sur ce que j’avais vécu, comme s’ils voulaient que le lien soit réciproque. Je n’ai pas eu le sentiment d’avoir eu des entretiens avec eux mais plutôt des discussions. De belles discussions.
Malgré des séquences forcément difficiles et des situations qui nous échappent, le film respire aussi la vie. Comment expliquez-vous que des circonstances aussi terribles puissent donner naissance à des images aussi belles ?
Parce que c’est justement ça, la vie. Et plus particulièrement la vie vue à travers un regard d’enfant ! Les enfants ont cette capacité de vivre l’instant présent tout simplement. Quand le moment est difficile, ils pleurent, râlent, ont peur. Mais quand ça s’arrête, ils sont capables de retourner à leurs jeux, leur joie, leurs rires, sans s’apitoyer. Chacun des enfants m’a demandé de le filmer à l’hôpital ou pendant des soins, en m’expliquant que ça faisait partie de leur vie aussi bien que l’école, la maison et les copains. A nous alors de les accompagner avec un regard plein de dignité, de respect, de compassion et d’affection. Ainsi, seulement alors, des circonstances aussi terribles peuvent donner des images aussi belles.
Découvrez la bande-annonce du film...