Vincent Ogier, étudiant en géologie, débarque en Guyane pour y effectuer un stage dans une société d’exploitation aurifère. Son goût pour le danger et un culot à toute épreuve le poussent à s’associer avec le "parrain de l’or" Antoine Serra, qui règne sur le village perdu de Saint Elias. Vincent croit avoir trouvé un filon d'or mythique : une mine abandonnée, nommée "Sarah Bernhardt". Serra a les compétences requises pour l’exploiter. Il accepte et embarque le jeune homme au fin fond de la jungle guyanaise…
Le genre de l'aventure
Après la série fantastique à succès Les Revenants, Canal+ s’attaque à un nouveau genre, celui de l’aventure, avec Guyane. Fabien Nury, créateur de la série, qui vient de l'univers de la bande dessinée, raconte : « Je suis parti d’une idée d’ailleurs, qui nous a menés en Guyane, un territoire qui permettait de façon moderne de reprendre toute cette mythologie, de l’or, de l’aventure. Quand on trouve une réalité qui côtoie une mythologie on se dit qu’on peut faire une histoire à laquelle on croit et en même temps qui nous emmène loin. »
L'aventure est un genre proche du western, qui permet une dimension de rêve, et le personnage de l'aventurier est caractérisé par son besoin de liberté. « J’ai toujours adoré le genre criminel et le genre de l’aventure, déclare-t-il. Je suis fan depuis mon enfance du Trésor de la Sierra Madre, des choses comme ça. L’aventurier ce n’est pas seulement le criminel, c’est aussi l’enfant qui est en nous, qui rêve d’ailleurs, qui rêve de voyage. Je crois que tous les récits d’aventures parlent de gens qui vont, au fond, se chercher eux-mêmes au bout du monde. Il n’est pas qu’un voleur, sinon il volerait son voisin. Il a aussi un désir de liberté. »
Par ailleurs, comme le souligne Olivier Rabourdin, qui joue le rôle du "parrain de l'or" Antoine Serra, l'addiction pour l’or cristallise les ambitions de chacun. « A chacun son or, dit-il. L’or, c’est une matière qui est symbolique. Le côté philosophique de l’alchimie (…) c’est la perfection de soi-même, ou l’idée qu’on s’en fait. (…) La forêt, ça devient la forêt enchantée, où on vient chacun chercher ses rêves les plus secrets. »
Fabien Nury explique que les recherches documentaires effectuées en amont sont venues nourrir le désir d'aventure. Puis, les scénaristes se sont rendus sur place, pour pousuivre les recherches, notamment sur l'orpaillage. « Toutes les découvertes qu’on a faites, se souvient-il, excédaient les clichés qu’on avait en tête, étaient beaucoup plus riches et plus intéressantes. »
Construire un point de vue
Le premier point de vue auquel l'équipe a été confronté a été celui des forces de l’ordre - celui des gendarmes, des préfets. Petit à petit, ils ont pu élargir leur réseau de contacts à Cayenne. Ils ont rencontré des gens qui travaillaient dans l'orpaillage - de manière légale ou pas. Le tournage sur place impliquait des conditions difficiles : de fortes chaleurs et parfois des pluies violentes (donc de la boue), beaucoup de transports pour aller en forêt, des moustiques, des levers très tôt, etc.
La Guyane, c'est un territoire immense, la première question qui s'est posée était donc de savoir comment l'aborder ? Pour le village fictif de Saint Elias, où se déroule l'action, la troupe s'est installée dans le village de Kaw. Le réalisateur Kim Chapiron, qui a mis en scène les quatre premiers épisodes, s'est occupé de toute la direction artistique, et s'est notamment chargé du casting des comédiens locaux, guyanais ou brésiliens. Parmi ses influences, il évoque le récit autobiographique Oro, de l'aventurier et écrivain Cizia Zikë et indique que pour lui, l'enjeu était de se servir d’éléments qui incarnaient réellement la Guyane.
C’était parti pour une nuit de rhum et d’histoires, avec sur la table, le pistolet, les machettes, les munitions...
« Quand Olivier [Rabourdin] et Issaka [Sawadogo, qui interprète le rôle de Louis] sont arrivés, la première chose que j’ai voulu vivre avec eux, c’est la rencontre avec leurs personnages, se rappelle-t-il. Dans une mine légale, il y avait un ancien légionnaire qui avait monté un bordel à Oiapoque à la frontière brésilienne, qui nous avait raconté toutes ses histoires, comment ça se passe dans un bordel aujourd’hui. Olivier et Issaka sortaient de l’avion et on est donc partis à la mine rencontrer Serra et Louis, qui étaient vraiment là, avec un vrai bordel, un autre qui était en cavale et qui s’est retrouvé à faire la sécurité des camps d’orpaillage illégaux. Et c’était parti pour une nuit de rhum et d’histoires, avec sur la table, le pistolet, les machettes, les munitions, les trente chiens qui servent à garder, les garimperos qui sont là, à côté, à faire la fiesta. Très vite, on se retrouve dans cette réalité. »
Au début, le personnage de Serra devait être le héros, mais rapidement, Fabien Nury s'est rendu compte "qu'il lui fallait un Jim Hawkins", en référence à L'Ile au trésor. Est donc né le personnage de Vincent Ogier (incarné par Mathieu Spinosi). Le créateur de la série le considère davantage comme un antihéros que comme un héros : « Un antihéros est son propre ennemi, il ne peut pas se débarrasser de lui-même, c'est donc un problème insoluble et une très bonne matière première pour une série. Vincent, on peut avoir peur pour lui, et on peut avoir peur de lui. »
Un portrait de la Guyane
Pour les comédiens principaux, Olivier Rabourdin, Mathieu Spinosi, Issaka Sawadogo et Anne Suarez (Nathalie), la série dresse un portrait fidèle de la Guyane et tous sont renevus transformés du tournage. « Ca continue de bouillonner en moi, ça continue de m’affecter, confie Issaka Sawadogo. J’ai entendu tellement d’histoires sur la forêt amazonienne. La beauté, mais aussi le danger permanent, avec la présence de tous ces chercheurs d’or, le mercure qui détruit, les fusées qui sont lancées… La série est aussi une représentation de la responsabilité de l’homme vis-à-vis de cette nature qui le porte. On est en même temps ceux qui la défendent et ses bourreaux. »
« Nous, les personnages principaux, on représente la malédiction de la Guyane, le fléau de la Guyane », ajoute Olivier Rabourdin. Les quatre acteurs ont été profondément marqués par leur rencontre avec les guyanais : « Les gens qui jouaient les garimperos, c’était des gens qui travaillaient dans des exploitations, légales ou illégales d’ailleurs, observe Mathieu Spinosi. Et ceux qui n’avaient jamais travaillé dans des exploitations connaissaient la forêt par cœur ! »
Ils rendent également hommage aux comédiens locaux - guyanais, brésiliens, salvadoriens -, qui pour la plupart n'avaient jamais joué de leur vie. « S’il y a matière pour d’innombrables saisons, elle est plus dans le pays que dans nos personnages à nous, note Olivier Rabourdin. Si on allait sur une troisième ou quatrième saison, il n’y aurait plus de raison pour qu’on soit les personnages principaux. Il y a des personnages extraordinaires et des acteurs incroyables, des acteurs brésiliens, créoles… ce serait bien que nous on s’efface un peu et qu’eux prennent plus d’importance. »
Découvrez notre portrait de Mathieu Spinosi :
Propos recueillis par Léa Bodin à Paris, le 14 décembre 2016.