Producteur et distributeur de Gaspar Noé depuis Irréversible, Vincent Maraval a présenté lui-même la masterclass du sulfureux cinéaste à la Comédie Odéon de Lyon, dans le cadre du Grand Lyon Film Festival 2016. Lui qui fit même une petite apparition dans Love s’est amusé à rappeler que son metteur en scène cinéphile était aussi un vrai cœur tendre à la larme parfois facile. Sur l’origine de sa passion, Gaspar Noé s’explique :
"Ma cinéphilie, comme pour la plupart des gens, a commencé avec la télé, quand j’étais enfant. Mon premier souvenir de cinéma, c’est Jason et les Argonautes, quand mes parents habitaient à New-York. Je devais avoir trois ans. C’est resté imprimé dans ma tête : je voyais des squelettes se battre et je ne savais pas vraiment ce que c’était. Ma mère était assistante sociale et mon père était peintre, mais ils allaient beaucoup au cinéma, surtout ma mère. A six ans, j’ai vu 2001 : L’odyssée de l’espace. Ça m’avait tellement fasciné que je suis allé le revoir l’année suivante, au moment de sa ressortie. Je voulais le revoir en boucle, peut-être parce que ça a un effet hallucinogène sur un enfant, comme certaines drogues qu’on ne peut pas prendre à cet âge-là..."
Gaspar Noé, réalisateur de seulement quatre longs métrages depuis 1998, est venu au Festival Lumière pour présenter l’intégrale de sa filmographie. Il est accompagné par le comédien Cyril Roy, qui tenait l’un des premiers rôles du film Enter The Void en 2010. Le réalisateur a une préférence pour les comédiens non professionnels :
"Souvent, j’ai un problème avec les comédiens connus, c’est que je les associe à des films que je n’aime pas !"
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Il s’entoure donc d’une équipe de confiance avec laquelle, selon ses propres termes, il aura "l’impression de partir en vacances". Sa rencontre avec Cyril Roy, telle qu’il la raconte, est à cette image :
"On faisait un casting sur place [au Japon, ndlr] et Cyril est venu parce qu’un copain à lui voulait postuler pour un des rôles. Effectivement, on cherchait des gens qui parlaient anglais là-bas. (…) Il vient et me dit : « Je ne suis pas là pour le casting, mais tu ne veux pas prendre un verre avec moi ? ». On va boire un verre et il commence à me débiter par cœur le monologue de Seul contre tous. Il a une mémoire colossale. Je l’ai trouvé trop sympa. Alors je suis allé le filmer chez lui avec sa copine et la caméra ne le gênait absolument pas. Tout de suite, je me suis dit que c’était le mec le plus drôle de Tokyo !"
Vincent Maraval a évidemment posé la question à Gaspar Noé de son rapport à la censure qui a si souvent frappé ses films, ainsi que de son traitement systématique de la violence et de la sexualité. Des mots qui reviennent dans la presse à chaque nouveau film du réalisateur.
"Je fais toujours des films en pensant à ma vie, au dernier livre que j’ai lu ou au dernier fait divers… Rien ne me choque dans mon dernier film, Love, qui est bizarrement celui qui a rencontré le plus de difficultés avec la censure. Il est interdit en Russie et en Turquie, alors qu’Irréversible a fait un plus gros carton qu’Amélie Poulain la même année là-bas. La violence faite aux femmes peut être représentée sans problème dans la plupart des pays, mais dès qu’un couple amoureux s’enlace, le monde s’enflamme."
Fidèle à sa réputation d’interlocuteur privilégié quand il s’agit de parler cinéma avec le public, Gaspar Noé a réservé près d’une heure à l'échange informel après les questions de son producteur et distributeur. Il a aussi brièvement évoqué quelques idées : la perspective de refaire un documentaire l’enthousiasme (genre auquel il s’était essayé avec son court métrage SIDA en 2006) mais, tout en restant discret, il a /également en tête une fiction sur le thème de la barbarie.
La bande annonce d'Enter The Void de Gaspar Noé avce Cyril Roy