AlloCiné : Comment est né le projet La Fille de Brest ?
Emmanuelle Bercot, réalisatrice et coscénariste : L’idée ne vient pas de moi, elle m’a été proposée par les productrices de Haut et Court. Ce qui m’a emballé dans cette histoire, plus que l’affaire du Mediator, c’est la personnalité d’Irène Frachon. En faire un personnage de cinéma a été pour moi le moteur de cette aventure, même si je suis tout à fait sensible à ce que dénonce et raconte le film. Il n’y a pas eu d’obstacle à monter ce film de par sa dimension politique. Au contraire.
Qu’est-ce qu’Irène Frachon vous a apporté ?
Emmanuelle Bercot : Comme à chaque fois qu’on raconte une histoire et qu’on fait le portrait d’une personne réelle, il est quand même essentiel de rencontrer cette personne. Je me suis beaucoup inspiré d’elle, de sa façon d’être évidemment pour écrire le personnage. Mais, par ailleurs, c’est une histoire extrêmement complexe, et le fait de pouvoir m’entretenir régulièrement avec Irène Frachon, qu’elle simplifie les choses pour moi, et qu’elle nous aide aussi, moi et la coscénariste, à rencontrer tous les protagonistes réels, ça a été évidemment déterminant, et essentiel dans tout le processus. Irène Frachon n’a jamais été interventionniste du tout dans cette aventure, mais en revanche, elle a toujours veillé, été présente à chaque fois que j’avais besoin d’elle pour préciser des choses, ou être sûre que tout était bien fidèle à la réalité, vraisemblable, et techniquement et scientifiquement crédible.
Pour vous, c’est un double défi, de jouer en français et d’interpréter un personnage réel ?
Sidse Babett Knudsen, comédienne : Oui, j’ai été très inspirée par ma rencontre avec elle bien sûr. C’est un personnage extraordinaire. Elle a une personnalité exceptionnelle. Quand je l’ai rencontrée la première fois, j’avais l’impression de rencontrer une héroïne ! Elle était tellement intéressante. Pour une actrice, c’est comme un cadeau. Elle a tellement de facettes, elle est si complexe. Elle est généreuse et elle a un côté clown aussi. De parler en français a été très difficile. J’ai dû beaucoup travailler.
Est-ce que vous pensez que ce film est un combat de femme ?
Emmanuelle Bercot : Je ne suis pas une grande féministe et je ne pense pas qu’Irène Frachon le soit non plus. Ce que je crois, c’est que si cette histoire a eu un tel retentissement médiatique, c’est dû au fait que ce combat a été mené par une femme. Parce que c’est vrai que la plupart des lanceurs d’alerte sont quand même des hommes et qu’il faut énormément de courage et d’opiniâtreté pour aller au bout de tout ça. Le fait que ce soit une femme avec la personnalité dont vient très bien de parler Sidse, une femme qui a 4 enfants, une vie de famille, et qui a pu quand même mener tout ça, qui a rendu Irène Frachon très populaire en France, du moment où elle a été exposée dans les médias. C’est vrai qu’elle force l’admiration encore plus que si c’était un homme, parce qu’elle a sa vie de médecin, sa vie de famille, sa vie de femme, et elle a malgré tout porté ce combat pendant 5 ans, à la force de ses bras et de son courage.
La Fille de Brest d'Emmanuelle Bercot sortira au cinéma le 23 novembre 2016
Propos recueillis par Emmanuel Itier au Festival de Toronto 2016