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    Le Fils de Jean : rencontre avec Philippe Lioret et Gabriel Arcand
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 13 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    Présenté en clôture du Festival du film francophone d'Angoulême, Le Fils de Jean, nouveau film tout en délicatesse et en pudeur de Philippe Lioret, est sorti ce mercredi. Rencontre avec le cinéaste et le comédien québecois Gabriel Arcand.

    AlloCiné

    AlloCiné : quel a été le point de départ du projet ? Vous aviez envie d'un film  plus solaire ?

    Philippe Lioret, réalisateur : Je suis parti d'une image, gorgée de soleil. Une image au bord d'un lac, au Canada, de deux types qui cherchent le corps de leur père, pour lui donner une sépulture, aidés par un troisième mec qui est là, mais ils ne savent pas que c'est leur frère. Cette image là n'est pas gaie, mais elle me plait, et autour de ça, j'avais l'histoire. Je savais ce que je voulais raconter. Malgré le fait qu'elle soit tirée du livre de Jean-Paul Dubois, je n'ai gardé de ce livre que le désir de raconter cette histoire. Ce n'est pas une adaptation, c'est une inspiration. Mais s'il n'y avait pas eu le livre de Jean-Paul, il n'y aurait pas eu le film. Ca a déclenché. 

    Je suis donc passé par cette image, et les personnages étaient là. Ils se sont mis en place. J'ai rassemblé ces personnages, et ce n'est pas une posture, mais à un moment, quand on connait bien les personnages, ce sont eux qui racontent l'histoire. Ils ne peuvent pas aller ailleurs que vers là où va l'histoire. C'est un travail passionnant, c'est une espèce d'apnée dans un monde fictionnel, qui n'est pas si fictionnel que ça d'ailleurs. J'ai été intime avec eux : si, moi, premier spectateur du film, j'avais cette intimité avec les personnages, peut être que le spectateur l'aurait, et ne verrait pas le film comme un spectateur, mais comme un personnage lui-même. 

    Parlons du casting, et du choix de Gabriel Arcand. Comment avez-vous eu l'idée de le choisir ?

    Philippe Lioret : Je le connaissais d'assez loin, de films un peu plus anciens. Et puis, je suis tombé sur un film de Sébastien Pilote qui s'appelle Le Démantèlement. J'ai vu le personnage de Pierre. Il a un tel charisme et une telle délicatesse. C'est tellement un bon homme que je me suis même fait cette réflexion étrange : s'il ne peut pas le faire, ou qu'il ne veut pas le faire, est-ce que ça vaut le coup que je le fasse ? C'est comme quand on croise la femme de sa vie et qu'on vous dit qu'elle n'est pas libre, prend plutôt celle-là ! Ben non, ce n'est pas elle que je veux ! (sourire) Là, c'était ça ! Son agent m'a dit : il me refuse tout, il regarde le cinéma avec beaucoup de suspicion. C'est un homme de théâtre, il a son théâtre à Montréal. Il fait un film tous les trois ans, il faut vraiment que ça lui plaise. Je lui ait fait lire le scénario, il m'a appelé en me disant que ça lui plaisait beaucoup. Et puis voilà, ça s'est fait naturellement, c'était formidable. 

    Sebastien Raymond / Fin Aout Productions

    Est-ce votre premier tournage en France ?

    Gabriel Arcand, comédien : Non, j'ai tourné avec une cinéaste française qui s'appelle Dominique Cabrera il y a quelques années, avec Miou Miou, Olivier Gourmet et Jean-Pierre Léaud : Folle embellie. C'était une très belle expérience. On a tourné sur les bancs de la Loire. Je joue quelqu'un qui conduit une péniche. Mais dans les années 70, j'avais tourné dans un film de Maurice Dugowson, qui est décédé depuis, qui était venu tourner chez nous, avec Carole Laure : Au revoir... à lundi. Voilà ! C'est l'histoire de ma carrière en France ! (rires

    Etes-vous amateur de cinéma français ?

    Gabriel Arcand : Pas plus que du cinéma américain ou asiatique. Je suis assez cinéphile, mais je n'ai pas beaucoup de barrières de cet ordre-là. J'aime le cinéma d'un peu partout. Quand j'étais jeune, j'ai été formé par le cinéma américain, dans les années 60. Tout le cinéma de Sidney Lumet, Robert Aldrich, les premiers films de John Cassavetes, de Scorsese, de Coppola... C'était ma Bible, plus que le cinéma français, la Nouvelle Vague. J'ai commencé à la suivre après. Aujourd'hui, je regarde ce dont j'ai envie, pas en fonction du pays, mais en fonction du sujet, de l'auteur, parfois d'acteurs.   

    ==> Pierre Deladonchamps, de L'inconnu du lac au Fils de Jean : portrait d'un jeune acteur

    Et le choix de Pierre Deladonchamps ?

    Philippe Lioret : Je métais dit, le personnage de Mathieu, il a un trait de caractère particulier, c'est un trentenaire, qui a une grande part d'enfance en lui. J'étais resté sur ça, je savais qu'il fallait que je trouve cette part d'enfance. J'ai vu beaucoup de comédiens de cette génération en France, j'en ai vu des super, des gens formidables, mais je ne trouvais pas cette part d'enfance. Je ne voulais pas déroger à ça, et puis j'ai rencontré Pierre Deladonchamps, et en 10 minutes, j'ai vu cette fragilité, cet humour, cette enfance... C'est en lui. Et puis, après, on travaille et puis on trouve des trucs, des petites finesses... C'est passionnant.

    Comme le scénario, le tournage se fait comme une toile impressionniste, avec des petites touches, sans qu'on voit le travail. Ca, j'y suis très très attaché, qu'on ne voit pas le travail du scénario. Il faut que ça sonne juste. Qu'on ne voit pas le travail de l'acteur. Qu'on ne dise pas : il joue bien. Non, il ne joue pas, il est, il incarne. C'est lui. Quant à la mise en scène, j'essaye toujours de trouver l'endroit où la caméra se verra le moins. 

    Le Fils de Jean, de Philippe Lioret, avec Gabriel Arcand et Pierre Deladonchamps, actuellement à l'affiche :

    Propos recueillis au Festival du film francophone d'Angoulême 2016 

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