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    Emmanuelle Devos : "Il y a tellement de tabous sur les femmes au cinéma"
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 13 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    Emmanuelle Devos est à l'affiche de Moka ce mercredi. Un thriller sombre, mis en scène par Frédéric Mermoud, réalisateur de Complices. Rencontre avec Emmanuelle Devos.

    Bestimage

    AlloCiné : J’ai lu que vous aviez prévu de vous retrouver avec le réalisateur Frédéric Mermoud dès la fin de Complices, votre précédent film avec lui. Comment ça s’est passé ?

    Emmanuelle Devos, comédienne : On a fait un court métrage ensemble, ensuite il m’a proposé un rôle secondaire dans Complices. Et à la fin du film, on s’est dit "Quand même…" Ca s’est vraiment bien passé, mais je n’étais pas là tout le temps. Je lui ai dit que la prochaine fois il pourrait m’écrire un rôle où je serais là tout le temps. J’ai dit ça un peu comme une boutade, mais il l’a pris au mot, et a cherché un sujet, il a trouvé ce livre de Tatiana [de Rosnay], il l’a adapté, et voilà ! Là, il m’a eu tous les jours sur le tournage, tout le temps !

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    Etiez-vous surprise à la découverte de ce scénario ?

    J’avais lu le livre. Mais il a changé des choses. J’ai lu 3-4 versions du scénario. A un moment, ils ont trouvé l’idée qu'au début, l’enfant serait mort, alors que dans le livre, il est dans le coma. Donc là c’est une version beaucoup plus âpre, dure, violente. Au fil des versions du scénario, le film était de plus en plus thriller, de plus en plus enquête, et ça, j’aimais bien.

    C’est un personnage qui a des parts d’ombres. C’est particulièrement intéressant à jouer, j’imagine…

    Oui, c’est un personnage qui a un secret. Ça met un peu en porte à faux, on ne peut pas se comporter de manière totalement naturelle. Je la comparerais à un inspecteur un peu, qui fait une enquête. Ou même un serial killer, qui cible sa proie, qui tourne autour, qui va attaquer de manière maladroite… Et puis il y a le thème de la recherche de vérité pour pouvoir vivre, s’en sortir…

    Je lisais que, pour Frédéric Mermoud, c’était presque tabou au cinéma d’avoir une femme voulant se venger… On voit beaucoup d’hommes voulant se venger, mais moins de femmes. Vous êtes-vous fait cette remarque ?

    Il y a tellement de tabous sur les femmes au cinéma que maintenant je n’y pense même plus… Mais moi, je ne pensais pas vengeance. C’est une chose à laquelle je n’ai jamais pensé. Je suis sûre qu’elle pense à la recherche d’une vérité pour pouvoir clore la première partie de l’histoire et pouvoir revivre après. Mal, difficilement. Elle veut agir pour en finir avec le marasme. Après ça, il y a une sorte de calme qui peut se mettre en place, et peut être éventuellement revivre après tout ça. Ce que je ne crois qu’à moitié.

    Parlons de votre collaboration avec Nathalie Baye. C’est la première fois que vous jouez dans un même film… 

    Ce qui est drôle, c’est qu’on s’était croisées pas mal de fois, on avait fait un festival ensemble… On avait toujours eu un contact très facile, c’est quelqu’un qui a beaucoup d’humour. Le jour où elle est venue tourner, on s’est vues la veille, on a dîné, tout allait bien. Et puis au moment du moteur, juste avant, d’un coup, j’ai pensé "c’est quand même Nathalie Baye". Ce n’est pas que "Huggy les bons tuyaux" comme je l’appelle, car elle a toujours une bonne adresse pour tout ! C’est quand même quelqu’un qui a regardé François Truffaut ! C’est quelqu’un qui a pris des risques, qui a une filmographie et un appétit de ce métier complètement fou. Le mot qui me vient tout le temps à son égard, c’est fraicheur. Elle est tout le temps dans la découverte. C’est Dory, elle redécouvre tout, tout le temps ! (rires) Dans sa tête, c’est comme si elle était débutante, et ce n’est pas une pose. Elle sait beaucoup de choses, mais elle oublie pour mieux redécouvrir. 

    C’est la 3ème fois que vous tournez avec Frédéric Mermoud, et c’est une particularité qui ressort dans votre filmographie, une certaine fidélité aux réalisateurs avec qui vous travaillez…

    Oui, les noms reviennent régulièrement. On me pose souvent la question. Evidemment, j’en suis ravie, mais c’est aux réalisateurs qu’il faut demander pourquoi ! 

    C’est quelque chose que vous aimez en tout cas ?

    J’aime bien, oui, remettre le couvert.

    Y a-t-il justement des réalisateurs avec qui vous aimeriez bien tourner à nouveau avec qui vous n’aviez peut être pas encore retourné ?

    Je vais tourner avec Tonie Marshall, avec qui j’avais tourné il y a très longtemps un téléfilm pour la collection sur Arte, Gauche / droite, sur la politique. C’est un film qui s’appelle Tontaine et Tonton que j’avais adoré tourner, parce que d’abord, c’est le premier rôle un peu loufoque qu’on m’ait donné. J’aime particulièrement ce film et le travail qu’on avait fait. 

    On va retravailler ensemble, à nouveau un personnage super, mais qui n’a rien à voir, pas du tout loufoque, mais un beau personnage féminin.  C’est un film sur le pouvoir des femmes dans les grandes entreprises, un film sur le plafond de verre. C’est un tabou sociétal qui commence à se briser. Il y a quelques femmes maintenant à la tête d’une grande entreprise du CAC 40. Le tournage est prévu pour octobre –novembre

    Quels sont les réalisateurs dont le travail vous intéresse particulièrement ? Avez-vous eu des coups de cœur récemment ?

    Des gens dont j’aime les films…  J’ai une passion pour Xavier Beauvois. J’aime beaucoup ce que fait [Pierre] Salvadori, Emmanuelle Bercot... J’avais beaucoup aimé Les Gazelles de Mona Achache, je trouvais que c’était un vrai renouveau d’un film de ce genre et fait avec beaucoup de soin. Chaque personnage est fouillé.

    Mais ces derniers temps, j’ai plutôt regardé des séries. Tout le monde me parlait de séries, mais je n’en regardais pas trop. J’en étais restée à Downton Abbey et House of cards. Là, j’en regarde, et il y en une que j’ai adoré, qui m’a rendue dingue, je voudrais jouer un personnage comme ça : c’est Happy Valley. C’est super noir, mais il y a un humour dingue. L’actrice est extraordinaire, il y a un côté hyper nature, mais en même temps un vrai travail d’actrice. Les acteurs sont tous bons, hyper bien filmés.

    Ca vous plairait de jouer dans une série ?

    J’adorerais. Je cherche. Mais il ne faut pas se lancer sur quelque chose qu’on aime à moitié. Suivre un personnage sur la longueur comme ça, c’est hyper intéressant.

    La bande-annonce de Moka de Frédéric Mermoud, sur les écrans le 17 août :

    Propos recueillis le 30 juin 2016 à Paris

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