Comment Sean Penn vous a-t-il approché pour ce rôle dans The Last Face ?
Adèle Exarchopoulos : J’étais aux Etats-Unis pour les New York Critic Choice. Mon agent m’a appelé pour me dire que Sean voulait me rencontrer. Mais je n’y croyais pas. Et finalement on s’est rencontré à Los Angeles et il m’a parlé de son projet. Mais même maintenant je ne réalise pas vraiment.
Il avait vu La Vie d’Adèle ?
Oui. Je crois que c’est une des personnes qui a le plus aimé La Vie d’Adèle.
Est-ce que l’on sent que Sean Penn est aussi un acteur lorsqu’il vous dirige ?
Oui, probablement, car vous sentez vraiment qu’il a de la compassion pour vous. Il essaye de vous mettre dans les meilleures conditions possibles.
Sean Penn connaît le plaisir du jeu
Mais je ne sais pas, il est juste tellement cool. Il vous laisse libre, il vous laisse improviser, prendre votre temps. Il connaît le plaisir du jeu. Il vous laisse ce plaisir.
Cette expérience de tournage vous a-t-elle changée en tant que personne ?
Oui, car je suis allée à Haiti pendant une semaine là où Sean Penn a une association de volontariat. J’ai vu de vrais humanitaires à l’œuvre, leur humilité. J’ai pu voir à quel point Sean Penn était impliqué dans sa fondation. Et c’est ça que j’aime vraiment avec ce film, c’est de vouloir mettre en lumière des zones d’ombre, et des mots sur des choses tues. J’ai beaucoup de respect pour lui.
Quel est votre film préféré de ou avec Sean Penn ?
21 grammes, La Dernière marche avec Susan Sarandon. Et réalisé par lui, Into The Wild. Tous ceux qui l’ont vu ont du se ire, demain je coupe ma carte bleue et je quitte tout !
Je ne fais pas une fixation sur Hollywood
Est-ce que vous auriez envie de travailler à nouveau aux Etats-Unis ?
Non, pas spécialement les Etats-Unis. J’aime le cinéma roumain, espagnol… Je ne fais pas une fixation sur Hollywood.
Est-ce que c’était comme prendre part à un blockbuster de faire ce film ou c’était un film comme un autre ?
Pour moi, c’était dingue parce que c’était Senn.
Etait-ce comme tourner un film de grand studio ?
Non, car nous étions en Afrique. Il n’y avait rien qui ressemblait à Hollywood ou autre.
Et d’être avec de grands acteurs comme Charlize Theron et Javier Bardem, c’était comment ?
C’était super, ils sont généreux, cool, drôles. Vous apprenez juste en les regardant travailler. Elle était très bienveillante.
Vous avez du avoir beaucoup de propositions des Etats-Unis ?
Non. J’ai un agent aux Etats-Unis, mais c’est difficile aux Etats-Unis. Il y a beaucoup de concurrence. Je ne parle pas un anglais parfait. Mais ça viendra quand ça viendra.
Votre vie a changé avec La Vie d’Adèle ?
Ma vie, non, mais ma carrière, oui. Parce que, par exemple, je n’aurai jamais rencontré Sean Penn sans ce film. Au début, je ne croyais pas les gens qui me disaient que ma carrière allait changer. Mais finalement c’est vrai.
En tant qu’actrice, j’ai commencé à avoir des doutes parce que tout devenait très sérieux. Je pouvais sentir que tout le monde m’attendait au tournant. 'Est-ce qu’elle sera toujours aussi bien dans son prochain film ? Ou est-elle douée seulement sous la direction d’Abdel ? Que va-t-elle faire ?' On verra !
Est ce que vous auriez imaginé que La Vie d’Adèle…
Non, jamais, jamais. On savait que l’on faisait quelque chose de spécial, mais pas en terme de prix, de presse, de futur. C’était le film lui-même qui était spécial, qu’il ne laisserait pas les gens indifférents.
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Allez-vous travailler à nouveau avec Kechiche ?
Pour le moment, non. Mais j’espère un jour.
Que recherchez-vous dans un rôle ?
La complexité. Le challenge. Le risque. Quelque chose que je n’aurai pas encore fait. Le plaisir. Des personnages contrastés, pas quelque chose de plat.
Comment vivez-vous la tourmente de The Last Face ?
Honnêtement, je n’ai pas regardé la presse. Je ne regarde jamais la presse. Pas parce que je n’aime pas la presse, mais je ne suis pas du genre à regarder si les gens ont aimé ou pas, combien d’étoiles nous avons sur AlloCiné, est ce que les gens vont voir le film ? Je laisse le film vivre sa vie. Mais quand j’ai demandé autour de moi, ils m’ont dit que c’était mauvais.
Je ne suis pas d’accord avec ce qui s’est dit. Sean Penn est très impliqué dans l’humanitaire
Pour moi c’est très subjectif de voir un film. Il y a plein de choses qu’on peut ne pas aimer dans un film, et on a le droit, mais dire que ce n’est pas juste, ou trop facile… Je ne suis pas d’accord avec ce qui s’est dit car Sean Penn est très impliqué dans l’humanitaire. C’est trop facile de juger… J’étais déçue parce que je sais que c’est une mauvaise raison de tirer sur le film.
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Mais lorsqu’il y a une controverse, ça peut aussi être une bonne chose car ça fait parler du film…
Oui… (elle marque une pause). Tous les films que j’ai fait, il y a une controverse.
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C’est parce que vous choisissez des films complexes…
Non. Honnêtement… Cette controverse [sur The Last Face], je ne la comprends pas vraiment. Vous devriez voir à quel point il est vraiment vraiment impliqué sur le plan humanitaire. Ce n’est pas juste faire des images et envoyer de l’argent. Il est tout le temps sur le terrain. Juger sans savoir, faire des généralités… Si vous n’avez pas observé en détail, ne parlez pas. Tout le monde peut parler du film, mais sur ce sujet, je sais à quel point ce qui a été dit est faux.
Je ne comprends pas vraiment cette controverse sur The Last Face
Mais j’ai la sensation que dans ce Festival de Cannes, les gens ont soit détesté, soit adoré les films. Aucun n’a fait 'boom'. Les films sont fait pour réagir, réunir des gens dans une même pièce, créer du débat, rapprocher les gens… Parfois on ne devrait pas prendre les choses si sérieusement, parce que nous ne sauvons pas des vies, ça n’est que du cinéma ! Nous sommes à Cannes à boire des cocktails gratuits, c’est cool, et c’est tout !
Vous dites chercher la complexité, mais y a-t-il des choses auxquelles vous dites non ? Des choses que vous ne voulez pas faire ?
Oui. Honnêtement, je pense qu’après le film de Michael R. Roskam, je vais arrêter un peu, je ne veux plus trop faire de scènes de sexe. Et dans ce que je ne veux pas faire, je dirai des sujets qui ne me touchent pas. C’est là que je place mon engagement.
Quel genre de films aimez-vous regarder ?
Tout. J’aime Mad Max comme j’aime Bullhead ou Mommy par exemple. Le dernier film que j’ai vu est The Tribe. J’ai aussi vu récemment The War Zone de Tim Roth, Dallas Buyers Club...
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Avez-vous eu l’occasion de voir des films à Cannes cette année ?
Non. Mais je n’aime pas voir des films à Cannes. J’adore les salles, mais on se sent obligé d’aller voir des films. Je suis comme un gosse : quand on me dit ce que je dois faire, je fais tout le contraire ! J’attendrai d’être à Paris pour aller voir des films. Je suis sûre que j’irai voir le film de Xavier Dolan à Paris.
Je crois que les réalisateurs aiment bien lorsque vous n’êtes pas trop obéissants
Si vous n’aimez pas qu’on vous dise quoi faire, alors être actrice n’est pas un bon travail !
Non, car vous pouvez écouter ce que vous dit un réalisateur, mais quand la caméra tourne, vous pouvez faire ce que vous voulez ! Je crois que les réalisateurs aiment bien lorsque vous n’êtes pas trop obéissants.
Vous tournez actuellement un nouveau film en ce moment, Le Fidèle…
Oui, avec le réalisateur Michael R. Roskam. J’ai adoré Bullhead. Pour moi, ce film est un chef d’œuvre. Je suis très excitée de travailler avec lui. Sur le plateau, il est comme un enfant avec la conscience d’un homme, il semble tellement heureux de faire ce film. Et j’adore les Belges, non pas parce qu’ils sont drôles et qu’ils boivent de la bière (sourire), car c’est réducteur. Ce n’est pas ça. C’est qu’ils n’ont pas d’ego. Ils sont juste content de participer à un film et j’aime ça.
Vous avez aussi tourné récemment le film Orpheline d'Arnaud des Pallières. Pouvez-vous nous parler de cette expérience?
C’était cool. Nous sommes quatre femmes à jouer la même femme à différentes âges. Les quatre femmes sont Adèle Haenel, Solène Rigot et une petite fille de 6 ans. 6 ans, 15 ans, 20 ans et Adèle Haenel, 30 ans. Je ne sais pas à quoi cela va ressembler, mais j’ai adoré cette expérience.
C’est un film avec Gemma Arterton au casting aussi…
Oui, mais elle ne joue pas la même rôle. J’ai une histoire d’amour avec elle dans le film.
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Aimez-vous être à Cannes ?
Vous savez ce que j’aime à Cannes ? C’est de venir avec tous mes amis, qui d’ailleurs m’attendent en ce moment dans ma chambre, et partager cette expérience avec eux. Sinon, vous ne faites qu’aller et venir dans votre chambre, lire la presse, 'c’était bien, pas bien', 'comment était ma robe', 'est-ce que j’ai bien posé'…
Lorsque j’ai fait mon premier Cannes, même si j’ai vraiment adoré, parce que je découvrais tout, je me remettais en question, en me disant : 'mais c’est ça mon travail ? Etre en représentation tout le temps ? Porter une robe ? Etre jugée ? Répondre aux gens ? Etre bien tout le temps ? Etre belle tout le temps ? Prétendre être quelqu’un que je ne suis pas ?'. Voilà pourquoi c’est source d’anxiété. Je n’aurai pas la prétention de dire que c’est stressant de porter des robes, mais je suis stressée à l’idée qu’on m’observe et considérer qu’on me connait alors que non. Donc maintenant je viens avec des gens que j’aime.
Donc les tapis rouges…
C’est amusant (elle rit)
Et ça ? (Ndlr. répondre à des journalistes en table-ronde)
Ça dépend. C’est comme faire des photos. J’adore au début et à la fin, je me dis, 'bon vous ne voulez pas tout faire en même temps ? Vous ne voulez pas rassembler les trois tables ? Parce que vous posez tous les mêmes questions !' Vous voyez ce que je veux dire ! C’est pareil pour les photos.
Que faites-vous de votre temps libre, lorsque vous ne tournez pas ou ne répondez pas à nos questions ?
Honnêtement, pas tant de choses. Je vois les gens que j’aime. J’adore regarder des documentaires. Il y en a un qui s’appelle Spartacus et Cassandra, c’est l’un des derniers que j’ai vu. J’adore voyager. Je ne suis pas trop dépensière, sauf pour les voyages. J’adore cette liberté de pouvoir partir quelque part. Je vois ma famille. Je m’occupe de mes frères. Comme vous, en fait.
Les souvenirs cannois d'Adèle Exarchopoulos
Propos recueillis, en table-ronde, par Brigitte Baronnet à Cannes le samedi 21 mai 2016