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    Mads Mikkelsen dans Men & Chicken : "Je ne cherche pas à casser mon image"

    Dans Men & Chicken, en salles dès mercredi, Mads Mikkelsen incarne un masturbateur chronique en pleine crise familiale. Rencontre avec un acteur (presque) sans tabou.

    Cannes, jeudi 12 mai. Alors que Mads Mikkelsen officie en tant que membre du jury au 69e Festival de Cannes, le comédien a trouvé le temps d'échapper à ses fonctions quelques minutes pour faire la promotion de Men & Chicken, dans nos salles le 25 mai. L'occasion d'aborder avec l'acteur danois le cinéma si singulier d'Anders Thomas Jensen mais aussi dualité, tabou et physicalité...

    C’est très difficile de décrire ce film… Sur le papier, il est question d’une famille de dégénérés qui évolue dans un environnement pour le moins étrange. Qu’est-ce qui vous a séduit là-dedans ?

    Mads Mikkelsen : J’ai joué dans tous les films d’Anders Thomas Jensen et j’adore son univers, à la fois singulier et poétique. Les thèmes qu’il aborde reviennent régulièrement dans son cinéma : on retrouve notamment la question de la vie, Dieu et Satan, Dieu et la science… De grandes questions, à la fois existentielles et lyriques. C’est sa manière à lui de dire les choses. C’est vrai que c’est complètement fou mais je pense en effet que c’est la meilleure façon de se faire entendre. Son style est unique, je l’adore.

    Il faut faire pleinement confiance à son réalisateur pour jouer un tel personnage… Comment expliquez-vous son attirance systématique pour des personnages répugnants ?

    Je pense que les personnages d’Anders Thomas Jensen ne sont pas seulement disgracieux, ils sont aussi et surtout puérils. C’est le cas dans tous ses films ! Ses héros se comportent toujours comme des enfants. Au début c’est drôle et puis petit à petit, on réalise que ça fait appel à quelque chose en nous. Ça paraît fou mais quand on y regarde de plus près, rien ne nous arrête quand on veut arriver à ses fins : quand on échoue, on pleure, quand on perd, on se dispute… Effectivement, à l'écran, on a l’impression de voir des enfants et pourtant, on s’y retrouve forcément. Même s’il ne s’agit que d’une infime partie de nous.

    Urban Distribution

    Vous avez tourné un film en français, vous jouez ici un masturbateur chronique… Vous semblez n’avoir peur de rien devant une caméra. Avez-vous des limites, des tabous ?

    Oui, j’en ai. Je ne ferai pas de film pornographique par exemple. Nous avons tous des limites mais ce que je fais ici ne me parait pas si fou, on en voit jamais trop. Et puis c’est intéressant de se glisser pleinement dans la peau d’un personnage, je n’ai pas de limites émotionnelles sur ce plan. En fait, plus j’y réfléchis et plus je me dis que je n’ai pas vraiment de limites. [Rires]

    Pusher, Casino Royale, Valhalla Rising, et aujourd’hui Men & Chicken. Prendriez-vous du plaisir à vous enlaidir afin de casser votre image ?

    Ce n’est pas moi, c’est le réalisateur. A vrai dire je ne me soucie pas trop du physique de mon personnage mais de ce qu’il est. Prenons le cas de Pusher : il est rasé, avec des tatouages partout sur le corps… Certains diront que c’est sexy, d’autres que c’est effrayant. Mais c’est le personnage. Dans Men & Chicken, il arbore un look des années 80 avec la moustache, les boucles… Il se prend pour un tombeur alors qu’il en est loin. Mais à aucun moment je fais ça dans le but de casser mon image, je vais simplement là où le film m’emmène.

    Rolf Konow / DCM

    Vos rôles sont souvent ambigus. Pensez-vous que cette dualité soit nécessaire pour créer un bon personnage ?

    Je pense que tous les acteurs doivent jouer sur cette dualité et cette ambiguïté. On aime que ça ne soit pas tout blanc ou tout noir. Mais tous les films et tous les scénarios ne sont pas écrits ainsi, notre travail est donc d’apporter un peu plus de nuance au personnage. Il arrive parfois qu’ils soient obsessionnels. C’est le cas avec Elias dans Men & Chicken. Il a plusieurs facettes mais il reste focalisé sur deux choses : trouver le grand amour et faire en sorte que son frère l’aime. Le reste il s’en fiche. Il ne s’intéresse ni à la mort, ni à Dieu… Il ne se pose aucune question, même s’il est très intelligent. Et c’est là que réside toute son ambigüité.

    Avez-vous beaucoup discuté de ce personnage avec le réalisateur avant de vous lancer ? 

    Bien sûr, tout repose sur le travail de préparation. Avant de tourner, nous travaillons énormément, on parle de ce que l’on aime, de que l’on croit bon pour une scène. Toutes les scènes doivent reposer sur le côté émotionnel du personnage sinon ça ne marche pas dans un film comme celui-ci. Même lorsque nous voulons pousser l’histoire plus loin, il y a toujours un dialogue précis pour un personnage spécifique à trouver. Et si ce dialogue peut correspondre à d‘autres personnages, alors il y a un souci. C’est notre travail de trouver ça avec le réalisateur et une fois que nous l’avons fait, on peut se lancer en espérant que ça fonctionne.

    Vous avez été danseur avant de devenir acteur. Est-ce que cette première carrière influence aujourd’hui votre façon de jouer, de bouger ?

    Peut-être bien, oui. Si c’est le cas, c’est inconscient. J’ai été gymnaste il y a longtemps, donc j’ai toujours été très physique ce qui m’aide beaucoup lorsque je fais des cascades, des sauts ou tout un tas de choses un peu folles. D’ailleurs, il m’arrive de me blesser. Mais ça aide en effet et j’ai parfois davantage conscience de la physicalité du personnage : s’il est lent, rapide, lourd, léger…

    Rolf Konow / DCM

    Vous avez, depuis quelques années, une renommée mondiale. Avez-vous l’impression d’être un ambassadeur du cinéma danois, en France ou ailleurs ?

    Si c’est le cas, j’en suis très fier. Mais je suis loin d’être le seul, beaucoup d’acteurs et de réalisateurs de ma nationalité ont de l’influence : Lars Von Trier, Nicolas Winding Refn, Susanne Bier… Cela fait une poignée d’ambassadeurs et si nous pouvons contribuer à mettre le cinéma danois dans la lumière, alors nous en sommes fiers.

    Vous avez reçu le Prix d’interprétation à Cannes il y a 4 ans. Vous êtes aujourd’hui membre du jury. Comment vous sentez-vous à l’idée de passer de l’autre côté ?

    C’est un immense honneur et une grande responsabilité ! On sait qu’il n’y a pas de gagnant dans ce métier mais on doit tout de même en trouver un. Parfois, c’est facile tout le monde est d’accord et parfois, nous devons nous battre. Nous verrons ce qui se passe cette année mais ce sera sans aucun doute passionnant.

    Pouvez-nous nous dire un mot sur votre rôle dans Doctor Strange, encore très mystérieux ?

    Oui, bien sûr. Mais ensuite, je serai obligé de vous tuer.

    Propos recueillis le 12 mai, à Cannes. 

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