Intégralement tourné en caméra subjective, Hardcore Henry est en salle depuis ce mercredi. Rencontre avec son réalisateur-acteur Ilya Naishuller et son interprète principal, Sharlto Copley.
AlloCiné : quel était le principal challenge pour vous d'un point de vue technique avec ce mode de prise de vue ?
Ilya Naishuller : c’est un dispositif assez fantastique à utiliser, ca a aussi un petit côté pionnier. Je devais penser tout à la fois à l’action, à l’histoire, aux dialogues, faire en sorte que ca marche techniquement. Timur Bekmambetov, qui est producteur du film, m’a appelé, et m’a demandé après le court métrage si je souhaitais transformer ça en film. Dans un premier temps, je lui ai répondu que ce n’était pas vraiment une bonne idée. Et là il m’a dit : "tu n’as vraiment pas envie de voir un pur film d’action au cinéma qui utiliserait ce principe de vue subjective ? Tu devrais réaliser le film !" Et nous voilà avec Hardcore Henry, trois ans après Bad Motherfucker !
AlloCiné: est-ce que ce mode de tournage change beaucoup de choses dans la perception, comme le fait de ne pas vraiment parler aux acteurs mais directement s’adresser à une caméra ?
Sharlto Copley : Je dois dire que c’est effectivement une expérience assez unique, en tout cas une des plus stimulantes que j’ai jamais faite, évidemment en grande partie dûe au fait que le film épouse totalement l’idée de la vue subjective. En tant qu’acteur, ca oblige à s’adresser directement au public ; j’ai adoré ça ! Mais c’est aussi quelque fois perturbant, lorsque vous vous adresser à un acteur qui porte son harnachement GoPro. Je dois dire que ce tournage a été une vraie expérience collaborative ; je suis monté à bord du projet avant même que le script ne soit achevé, un peu à la manière de ce que j’avais pu faire sur District 9.
AlloCiné : Ilya, vous aviez envie de rendre une forme d'hommage aux jeux vidéo avec ce procédé ?
Ilya Naishuller : c’est évident que pour l’aspect "caméra en vue subjective", on associe ça instinctivement aux jeux vidéo. Pour autant, mon souhait n’était pas de faire un jeu vidéo ou de courir à tout prix derrière les jeux vidéo, même si mon film en a d’une certaine manière son ADN. La nuance est importante : c’est avant tout un film.
Sharlto Copley : je pense pour ma part que le film est un peu un mélange des genres dans sa forme : jeu vidéo, mais aussi vidéo clip et par certains côtés film « traditionnel ». On puise dans différents univers, différentes cultures.
AlloCiné : est-ce qu’il y a des choses que vous avez dû couper dans votre film ?
Ilya Naishuller : Oui, mais de manière surprenante, uniquement en ce qui concerne l’histoire. Il y avait par exemple des séquences d’actions que je voulais encore plus développer, qui étaient déjà dans le script. Qu’on a un peu testé avant de nous rendre compte qu’elles ne fonctionnaient pas trop, parce qu’on ne voulait pas que le personnage ait une dimension surhumaine trop tôt. Je voulais que le personnage principal, qui fonctionne comme une sorte de cyborg, garde un côté réaliste.
AlloCiné : quelle a été la chose la plus difficile ou compliquée à tourner ?
Sharlto Copley : pour moi, probablement le fait de conduire une voiture pied au plancher sur un tronçon d’autoroute fermé à la circulation dans les environs de Moscou, avec des cascadeurs passant par la fenêtre avant de les faire dégager du véhicule à coups de coude ! C’est la combinaison de plusieurs éléments en fait qui rendaient le tournage de cette séquence pas facile.
Ilya Naishuller : je voulais que les scènes de cascades soient le plus réaliste possible, parce que ca fait partie intégrante de l’expérience immersive du spectateur, qu’il ait toujours cette sensation que c’est lui à l’écran. Au niveau des dialogues, j’avais parfois en tête des idées où je me disais : "tient ca serait marrant que mon personnage dise ça ou ça s’il parlait !". Sauf que c’était déconnecté avec l’idée de base, qui est que le spectateur s'identifie au personnage principal. Sauf que le public n’aurait pas forcément voulu qu’il dise telle ou telle ligne de dialogue; ca tuait l’immersion. Le personnage principal reste muet. Pour les blagues et les punchlines, je laisse finalement ça à Sharlto dans le film ! (rires).
Propos recueillis par Emmanuel Itier