Dans la série des vieux serpents de mer, le projet de biopic consacré au légendaire chanteur du groupe Queen, Freddie Mercury, est probablement un champion incontesté. Pour resituer un peu les choses, on en parle depuis 2006, tandis que les noms de réalisateurs ont pas mal défilé ces dernières années. En 2012 par exemple, on murmurait encore le nom de Stephen Frears; un an plus tard, c'était Tom Hooper, finalement parti faire The Danish Girl. En 2014, c'était Dexter Fletcher qui devait aux dernières nouvelles s'y coller, avant qu'il ne jette l'éponge à son tour, officiellement pour "différends artistiques". Les différends concernaient entre-autre semble-t-il la classification du film, en clair la présence ou non de scènes réservées à un public averti.
Un projet qui fait saliver mais qui a hélas des allures de bateau ivre. D'autant que Sacha Baron Cohen, très longtemps attaché à lui puisqu'il devait prêter ses traits à Freddie Mercury, a préféré lâcher les rênes en 2013. Lui aussi pour "différends artistiques".
Trois ans plus tard, on en apprend un peu plus sur ces fameux "différends artistiques"; formule par ailleurs souvent fourre-tout. L'acteur s'est en effet exprimé sur le sujet dans le cadre du Howard Stern Show.
"Il y a de fantastiques histoires à propos de Freddie Mercury" a-t-il lâché; "le mec était quelqu'un de sauvage. Il avait un style de vie totalement décadent, débauché. Il y a des histoires de nains qui circulaient, portant des plateaux remplis de cocaïne sur leurs têtes durant certaines fêtes". Et Baron Cohen d'ajouter que c'était exactement le genre d'anecdote et de détail que les membres survivants du groupe Queen, producteurs du futur film, veulent éviter à tout prix. En clair, "c'est devenu un film moins intéressant, même s'il faut vous souvenir qu'ils veulent préserver l'héritage de leur groupe. Je peux totalement comprendre cela".
L'acteur évoque aussi sa perplexité sur la tournure que devait prendre le film : "un membre du groupe - je ne dirais pas qui- me sort après notre première rencontre : "ca va être un grand film, parce qu'il arrive une chose formidable au milieu..." J'ai dit : "qu'est-ce qui arrive au milieu du film ? Il m'a répondu : "Freddie meurt". J'ai dit : "donc en fait c'est un peu comme Pulp Fiction, où la fin est au milieu et le milieu à la fin ? C'est intéressant..." "Non non non !" m'a-t-il répondu. Et moi de dire : "attends une minute : qu'est-ce qu'il se passe dans la seconde moitié du film du coup ? Et là il me lâche : "hé bien on voit comment le groupe continue petit à petit à aller de l'avant en dépit de la mort de Freddie..." Là j'ai répondu : "écoutes, personne n'ira jamais voir un film où le personnage principal meurt du Sida en plein milieu, pour ensuite s'intéresser à ce qui se passe aux membres survivants du groupe." En l'occurence, Brian May et / ou Roger Taylor.
Pour parachever ce tableau, Sacha Baron Cohen explique qu'on lui avait carrément demandé d'écrire le script du film; "mais je ne sais pas comment écrire un biopic ! J'ai amené David Fincher sur le sujet qui voulait réaliser le film, puis Tom Hooper, et chacun avait évidemment une idée bien précise sur ce qu'il souhaitait faire. Mais rien ne collait. C'était un vrai différend artistique". L'acteur garde quand même la pépite et le tacle de son intervention pour la fin : "Brian May est un formidable musicien, mais un piètre producteur de film".