En cinq longs métrages, Rémi Bezançon est parvenu à tisser un univers bien à lui. Un univers où il jongle entre la comédie et le drame et où l'on rit autant que l'on pleure. Très souvent, le réalisateur parvient à cet effet en touchant du doigt une vérité et une réalité. Dans son cinéma, c'est vrai qu'on se reconnait parfois étrangement, on retrouve aisément des gens et des situations que l'on a rencontrés, des pensées qu'on a pu avoir.
Cette capacité à saisir des sentiments nuancés et à créer des personnages dont on se sent proches s'accompagne aussi d'une vraie lucidité. Chez Rémi Bezançon, si les thèmes sont souvent ceux de nos quotidiens, rien n'est jamais tout à fait simple, rien n'est ni tout noir ni tout blanc, le couple n'est pas forcément amené à durer ni à se retrouver, la grossesse n'est pas le paradis escompté, la maladie et la mort peuvent toucher n'importe qui...
Il saisit des sentiments universels"
Pio Marmaï, qui partage son univers depuis trois films et qui est l'affiche de son dernier, Nos Futurs, l'explique ainsi : "Il a cette rareté-là de saisir des sentiments assez universels, qui touchent tout le monde. C'est à la fois extrêmement simple ce dont on parle et, à la fois, il a un regard qui est très singulier et qui est ultra contemporain. [Ces films] fonctionnent pour des jeunes de notre génération, mais aussi pour des plus âgés et des plus jeunes. Les gens peuvent se reconnaitre très simplement et ce, sans être non plus populiste, c'est quand même assez pointu."
Quand on évoque avec le réalisateur cette faculté à capter le réel et à livrer des situations universelles dans lesquelles les spectateurs parviennent à se reconnaître et qui les touchent, Rémi Bezançon est, lui-même touché : "Si je pouvais y arriver à chaque fois, je serai content. C'est le plus important pour moi : comment les gens vont s'approprier mon histoire et les histoires de mes personnages. Je me souviens sur Le Premier Jour du reste de ta vie, on avait mis en phrase d'accroche sur l'affiche : "Cette famille, c'est la vôtre". Et les gens se sont appropriés cette famille, ils m'ont dit que c'était vrai, que c'était leur famille, que c'était eux. Ca me touche beaucoup."
Je suis incapable de faire un film sans mettre une partie de moi"
Après la famille et le couple, Rémi Bezançon s'attaque pour la première fois à la thématique de l'amitié dans Nos Futurs, thématique qu'il avait déjà effleurée dans Ma Vie en l'air : "[Le film] reprend des choses de l'amitié très simples, des choses qu'on a tous connues. Et tant mieux si les gens peuvent s'identifier voire se projeter." A nouveau, la nostalgie, très présente dans Le Premier jour du reste de ta vie, se retrouve à tous les niveaux du film, les deux héros, Yann et Thomas, se retrouvant plusieurs années après la fin du lycée. Si le premier a beaucoup changé quitte à se perdre, l'autre n'a pas bougé d'un pouce et habite au même endroit et fait toujours le même boulot.
"Qu'est-ce qu'on a fait de nos rêves ?", "Est-ce que j'aurai envie de revivre cette époque ?". Pour Rémy Bezançon, son dernier film pose plusieurs questions sur la jeunesse telle qu'on l'a vécue et celle dont on se souvient des années plus tard. En s'attaquant aux souvenirs de jeunesse, il choisit à nouveau de creuser plus loin et ne se contente pas de retrouvailles mais aussi aux actes manqués, à ce qui a été perdu en route et à ce qui ferait bien de rester dans le passé. "Ce n'est pas simplement une petite histoire de potes, c'est plus profond que ça", explique Pio Marmaï.
Un film en forme de jeu de pistes ?
Pierre Rochefort qui, à l'occasion de Nos Futurs, collabore pour la première fois avec le réalisateur est aussi un amoureux de son cinéma : "Il a aussi en tant que réalisateur une grande façon de faire les films avec beaucoup d'émotion à l'intérieur de la technique, la façon dont il va filmer ses personnages, des couleurs et faire des flashbacks qui lui appartiennent." Rémi Bezançon manie effectivement souvent les flashbacks qui ne semblent jamais systématiques et qu'il utilise très différemment. Le premier jour du reste de ta vie était un grand flashback et, à l'intérieur, d'autres petits flashbacks intervenaient également.
"J'aime bien le jeu avec le temps"
Dans Nos Futurs, les flashbacks sont toujours là et ils ont aussi énormément d'importance : "Je ne voulais jamais qu'on puisse voir arriver les flashbacks. Ils arrivent d'une façon très naturelle et, plus on avance dans le film, plus on avance vers les souvenirs. A un moment donné, on sait qu'on va remonter, remonter... Et on arrive à l'enfance, aux premières rencontres. Tous les flashbacks sont des premières rencontres. Je crois beaucoup à la première fois qu'on a vu quelqu'un."
Parfois, ce jeu autour du temps, Bezançon le mêle à une note de fantastique, ce qui participe aussi à rendre son cinéma si reconnaissable. Dans Le premier jour du reste de ta vie, le personnage de Raphaël (photo ci-dessus) compare ainsi l'appartement de son grand-père à une "machine à remonter le temps". Une idée que l'on retrouve dans Nos Futurs, lorsque le vieux fauteuil de Yann est comparé de la même manière et lorsque le personnage de Thomas cherche à créer une "faille spatio-temporelle" pour briser sa "malédiction" d'être resté bloqué à l'époque du lycée.
"J’aime bien jouer avec ça dans mes films, sur un côté un petit peu onirique. Dans tous mes films, il y a des passages très oniriques. J’aime bien le jeu avec le temps. Dans tous mes films, il y en a un. Le passé, l'avenir, les accélérés, les ralentis... Cette ligne temporelle, j’aime bien la malaxer et jouer avec."
Dès que j'écris de la comédie, ça va jamais jusqu'au bout !"
A l'origine, Rémi Bezançon cherchait d'ailleurs à faire une vraie comédie avec Nos Futurs. Un film plus léger qu'Un Heureux Evènement mais finalement, il semble n'avoir pas pu échapper à son habitude de mêler les genres : "Dès que j'écris de la comédie, ça va jamais jusqu'au bout, il y a toujours du drame qui pointe son nez, et au final, ça fait une tragi-comédie. C'est ce que j'aime. C'est vrai que je voulais écrire plus une comédie et, finalement, le film a une partie plus sombre aussi".
Toujours bien dosés, le drame et la comédie sont finalement indissociables chez Rémy Bezançon. Sa façon de les mêler intimement touche aussi le public, tout comme sa manière de creuser nos souvenirs et, donc, notre présent. Pourquoi se reconnaît-on autant dans son cinéma ? Pour tout ces raisons et certainement aussi parce qu'il met toujours de lui dans ses films : "Tous les films sont personnels. Je suis incapable de faire un film sans mettre une partie de moi. Même quand je fais un dessin-animé, Zarafa, c'est un film personnel car ça parle de la relation père/fils, en tout cas du père de substitution, c'est quelque qui qui me touche beaucoup et qui est très personnel. Tous mes films sont personnels."