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    "Birdman", le comeback fou de Michael Keaton

    Vous aviez l'impression que Michael Keaton avait pris sa retraite ? Oui, l'ex-Batman s'est fait un peu plus discret ces dernières années mais, non, il n'a pas disparu. Et avec Birdman, il revient en force et en haut de l'affiche !

    Twentieth Century Fox 2014

    Michael Keaton. Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas entendu ce nom résonner partout et aussi souvent. Cela faisait tout aussi longtemps qu'un tel "comeback" n'avait fait unanimement plaisir. C’est dire toute l’aura et toute la sympathie que dégagent Mr. Keaton, 63 ans et plus de 35 ans de carrière. C’est dire surtout le manque créé par ces 15 dernières années qui, loin de l'avoir fait disparaitre des écrans, ne lui avaient offert que peu de rôles de premier plan.

    Jusqu’à aujourd’hui et Birdman. Un film virevoltant, bourré d’énergie, hilarant, touchant et méta puisqu’il raconte comment Reegan Thomson, acteur qui a connu la gloire des décennies plus tôt avec un rôle de super-héros, tente un comeback sur le devant de la scène. Le second souffle recherché par Reegan, Michael Keaton le trouve bel et bien dans Birdman, livrant une prestation fantastique qui fait tomber les critiques et qui lui a valu le Golden Globe du meilleur acteur (et qui aurait dû lui valoir l'Oscar, mais ça c'est une autre histoire).

    Leonard Matlin : "Birdman est la réaffirmation du talent de Michael Keaton"

    Grandiose, ce rôle rappelle surtout à quel point Keaton est l’un des meilleurs. "Rappelle" car même si Keaton n'a pas été oublié, c’est comme si son talent l’avait un peu été. Pour introduire l'hommage à Keaton lors du Festival de Santa Barbara, Leonard Matlin, le célèbre critique américain, avait d'ailleurs déclaré : "Birdman est la réaffirmation du talent de Michael Keaton". Un talent atypique et exigeant qui est parfois passé par des voies presque impénétrables…

    Le Keaton des débuts, vous connaissez ?

    Michael Douglas ou Michael Keaton ?

    Avant d’être Michael Keaton, le futur héros de Birdman a d’abord été Michael John Douglas, un patronyme qui ferait presque sourire aujourd’hui. A cette époque, il aime déjà la scène et la comédie. Il fait des imitations et écrit des sketches devant son public du moment, ses trois grands frères et ses trois grandes sœurs. C’est lorsqu’il quitte Pittsburgh que l’apprenti acteur réalise qu’à Los Angeles, deux autres Michael Douglas sont déjà bien dans la place. Il choisit alors le pseudonyme de "Keaton", en hommage au légendaire et burlesque roi de la comédie, Buster Keaton. Pas un hasard puisqu'il aime faire rire et ceux qui le font rire, à l’image de Richard Pryor, Steve Martin ou Albert Brooks.

    Mission

    Bien avant Johnny Depp...

    Acteur bondissant, Keaton démarre sa carrière en apparaissant dans quelques séries (comme la Mary Tyler Moore Hour) et en se produisant sur scène dans des stand-up. Au début des années 80, il entame sa grande décennie. Alors qu’il hésite à s’installer sur le petit écran dans une sitcom (qui ne verra finalement pas le jour), Ron Howard l’engage dans Les croque-morts en folie aux côtés d’Henry Winkler, ce bon vieux Fonzie. Les tournages de comédie s’enchaînent et Keaton devient l’un des jeunes acteurs comiques les plus prometteurs de sa génération, animant même l'un des numéros du Saturday Night Live (vidéo ci-dessus).

    A la fin des années 80, un certain Tim Burton lui propose le premier rôle de sa comédie d’horreur, Beetlejuice. Keaton hésite car il ne comprend pas trop le personnage mais se laisse convaincre par le futur maître. Bonne pioche. Cette rencontre, primordiale dans la carrière de Keaton, lui permettra de devenir le tout premier Batman live de l'ère moderne et, donc, d'entrer dans la légende...

    Capture d'écran

    Batman : le rôle qui change tout

    En lui livrant le script de Batman, Burton donne à Keaton le comic-book de Frank Miller, Dark Knight Returns. A l'époque, la chauve-souris n'a été représentée que dans la série kitsch des années 60 et, bien évidemment, dans les comics, et Keaton n'est pas trop familier de l'univers. Il est séduit… mais ce n'est pas le cas des fans. Comme c'est désormais devenu une habitude, ces derniers rejettent le casting. Pour eux, Keaton n'est qu'un acteur comique, une farce et, pour certains, même Burton n’est pas à la hauteur.

    En guise de protestation, plus de 50 000 signatures sont envoyées à Warner. Dans une interview à CBS Sunday Morning, Keaton compare même ceux qui, à l'époque, ont envoyé ces pétitions à "des villageois avec des torches, qui venaient pour me trouver !". Mais, Burton n’en démord pas et Keaton devient son Batman, plus noir - mais pas que - plus tourmenté. Leur combo est un succès : Batman est le plus gros succès de 1989 et ouvre la voie du blockbuster de super-héros. En 1992, le duo réitère l'expérience avec Batman le défi.

    Pour autant, Keaton refuse de reprendre le rôle à l'occasion du troisième opus (tout comme Riggan Thomson avait repoussé l'idée d'un quatrième Birdman). On lui propose pourtant 15 millions de dollars ! Rien n'y fait : il refuse de rempiler non seulement parce que Burton n’est plus dans la course et surtout parce qu’il trouve le script... franchement mauvais.

    On me voit... On ne me voit pas...

    Cette décision d'abandonner l'aventure Batman, Keaton dit ne pas la regretter. Pourtant, la suite est bel et bien confuse et ponctuée de rôles moins marquants et intenses. Mais, Keaton n’est en fait pas de ceux qui cherchent la facilité. Entre les deux Batman, il prend même le risque de jouer dans le thriller Fenêtre sur Pacifique, un film qu'on lui conseille de ne pas faire. Ce dernier passe effectivement inaperçu, beaucoup n'ayant pas envie de voir Batman... dans la peau d'un méchant.

    La suite des années 90 est un peu du même ressort et Keaton peine, soit à retrouver le grand public, soit à figurer dans un rôle de premier plan. Ce n'est pas qu'on ne lui en propose pas mais plutôt que Keaton sélectionne à son goût et à son envie. L’acteur veut vivre pleinement sa vie, passer du temps avec son fils et, donc, travailler sur des projets qui ne lui demandent pas de se déplacer à l'autre bout du monde. D'autre part, il ne veut pas refaire ce qu'il a déjà fait et montre une exigence vis à vis des projets qu'il choisit. Ainsi, il refuse Get Shorty et même Un jour sans fin parce qu'il pense, à tort, que le personnage ressemble à ce qu'il a déjà joué dans diverses comédies.

    Même Obama s'est demandé où était passé Michael Keaton !

    A l'époque, on le voit tout de même dans le comédie de feu Harold Ramis, Mes doubles, ma femme et moi aux côtés d'Andy McDowell (1996) et il incarne Ray Nicolette, création d'Elmore Leonard, dans le Jackie Brown de Tarantino (1997) et dans le Hors d'atteinte de Soderbergh (1998). Des rôles qui ne lui permettent pas de retrouver le haut de l'affiche et qui côtoient des rôles de très secondes zones, à l'image de Jack Frost et... La coccinelle revient.

    On pourrait d'ailleurs croire que les années 2000 ne sont qu'une succession de flops pour Keaton mais ce n'est pas tout à fait ça. Il est par exemple récompensé d'un Golden Globe pour le téléfilm En direct de Bagdad et nommé pour un SAG pour sa belle performance dans la minisérie, passée trop inaperçue, The Company (2007). Il réalise même son premier film en 2008, Killing Gentleman, et commence une nouvelle aventure aux côtés de Pixar en doublant un personnage de Cars et dans Toy Story 3.

    Mais, tout cela se fait presque dans l’ombre et marque peu les esprits. Même Barack Obama que Keaton a pu rencontrer alors qu'il était encore sénateur en 2008, lui aurait demandé pourquoi il ne faisait pas plus de films !

    "C'est ce genre de films que je veux faire !"

    L'actuel Président des Etats-Unis devrait donc être plutôt ravi de voir que Michael Keaton n’a, en réalité, pas pris sa retraite. En 2014, il semblerait même qu’il ait préparé le terrain de son futur "comeback" en apparaissant dans Need For Speed et Robocop avant de reprendre le pouvoir avec Birdman, où il jongle entre drame et comédie, atteint une sphère inaccessible à d'autres et réaffirme son pouvoir d’acteur. Lors d'un entretien à Deadline, le réalisateur Alejandro Inarritu avait d'ailleurs déclaré :

    "Quand vous ouvrez votre coeur, vous prenez un risque. Si vous avez déjà suivi une thérapie de groupe, vous réalisez que ce que vous pensiez être votre unique problème ne l'est pas. Il y a des centaines, des milliers de personnes qui traversent la même chose que vous et c'est rassurant de réaliser que nos problèmes sont communs à tous. Le film saisit les gens d'une manière qui peut leur paraître étrangement familière. Michael a beaucoup avoir avec [ce sentiment], avec son humanité et son habilité à toucher les âmes."

    Cette humanité doublée d’une petite folie dans le regard, c’est déjà pour ça que Burton avait voulu faire de lui son Batman. Sauf qu’aujourd’hui, Batman n’est plus le (seul) rôle de sa vie.

    L'envol de Birdman, c'est mercredi dans les salles !

     

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