Miles Teller se souviendra de son premier voyage en France : retenu aux Etats-Unis au moment de sa présentation à Cannes, il est en effet venu soutenir le formidable Whiplash à Deauville, où le film a reçu une standing ovation et deux trophées (dont le Grand Prix) plus que mérités. L'occasion de soumettre à notre questionnaire jeune acteur celui qui aura été à l'affiche de 3 films en 2014 et devrait, on prend les paris, être l'un des comédiens les plus en vue du cinéma américain ces prochaines années.
Son actu : le phénomène Whiplash
Miles Teller : Damien [Chazelle, le réalisateur, ndlr] dit avoir écrit le rôle en pensant à moi, mais nous sommes à Hollywood, donc dès que vous voulez faire un film, on vous propose une dizaine de personnes différentes. J'ai reçu le scénario à un moment où je ne voulais pas vraiment faire quelque chose qui demande autant de ma part : je venais de terminer un film et j'en avais fait 4 en l'espace d'un an, donc je voulais me reposer. Mais le scénario était si bon que je ne voulais laisser personne d'autre le faire à ma place.
Je joue depuis que j'ai 15 ans. J'ai toujours aimé la musique et je cherchais à faire un film qui tourne autour, mais c'est rare de pouvoir en faire un aujourd'hui. La plupart d'entre eux sont des biopics dans lesquels on joue une personne célèbre, alors que là j'ai pu composer moi-même le personnage, quelqu'un qui n'était pas connu auparavant. J'adore, qui plus est, jouer de la batterie, et on ne trouve jamais de film centré sur un batteur.
Nous avons tourné Whiplash en septembre 2013, pendant un mois, donc il a à peine un an [l'interview a été réalisée en septembre 2014, ndlr]. Quand il a été présenté au Festival de Sundance, où il a été très bien accueilli, nous avions le sentiment que nous venions tout juste de le finir alors que des gens pouvaient déjà le voir. J'ai depuis tourné deux longs métrages [Les Quatre Fantastiques & Divergente 2, ndlr].
Premier souvenir marquant de spectateur
C'était Le Magicien d'Oz. Quand on est enfant, c'est un film vraiment incroyable à tous les niveaux. C'est magique et sombre à la fois, réel mais il y a un épouvantail, un lion et un homme de fer qui sont amis et se parlent. Pour un petit, c'est un monde assez bizarre. Et oui, il y a les Munchkins. Et les singes volants. Là on se dit : "Euh, allo ?" (rires)
Première fois que vous vous êtes vu à l'écran
La première fois c'était pour la série The Unusuals (2009), dans laquelle j'ai joué en guest. C'est différent du théâtre où vous pouvez voir les réactions du public sans vous voir vous-mêmes. Au cinéma et à la télévision, on est très critique envers soi-même : la première fois que je regarde une oeuvre dans laquelle je suis, je ne me sens pas vraiment à l'aise, je me trouve très mauvais alors que tous les autres sont bons. Mais si je le regarde une deuxième fois et que c'est un bon film, j'ai un peu plus de chances de l'apprécier. Au-delà, je recommence à être critique. Il y a donc un rapide moment pendant lequel on peut se voir et, je pense, apprécier. Mais beaucoup de personnes n'aiment pas le son de leur voix, ou leur visage, ou leur corps.
Avec Whiplash c'est un peu différent : la première fois que je l'ai vu, c'était à Sundance, avec un public qui a aimé et moi aussi. Je l'ai ensuite revu à Toronto, mais je ne savais pas si les gens l'aimaient et j'ai commencé à pointer mes défauts. Et quand nous avons reçu une standing ovation à la fin, j'étais surpris car je n'avais pas réussi à déterminer avant si ça leur avait plu ou non. Mais en général, ce genre de choses n'aide pas forcément car on trouve toujours quelque chose à redire sur sa propre performance.
Amis avec des acteurs de votre génération ?
Oui, il y en a quelques uns : Michael B. Jordan est l'un de mes bons amis, tout comme Jamie Bell, Kate Mara et Shailene Woodley. Ce sont des acteurs avec lesquels j'ai travaillé et j'entretiens une bonne amitié.
C'est important d'être conscient de l'Histoire du cinéma
Des acteurs qui vous inspirent ?
Bien sûr. Beaucoup de gars qui sont passés avant moi, de Sean Penn, Leonardo DiCaprio ou Edward Norton, à Al Pacino et Marlon Brando. C'est important d'être conscient de l'Histoire du cinéma, car il y a toujours quelqu'un qui nous inspire l'une de nos performances. Moi je suis très tourné vers l'Actor's Studio et ceux qui en sont issus à New York, comme Dustin Hoffman, ou les acteurs passés par Broadway.
Une musique ou une chanson peuvent-elles vous inspirer ?
J'écoute beaucoup de rock classique, Grateful Dead en particulier. C'est surtout la musique des années 60, très créative, qui m'inspire le plus. Elle arrive juste après les années 50, où tout était uniformisé : les gens avaient les mêmes maisons, le même travail... Mais après il y a eu la Guerre du Viêtnam, l'idée selon laquelle tout le monde était corrompu, et c'est à ce moment que certains ont osé élever la voix contre le gouvernement. Pour moi, les années 60 et le début des années 70 constituent une période intéressante pour les films et la musique, et c'est ce que j'écoute le plus.
Je ne sais pas si les acteurs devraient réaliser
Des envies de réalisation ?
J'aimerais, sur le papier, car j'adore les acteurs et la réalisation. Mais je ne suis pas naïf : je sais à quel point c'est difficile, et déteste le fait qu'un acteur pense pouvoir être réalisateur juste parce qu'il est un super comédien, comme s'il était destiné à réaliser. Les réalisateurs ne devraient pas jouer, et je ne sais pas si les acteurs devraient réaliser. La plupart du temps ça ne fonctionne pas.
Le conseil le plus précieux que vous ayez reçu
C'est quelque chose de simple, mais les gens me disent : "Sois toi-même." Je pense que c'est très important car c'est rare que les gens puissent le faire, tant il y a de jugements de la part des autres. Mais si vous pouvez donner à votre enfant assez de confiance en lui-même, lui faire comprendre que c'est une bonne personne et qu'il ne doit pas se soucier de ce que pensent les gens, ça lui servira.
Surtout dans ce milieu où tout le monde nous juge quoique l'on fasse : je peux faire un court métrage de 5 minutes et le mettre en ligne, il y aura 1000 commentaires de gens disant "Tu es horrible", "Tu as l'air bizarre" ou des trucs de ce style. Tout est propice au jugement.
Dernier souvenir marquant de spectateur
J'ai vraiment aimé Dallas Buyers Club. Je l'ai trouvé authentique et n'avais pas l'impression de regarder des gens en train de jouer. Les rôles de Jared Leto et Matthew McConaughey demandaient une grosse transformation, mais c'était vraiment très bon. J'ai aussi beaucoup aimé Crazy Heart avec Jeff Bridges, qui est moins récent.
Et après : un petit film appelé "Les Quatre Fantastiques"
Oui, un tout petit film indépendant qui sera en lice pour le Grand Prix de Deauville l'année prochaine (rires) Je ne peux pas dire grand chose dessus pour le moment, mais tous les acteurs du film ont été spécifiquement choisis par le réalisateur [Josh Trank, ndlr], qui avait une vision très claire du projet dans son esprit. Josh est un mec très talentueux capable de faire des choses cool sans avoir beaucoup d'argent, donc j'ai hâte de voir ce qu'il a pu faire avec un gros budget.
L'idée du film est de chercher qui sont les personnes derrière les super-héros, les rendre pertinents et contemporains. Les personnages sont nés pendant les années 50, et le société a beaucoup changé depuis, donc nous cherchons à les rendre crédibles. Mais tout provient du catalogue des comic books. Nous n'avons pas inventé les personnages, nous nous sommes basés sur leur histoire.
Miles Teller est également attaché au prochain long métrage de Damien Chazelle, la comédie musicale La La Land, dont il annonce un début du tournage pour le mois de mars 2015, mais plus au biopic consacré à John Belushi, pour des questions de temps.
Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Deauville le 12 septembre 2014
La bande-annonce de "Whiplash" :