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    Eden : "Les Daft Punk sont tellement emblématiques et très mystérieux à la fois"
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 13 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    Mia et Sven Hansen-Love se prêtent à notre interview blind-test autour d'Eden, sorti ce mercredi dans les salles. L'occasion d'évoquer les choix musicaux, les défis relevés pour le film, Félix de Givry et la présence des Daft Punk au générique...

    AlloCiné

    Chanson n°1

    AlloCiné : Ce premier titre est un extrait de l'album "Eden" d'Etienne Daho. Comment votre choix s'est-il porté sur ce nom de film, Eden ?

    Mia Hansen-Love, réalisatrice : Le titre est arrivé assez tôt. Il se réfère à un épisode du film qui est au tout début, quand le personnage principal, Paul, achète, dans la rave où il va, le fanzine Eden. C’est un fanzine qui a existé au début des années 90. Il y a eu une dizaine de numéros. C’est Sven qui m’en a parlé, j’en avais oublié l’existence. C’était le fanzine qui parlait des raves et de la house avant les autres. Le titre est resté et s’est imposé un peu comme une évidence par rapport à ce dont parlait le film.

    On peut donner de nombreux sens au titre. Le paradis perdu de la jeunesse, le paradis perdu de cette période, qui est une période très particulière d’insouciance, d’hédonisme...

    Sven Love, co-scénariste et DJ : On peut donner de nombreux sens au titre. Ca renvoie à plein de choses, dont les paradis perdus bien sûr. C’est aussi le paradis perdu de la jeunesse, le paradis perdu de cette période, qui est une période très particulière d’insouciance, d’hédonisme, qui appartient un petit peu au passé. Mais ça renvoie aussi bien sûr à la jeunesse qu’on ne peut plus retrouver.

    Cette chanson précisément s'appelle Au commencement... Comment tout a commencé pour ce film ? Est-ce un film que vous aviez en tête depuis longtemps ?

    Mia : Je pense qu’on l’avait potentiellement en nous-même, du fait, pour Sven, des années qu’il a passé dans les clubs et de tout ce qu’il a emmagasiné d’expériences, de souvenirs. Et pour moi, un peu pour les mêmes raisons, en ayant observé, vécu assez près de ce monde-là.

    Ad Vitam

    Mais le désir du film est arrivé de manière assez brutale en fait. Autant c’était en moi, autant j’ai pu imaginer faire un film sur la musique électronique, autour du parcours d’un personnage de DJ inspiré par Sven, que peu de temps avant que j’ai décidé d’écrire. Les années avant, c’était inconcevable pour moi déjà de faire un film de cette difficulté-là.

    Eden représentait un certain nombre de défis. Je crois que je me suis sentie prête après avoir fait mon 3e film

    Ca représentait un certain nombre de défis du point de vue des droits musicaux, de la mise en scène de boite de nuit, de la fête, du nombre d’années que je voulais évoquer dans le film. Je crois que je me suis sentie prête après avoir fait mon 3e film. Du coup, je n’ai commencé à y penser qu’à ce moment-là.

    Chanson n°2

    Sven : C’est Bob Sinclar bien sûr, Love Generation. C’est marrant que vous ayez choisi ce morceau car il y a ce sifflement, cette petite mélodie de sifflement. Bob Sinclar s’est peut-être un peu inspiré de The Whistle song qu’on utilise dans le film. The Whistle Song est un morceau emblématique pour nous. Mia l’aime beaucoup, moi aussi. C’est un morceau de Franckie Knuckles qui est mort il y a très peu de temps. Cette chanson de Bob Sinclar est plus grand public, populaire ; ce n’est pas le morceau que je préfère de Bob Sinclar, je ne vous le cache pas...

    Et que vous inspire le titre de la chanson précisément, Love Generation ?

    Mia : On nous demande souvent de définir ce qu’a été cette génération pour nous, mais c’est très difficile car d’une certaine manière on est presque trop proches. On est suffisamment distant pour pouvoir la raconter, la filmer, mais pour la définir avec un regard historique, c’est très difficile.

    AlloCiné

    C’est vrai que même si ça peut paraitre très simpliste et naïf, l’amour, l’amour en l’occurrence pour la musique a été une chose très déterminante pour cette génération. Un amour entier, sincère et porteur d’une vie, d’une énergie. A cette époque, beaucoup de gens ont construit leur vie à partir de leur amour pour la musique.

    Chanson n°3

    Mia : C’est un morceau de disco...

    Sven : C’est Chic ?

    Non, Sister Sledge… Connaissez-vous le titre ?

    Sven et Mia : We are family !

    Mia : Le titre de Sister Sledge que je voulais dans le film, c’est Lost in music. Et c’est dur car on ne l’a pas eu... Dans les fêtes Cheers de Sven et Greg, il y avait régulièrement des morceaux de disco qui passaient. C’est une musique qui trouve ses racines dans le disco. Il y avait quelques morceaux cultes qui passaient régulièrement : il y avait Teardrops de Womack & Womack, et Lost in music, deux morceaux que je voulais absolument pour la 2ème partie du film. Les morceaux disco sont ceux pour lesquels on a galéré pour avoir les droits.

    Les morceaux disco sont ceux pour lesquels on a galéré pour avoir les droits.

    Sven : C’est vrai que We are family s’adapte assez bien à l’esprit des soirées de l’époque, sachant que les textes de disco se référaient à ce sentiment de communion, se retrouver ensemble autour d’une musique, quelque chose même d’éventuellement un peu spirituel.

    Mia : D’ailleurs, l’idée de famille, de liens spirituels, est au fond plus présente dans cette musique que quelque chose de l’ordre de la séduction, de l’érotisme, même si c’est une musique qui est vraiment habitée par l’amour. Par exemple, un des morceaux qu’on a fait composer pour le film, par Kerri Chandler, s’adresse à un frère. Un autre morceau que j’adore, Brotha, c’est aussi une histoire de frère-sœur. Ce thème rapproche le garage de cette musique.Mais pour revenir sur Sister Sledge, comme je n’ai pas pu obtenir leur morceau, Lost in music, ce titre est devenu le nom de la 2ème partie du film.

    Et de travailler "en famille", était-ce un avantage ou plus difficile ?

    Sven : Finalement les choses se sont faites de façon assez naturelle. On n’a pas eu de vraies difficultés. On a toujours été assez proche. Nous n’étions pas dans un rapport austère de travail. Tout ça était assez détendu. Ça s’est fait en douceur. Et nous avons eu beaucoup de temps pour travailler ensemble car le projet a été très long à monter financièrement. Nous avons eu du temps de réflexion dans la création du projet.

    Sven et moi, on se complétait

    Mia : Et ce qui nous a beaucoup aidé, c’est que Sven et moi, on se complétait. Il n’y a aucun moment où on se marchait sur les pieds, que ce soit l’écriture, la préparation... Il y a eu beaucoup de solidarité, qui a été renforcée par les difficultés qu’on a eu à monter le projet. Il y a eu une répartition très naturelle des tâches.

    Chanson n°4

    Mia : C’est Photomaton ! Celui-là, je l’ai trop écouté ! Ce qui est rigolo avec celui-ci, c’est que ce n’est pas du tout un morceau qui était prévu pour être dans le film. Autant on a décidé très en amont des morceaux qu’on voulait avoir dans le film de façon très précise, autant celui-là a été une découverte vraiment liée à Félix de Givry, l’acteur principal, qui a produit ce morceau. Ce morceau a été un grand succès, il a beaucoup compté pour Félix. C’est un morceau de jeunes gens qui viennent de Poitiers.

    Ad Vitam

    La question se posait de trouver un morceau pour la scène du Silencio à la fin. Il fallait un morceau plutôt éloigné de la musique dans le film. Mais il fallait que ce soit cohérent par rapport à l’époque et à l’atmosphère. J’ai demandé à Félix si on pouvait l’utiliser et je trouvais ça assez beau symboliquement car à ce moment le film s’ouvre sur autre chose. Cette musique se rapproche de ce qu’est Félix.

    Justement pourquoi avoir choisi ce comédien, qui comme souvent dans vos films est un comédien non-professionnel ?

    Mia : Avec l’histoire d’Eden, il y a l’idée de mettre dans la lumière quelqu’un qui n’incarne pas le succès comme le font les Daft Punk. Ca m’aurait semblé une forme de contradiction de prendre un acteur très populaire, très connu. Par ailleurs, quand je cherche un comédien, il s’agit surtout de trouver celui qui me semble le plus juste, le plus adapté au rôle, qu’il soit connu ou pas.

    J’ai eu une sorte de coup de foudre pour Félix de Givry

    J’ai eu une sorte de coup de foudre pour cet acteur. Il m’a paru sur-mesure pour le rôle, aussi bien du fait de sa présence, de son charisme, que d’une forme d’innocence lié au fait qu’il n’avait pas joué avant. En même temps, il était très à l’aise pour quelqu’un d’aussi jeune. Il y avait aussi cette passion qu’il a pour la musique, son rapport bien réel qu’il a avec le milieu de la nuit. Il avait une intuition très forte. Il s’est glissé très naturellement dans la peau du personnage. 

    Chanson n°5

    Sven : C’est Véridis Quo des Daft Punk. C’est un choix de Mia pour la BO. C’est un morceau que je ne connaissais pas tant que ça, que j’ai redécouvert avec le film. Je trouve qu’il se prête merveilleusement bien à l’image. La scène est très évocatrice, il y a une espèce de grâce à ce moment-là. C’est un des morceaux les plus mélancoliques, les plus personnels peut être et atypiques dans leur catalogue.

    Ad Vitam

    Les Daft Punk apparaissent en tant que personnage, mais sous la forme de clins d'oeil...

    Sven : Ça correspond à la réalité, à des souvenirs. Il se trouve que je les ai bien connu, plus à une période avant leur explosion, leur succès. Je les ai retrouvé ensuite à divers moments, un peu comme dans le film. Ils apparaissent de manière épisodique. On a pensé aussi que ça disait quelque chose sur l’époque. Ils sont tellement emblématiques et à la fois très mystérieux grâce à tout ce qu’ils ont créé et le fait de ne pas montrer leurs visages.  La façon dont on en parle reprend toutes ces choses-là. Mais on a essayé de rester sobre par rapport à ça, de ne pas en faire trop car ça aurait pu écraser le film. 

    Portrait d'un jeune acteur : Félix de Givry, héros d'Eden

     

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