Les Quatre cents coups à l'unanimité
Premier film et déjà chef d'oeuvre de François Truffaut, Les Quatre cents coups a emballé unanimement la presse dès 1959, lors de sa découverte au Festival de Cannes (qui lui décerne le Prix de la mise en scène) et dans les salles.
France Soir, 6 mai 1959
"Le festival a reçu le choc attendu avec Les 400 coups de François Truffaut. C'est un choc en plein coeur, un fracassant succès. Et pas pour des raisons telles que les ving-huit ans de l'auteur, son passage de la critique aisée à l'art difficile, son maigre budget ou son caractère exécrable." Paul Guyot
Le Monde, 6 mai 1959
"A ses détracteurs et à ceux qui doutaient de lui Truffaut a répondu de la seule façon qui convenait : en nous offrant un très beau film. (...) Ce film est exactement le contraire d'une mécanique plus ou moins bien agencée". Jean de Baroncelli
Libération, 6 mai 1959
"... Un film hors série, un grand film français, un grand classique de l'écran, la suite naturelle, à trente années de distance, de Zéro de conduite de Jean Vigo à Les Quatre cents coups de François Truffaut. (...) Seul voeu que je forme: puisse Truffaut adulte et créateur essuyer assez d'échec pour se conserver longtemps un coeur pur." Simon Dubreuilh
Tirez sur le pianiste, un changement de style salué
Second film de François Truffaut, Tirez sur le pianiste marque son incursion dans le film de genre et dans l'univers de l'adaptation. Une première tentative saluée malgré ses quelques défauts pointés.
Le Monde, 29 novembre 1960
"C'est, si je puis dire, un film de transition qui confirme le talent cinématographique du réalisateur et surtout -ce qui est essentiel- qui prouve que Truffaut n'a pas besoin de raconter ses rêves et ses révoltes d'enfant pour marquer une histoire de sa personnalité. (...) En dépit de tout ce qu'on peut lui reprocher, j'ai beaucoup aimé Tirez sur le pianiste." Jean de Baroncelli
Télérama, 11 décembre 1960
"Il faut beaucoup de talent pour se permettre de mélanger avec autant de bonheur une intrigue grotesque et des instants de vérité. Mais il aurait fallu beaucoup d'audace -et nous attendions de Truffaut cette audace- pour laisser de côté tout ce qu'il veut démystifier et être pleinement lui-même, c'est-à-dire libre (...) Il y a dans "la nouvelle vague" une certaine tendance à tourner en rond, à éviter cette plongée vers "la vraie vie" qui est le propre des grandes oeuvres." Jean Collet
L'Humanité, 28 décembre 1960
"Tirez sur le pianiste est un film de contrastes où la vérité pure et l'invention se rejoignent et s'entremêlent, où la bouffonnerie et la satire débouchent en plein drame, un film déconcertant parce qu'on n'a jamais vu ça. Mais il faudra s'y faire. C'est là le cinéma de demain." Samuel Lachize
La Sirène du Mississipi, la déception
Première collaboration de Truffaut avec Catherine Deneuve et unique essai avec Jean-Paul Belmondo, La Sirène du Mississipi déçoit. La présence de deux éminents acteurs n'empêchera pas son échec commercial.
L'Humanité, 21 Juin 1969
"Aussi habile l'adaptation du livre soit-elle, en effet, il y manque l'atmosphère qui constitue l'un des charmes de l'oeuvre littéraire originale (...) Malgré sa beauté, Catherine Deneuve demeure légèrement en retrait (...) Son jeu manque quelque peu de souplesse, de nuances. (...) les faiblesses venant d'être relevées jointes à quelques obscurités du récit laissent percer une légère déception." François Maurin
Le Monde, 21 Juin 1969
"Les multiples rebondissements du scénario frisent, en effet, trop souvent l'invraisemblance pour que n'en souffre pas l'analyse sentimentale." Jean de Baroncelli
Le Nouvel observateur, 23 Juin 1969
"Cette Sirène séduit, quand on ne songe pas trop à ses artifices. Dès qu’on perçoit l’effort, le calcul, l’absence de spontanéité, la platitude, Autan-Lara et Delannoy peuvent se frotter les mains : leur ex-jeune censeur commence enfin de les rejoindre. Après tout, nous vieillissons, et cela fait partie du charme." Michel Mardore.
La Nuit Américaine, un amour réciproque
Cannes a acclamé (Les 400 coups) comme rejeté (La Peau douce) les films de Truffaut. Présenté hors compétition (selon le voeu de son auteur de ne pas concourrir pour la palme), son treizième opus s'y affirme comme la somme ou plutôt les coulisses de ses précédents opus, asseyant plus que jamais son amour pour le septième art. La Nuit Américaine recevra l'Oscar du Meilleur Film étranger.
L'Humanité, 15 Mai 1973
"Venons-en à Truffaut qui, avec La Nuit Américaine et après onze films, se penche sur le cinéma avec amour, ressuscite avec attendrissement quelques aspects de la mythologie des studios, s'attache à ses comédiens, essaie de les comprendre, de les aider, de faire face, dans sa peau de metteur en scène, aux aléas de tous ordres." François Maurin
Le Monde, 16 Mai 1973
"Toute sa vie François Truffaut a été fasciné par le cinéma. Ni les années ni la gloire n'ont altéré cette fascination. Elle vient de lui inspirer un de ses meilleurs films." Jean de Baroncelli
La Croix, 16 Mai 1973
"Son film est le plus joli, le plus fin, le plus drôle, le plus bouleversant aussi, que nous ayons vu depuis le début de ce Festival. (...) [Son] meilleur film depuis Jules et Jim." Henry Rabine.
La Chambre verte, un accueil froid
Incompréhension et sentiment même de trahison ont animé une partie de la critique lors de la sortie de La Chambre verte de Truffaut, film macabre mettant en scène un homme obsédé par le souvenir de sa femme morte. En voici quelques extraits.
Libération, 8 avril 1978
"Tout dans ce film est faux, figé, ennuyeux. Et par-dessus le marché, Truffaut n’a rien à dire (…) Avancement en âge, inquiétude de sa propre mort…Tout ceci ne vole pas plus haut que Les 400 coups pour rien ou que les Jules et Jim du théâtre de Boulevard. Ici, “on frôle le fantastique” prétend Truffaut : Non ! On le rate." G.R
Le Journal du Dimanche, 9 avril 1978
"[Ce] film me laisse désemparé. (...) Je vois bien que [Truffaut] essaie de poursuivre sa longue confidence mais une vitre s'est interposée entre l'écran et moi, et le fil est rompu par où passait l'émotion. (...) Dans le caveau où il s’est enfermé, le héros meurt d’asphyxie : le film et le spectateur aussi." La Rédaction
Charlie Hebdo, 13 avril 1978
"Du vivant qu’il interprète, [François Truffaut] fait un mort-vivant (puis un mort tout court) (…) [Il] n’exprime jamais la vie. Mort d’un ami. Mort de la femme aimée. Morts à la guerre. Mort. Mort. Mort. Il prend tous les prétextes (…), toute la névrose excessive du souvenir pour que la mort enfin l’habite. À la fin, c’est gagné. On est morts aussi. D’ennui. D’ennui. D’ennui." La Rédaction
Le Dernier métro, la victoire
Truffaut atteint la consécration en 1980 avec Le Dernier métro, qui lui fait retrouver Catherine Deneuve et remporter dix Césars, dont celui de Meilleur Réalisateur.
Télérama, 17 septembre 1980
"C’est du Truffaut de grande cuvée où rôdent, fantomatiques, l’ombre du garde-chasse de La Règle du jeu et le souvenir de l’inoubliable cabotine du Carrosse d’or ; où trône, olympienne, la blonde, belle, hitchcockienne Catherine Deneuve, de glace et de feu, entourée des lutins de la passion." Gilbert Salachas
L'Humanité, 17 septembre 1980
"Une réussite dans la carrière brillante mais inégale de François Truffaut (...) Les erreurs de détail ? Elles sont minimes…(…) la force de Truffaut est aussi d’avoir su parfaitement imbriquer la trame dramatique de la pièce représentée sur scène (…) dans la trame dramatique du réel, la réalité de ces années noires…." Albert Cervoni
Libération, 17 septembre 1980
"Catherine Deneuve (...) reste dans ce film aussi distante que dans ses sports publicitaires pour Channel 5. (...) Si l'on confond comme le voulait l'auteur, le théâtre et la vie, c'est surtout parce que les dialogues sont faux dans les deux cas. (...) C'est un film de décorateur" Gilbert Rochu
Vivement Dimanche, l'oeuvre-somme
Dernier film de Truffaut, Vivement Dimanche met en scène Fanny Ardant pour la deuxième fois (après son avant dernier film La Femme d'à côté) et dernière fois. L'actrice fut la dernière compagne du grand cinéaste décédé des suites d’une tumeur cérébrale, à seulement cinquante deux ans. Il y a de cela trente ans.
Télérama, 01 août 1983
"On s’aperçoit alors que ce film-pastiche, bourré de citations, est en réalité l’un des plus personnels de François Truffaut. L’un de ceux où son univers transparait le mieux. " Gilbert Salachas
Le Monde, 6 août 1983
"Le cinéma est un art de la femme, c'est-à-dire de l'actrice. Le travail du metteur en scène consiste à faire faire de jolies choses à de jolies femmes. [Cet] article sur Bonjour, Tristesse (...) était en somme une profession de foi car Truffaut, a souvent, par la suite, appliqué cette théorie dans ses propres films." Jacques Siclier
L'Humanité, 11 août 1983
"Tout cela est de la meilleure veine humouristique, émaillé de gags (....) et de drôleries. D'où vient cependant qu'on éprouve parfois l'impression de lenteur, alors que tout a été parfaitement mis en place, avec trop d'application peut-être?" François Maurin