Véritable marionnettiste du bizarre, fabricant de monstres, de créatures en tous genres et d’univers fantasmagoriques, le réalisateur mexicain Guillermo del Toro est désormais une véritable référence lorsque l’on parle cinéma fantastique. En quelques années, ce parfait inconnu s’est hissé du rang de petit cinéaste confidentiel à celui d’auteur convoité par les studios hollywoodiens, franchissant la frontière californienne pour diriger des blockbusters (Hellboy, Blade II, Pacific Rim), tout en éblouissant la critique et les festivals avec des œuvres personnelles et marquantes telles que L’Echine du diable ou Le Labyrinthe de Pan.
Nouveau maître de l’horreur et du fantastique, le cinéaste se voit rapidement proposer des projets d'envergure tels que Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban ou Le Hobbit, qu’il se paye parfois le luxe de refuser.
Pourtant, Guillermo del Toro compte en tout et pour tout 8 films dans sa carrière de réalisateur. 8 films, mais assez de projets pour l’occuper pendant toute une vie. Car outre les multiples rumeurs concernant ses prochaines réalisations (Pinocchio, Frankenstein, Les Montagnes Hallucinées, The Haunted Mansion…), le cinéaste collectionne les casquettes, et s’il lui arrive de se faire rare derrière les caméras, c’est parce qu’il est également scénariste chevronné, romancier à ses heures, et surtout infatigable producteur.
Guillermo del Toro : "parrain" du cinéma hispanophone
Bien plus qu’un simple investisseur, Guillermo del Toro, lorsqu’il coiffe sa casquette de producteur, se transforme vite en véritable découvreur de talents et en protecteur, accompagnant et conseillant ses poulains pendant toute la fabrication du film.
"Toutes les choses contre lesquelles il m’a mis en garde, tout ce qu’il m’a dit, s’est réalisé à chaque fois. Il était un peu comme le fantôme des Noëls futurs. (…) Je me perdais dans l’histoire, dans le film, et Guillermo avait un regard objectif. Je lui montrais simplement, et sans penser au fait qu’on avait passé 42 heures à faire cette séquence, il la jugeait comme un spectateur lambda. Et avoir ce point de vue, cette vision claire, c’était essentiel pour le film," raconte Jorge R. Gutierrez, le réalisateur de La Légende de Manolo, ajoutant que Del Toro était toujours là pour l’écouter lors des moments difficiles que pouvait lui réserver le tournage du film.
En effet, alors qu’il bénéficie de l’aura qu’il s’est forgée grâce à sa carrière, le cinéaste se plait à en faire profiter les plus jeunes réalisateurs, et tout spécialement ceux qui partagent ses origines hispaniques (au Mexique ou en Espagne), comme avait pu le faire Pedro Almodóvar en 2001 pour le tournage de L’Echine du diable. Grâce à l’influence et aux conseils de Guillermo del Toro, le réalisateur et animateur mexicain Jorge R. Gutierrez a ainsi pu mener à bien La Légende de Manolo, un projet de long métrage qu’il cherchait à concrétiser depuis 14 ans.
Pour peu que l’on vienne d’Espagne ou du Mexique, que l’on cherche à se lancer dans le cinéma et qu’on soit en plus porté sur l’horreur ou sur l’épouvante, on risque de trouver auprès du cinéaste mexicain un véritable parrain, et un allié de choix. Depuis plusieurs années, Guillermo del Toro participe ainsi au renouveau du cinéma espagnol, en produisant des premiers films tels que L’Orphelinat de Juan Antonio Bayona, Les Yeux de Julia de Guillem Morales, ou encore Mamá de Andrés Muschietti.
"Etrangement, c’est comme quand j’enseignais le langage filmique à l’université. J’aime ça parce que ça rafraîchit mon enthousiasme. C’est presque plus facile pour moi de protéger un autre réalisateur, parce que je ne suis pas aussi névrosé. Je ne me bats pas avec les studios, avec les financiers, avec les designers… Produire est enthousiasmant, je deviens important, alors que quand je réalise je suis plus tendu," explique le cinéaste.
Guillermo del Toro, producteur d’animation
Depuis quelques années, Guillermo del Toro s’intéresse de près à l’animation, qu’il décrit comme une technique artistique, non comme un genre. Et c’est à travers la production qu’il s’est rapproché de ce medium, collaborant étroitement avec les studios Dreamworks alors qu’il cherchait lui-même à réaliser son premier film d’animation : un certain Trollhunters.
Alors que le film est aujourd’hui parti rejoindre l’immense pile de projets qui attendent sur le bureau de Del Toro, il lui a néanmoins permis de s’engager en tant que producteur sur des longs métrages tels que Le Chat Potté (2011), Les Cinq Légendes (2012), et bientôt Kung Fu Panda 3 (2015), sur lesquels il a officié en tant que producteur exécutif.
Cette semaine sort en salles La Légende de Manolo, un autre projet animé auquel Guillermo del Toro participe depuis maintenant plusieurs années aux côtés de son compatriote Jorge R. Gutierrez. Audacieux et original, il s’agit d’un hommage vibrant au Mexique, mais aussi à ce medium que le réalisateur affectionne tant.
"J’aime l’animation. C’est génial pour moi d’avoir pu réaliser un générique des Simpson, d’avoir produit quelque chose d’aussi fastidieux que Les Cinq Légendes pendant 3 ou 4 ans, et quelque chose d’aussi beau et puissant que La Légende de Manolo. Ce sont des expériences si différentes les unes des autres. Mon but est de continuer à produire de l’animation et, si je peux un jour, de l’animation qui s’oriente vers un public adulte. C’est une technique artistique, et pas un genre," explique le cinéaste.
Guillermo del Toro, producteur de séries
Tout récemment, le réalisateur mexicain a ajouté une corde supplémentaire à son arc de producteur avec la série horrifique The Strain, dont la première saison a débarqué cette année sur la chaîne FX.
Projet très personnel et envisagé de longue date par Guillermo del Toro, le concept de la série vampirique avait germé dans son esprit en 2006, mais la Fox Broadcasting Company désirant en faire une comédie, le cinéaste avait décidé d’étendre le concept en s’octroyant les services du romancier Chuck Hogan. Ensemble, ils mêlent mythe du vampire et enquête d’investigation, et sortent trois romans à partir de 2009, désormais courtisés par les chaînes de télévision.
C’est alors que Guillermo del Toro se fait, en plus de romancier, créateur de série et producteur délégué de The Strain. Mais il ne s’arrête pas là, et va jusqu’à réaliser le pilote et réécrire lui-même de nombreux épisodes de la saison 1.
Une suractivité et une implication qui prouvent encore une fois que le rôle de producteur revêt une importance toute particulière pour le cinéaste. Semblant se trouver en même temps au four et au moulin, Guillermo del Toro a cependant une règle d’or pour mener tous ses projets de concert :
"Un producteur est là quand on a besoin de lui, et ailleurs quand on n’a pas besoin de lui. C’est ce qu’Almodovar m’avait dit quand on faisait L’Echine du diable. Donc à chaque fois qu’il y a un problème, à chaque étape cruciale, je suis là."
La bande annonce de "La Légende de Manolo", en salles cette semaine...