AlloCiné : L'histoire du film vous est très personnelle. Pouvez-vous raconter comment ce projet a vu le jour ?
Bruno Deville, réalisateur : Bouboule, c'était moi quand j'étais petit. J'étais assez large. J'ai des problèmes de thiroide donc mon poids a fait du yoyo. C'est vrai que j'avais connu les humiliations quand j'étais petit. Un jour, on m'avait coincé à l'école. D'autres garçons m'avaient touché les seins, en pensant que c'était comme les seins d'une fille... C'est un événement de ma vie qui m'avait marqué en tant que gros.
Ce n'était pas facile. J'avais des rendez-vous chez le médecin, ma mère s'inquiétait, je devais faire de l'aqua-gym, etc. Etre en maillot de bain était une souffrance. J'ai trainé ça pendant longtemps. Et maintenant, moi-même je suis père, je voyais tous les jours dans la presse des articles sur l'obésité infantile. Je me suis dit : il faut que je parle de ça. Et voilà, le processus d'écriture est arrivé.
Bouboule, c'est un gamin qui aimerait bien devenir fort, viril, un vrai mec, mais qui dans le fond est encore ce petit poupon
Je me suis dit que j'allais confronter mes souvenirs d'enfance avec des enfants d'aujourd'hui, donc je suis allé voir des enfants en thérapie. J'ai parlé avec eux. J'ai écrit le film comme ça. Je trouvais ça un peu réducteur d'écrire un film sur un enfant gros qui essayait de maigrir. Je me suis demandé ce qu'était la douleur d'un enfant. C'est devenu l'histoire de Bouboule. Bouboule, c'est un gamin qui aimerait bien devenir fort, viril, un vrai mec, mais qui dans le fond est encore ce petit poupon, qui fait une crise d'identité, de masculinité.
AlloCiné : Si le film aborde un sujet grave, il n'est pas dénué d'humour...
Bruno Deville : Ce qui protégeait Bouboule d'un film très noir et très social, c'était à mon avis le fait de prendre le point de vue du gamin. A travers ses yeux, voir son monde. Je me rappelle que quand j'était petit et que je mangeais, je me créais une bulle, j'allais piquer dans les armoires des bonbons ou des biscuits. Je me créais des moments où plus personne ne me jugeait. La nourriture me remplissait de quelque chose.
Ce regard d'enfant un peu candide et frais est assez poétique et touchant
J'ai vraiment voulu recréer ça dans le film : il mange, et il fait des sortes de transes digestives. Il part dans ses rêves, dans sa poésie. Il voit le monde de manière différente. Ce regard d'enfant un peu candide et frais est assez poétique et touchant sur des sujets qui peuvent être graves. Ca reste cruel car le monde des enfants et le monde d'aujourd'hui est cruel, mais c'est mis en perspective, et teinté de poésie.
AlloCiné : David, comment s'est passé ton expérience de tournage avec Julie Ferrier ?
David Thielemans, acteur : C'était cool de tourner avec Julie. J'étais un peu timide.
Bruno Deville : Tu étais un peu impressionné...
D.T. : On a du appeler ma mère car j'étais un peu triste. Je croyais avoir trahi ma mère. C'était elle qui me faisait un bisou, des calins, alors j'étais un peu gêné.
B.D. : C'est marrant car David a passé tout le tournage à ne pas jouer. Il était vraiment dans l'immédiateté. Du coup, comme Julie Ferrier jouait sa maman fictive dans le film, il avait l'impression de trahir sa propre mère.
D.T. : Alors on l'a appelée et elle est venue. Ca a été un peu mieux. Elle m'a rassuré. Elle m'a dit de ne pas m'inquiéter, que je ne la trahissais pas. C'est rien, tu peux le faire.
B.D. : Après, Julie t'a beaucoup aidé, non ?
D.T. : Oui, beaucoup.
B.D. : Elle a été adorable avec David. Swann Arlaud aussi. Ils étaient ses partenaires très privilégiés.
D.T. : Swann, c'était une belle rencontre. Direct, quand je l'ai vu, je l'ai aimé. Je voulais être son ami.
B.D. : Et je crois que ce que tu as vraiment beaucoup aimé, David, ce sont les entrainements avec le chien...
D.T. : J'ai bien aimé les entrainements avec le chien. Le premier jour, j'avais peur car c'est quand même dangereux avec ses grosses machoires. J'ai essayé la matière de protection et j'ai essayé de le faire. C'était très marrant; on sent rien du tout. Le chien ne prend pas le bras. J'ai bien aimé, j'aimerais bien le refaire.
B.D. : C'est marrant car à la fin du tournage, quand je prenais des nouvelles de David, je lui disais : alors, on te manque ? Sa réponse : non, non, vous ne me manquez pas, mais le chien me manque ! Ils ont eu une relation assez forte. Il y avait un report de son affection sur le chien du film. C'était un beau duo.
AlloCiné : As-tu envie de continuer à faire du cinéma ?
D.T. : Pour le moment, je ne sais pas, mais j'aimerais bien continuer. On m'a donné des contacts d'agence où s'inscrire, je vais peut être le faire.
La bande-annonce de Bouboule :
Propos recueillis au Festival du Film francophone d'Angoulême, août 2014