La Croisette, André Téchiné la connaît bien. Les faits divers aussi, puisqu'on lui doit notamment La Fille du RER. Cette année, le cinéaste mêle les deux grâce à L'Homme qu'on aimait trop, adaptation de l'affaire Agnès Le Roux présentée hors-compétition. Un film que le réalisateur nous dévoile, en attendant sa sortie le 16 juillet.
AlloCiné : Le scénario du film s'est fait en plusieurs étapes. En quoi ont-elles consisté ? L'idée était-elle de fictionnaliser cette histoire, de prendre quelques distances avec la réalité ?
André Téchiné : J’ai très peu changé la réalité. Je voulais que le film soit très factuel donc j’ai été très respectueux des événements tels qu’ils se sont déroulés. J’ai essayé de montrer les relations tragiques de ces personnages. Je n’ai pas voulu changer leurs noms. J’aurais pu, parce que cette tragédie a effectivement eu lieu, et je voulais dire que les tragédies ont lieu dans le monde réel, pas seulement dans la fiction.
Nous avons travaillé sur le scénario avec Jean-Charles Le Roux, qui connaissait très bien le dossier car c’est sa propre mère qui a écrit les mémoires, et Agnès était sa sœur. Donc j’ai puisé beaucoup d’éléments dans ses témoignages. C’était la première version où l'on a établit la structure.
Après, il y a eu une deuxième version, avec un autre partenaire, qui est un cinéaste que j’aime beaucoup, Cédric Anger, qui est aussi scénariste. Avec lui, nous avons essayé de rendre les scènes plus charnelles, plus vivantes, et de faire un travail beaucoup plus concret sur chaque scène indépendamment de la structure.
L'intrigue se focalise sur le triangle formé par Agnès Le Roux, Maurice Agnelet et Renée Le Roux, un triangle fait de rapports de domination, plutôt que sur les rebondissements judiciaires...
Je voulais absolument me concentrer là-dessus parce que j’avais un grand soucis d’unité. L’histoire s’est déroulée dans les années 70, mais il y a ensuite eu tout un travail d’enquête. Pendant 30 ans, Renée Le Roux a continué à tisser sa toile, comme une araignée, pour coincer Agnelet. Je ne voulais pas montrer tout ça. Je voulais que ça débouche sur une ellipse, que ça débouche sur le procès. Je ne suis pas très spectateur de procès moi-même.
"L'Homme qu'on aimait trop" a en quelque sorte été rattrapé par l'actualité puisqu'un nouveau procès s'est ouvert il y a quelques semaines. Cela a-t-il eu un impact sur le montage du film ?
On a mis un carton pour le 3ème procès. On savait de toute façon qu’on allait montrer que le 1er, où Maurice Agnelet a été acquitté. Je ne voulais pas trop plomber le film avec les procès où il terminait sur des condamnations. Je préfèrais montrer le procès de l’acquittement, à l’époque où son fils était son soutien.
J’ai montré les rapports du père et du fils dans le film et ça retentit forcément dans le carton final que son soutien se soit en quelque sorte renversé contre lui. C’est très étrange par rapport au personnage d’Agnelet, qui est une espèce de bourreau des cœurs. C’est quelqu’un qui a une grande force de séduction, et pas seulement un Don Juan, mais même auprès de sa propre famille.
Et puis sa famille se retourne contre lui. De la même manière que sa maitresse, Françoise Lausseure, que l’on voit témoigner au procès, qui a vécu une folle passion pour lui, et qui tout à coup lui enlève son alibi. Et ça c’est remarquable scénaristiquement mais je n’en suis pas l’auteur !
André Téchiné vu par Adèle Haenel et Guillaume Canet :