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    Cannes 2014 : Grace de Monaco - Olivier Dahan "n'aime pas les biopics"
    Maximilien Pierrette
    Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

    Sept ans après Edith Piaf, Olivier Dahan s'attaque à "Grace de Monaco". Choisi pour faire l'ouverture du 67ème Festival de Cannes, le film n'est toutefois pas un biopic selon son réalisateur.

    David Koskas / © 2014 - STONE ANGELS

    Passer des vestiaires des Seigneurs au galmour de Grace de Monaco, c'est le grand écart réalisé par l'insaisissable Olivier Dahan. Sept ans après La Môme, le réalisateur s'attaque à une autre icône du XXème siècle et c'est à lui que revient l'honneur d'ouvrir le 67ème Festival de Cannes, avec ce film précédé d'un parfum de scandale et qu'il n'a jamais vu comme un biopic.

    AlloCiné : À quel point le buzz qui entoure "Grace de Monaco" vous affecte-t-il ?

    Olivier Dahan : Ça dépend du moment de la journée mais je me sens plutôt à l’aise, surtout vis-à-vis de Monaco : je n’ai jamais voulu les blesser. Ils n’ont pas encore vu le film, mais ils avaient lu le scénario et m’avaient donné l’autorisation de tourner dans la Principauté. Aujourd’hui je ne sais pas ce qu’il en est de leur côté car je ne leur ai jamais demandé de promouvoir le film. Juste d’être polis. Je leur avait fait lire le scénario qu’ils ont annoté, et j’ai pris ces notes en considération à l’époque pour faire quelques changements. Pas tous ceux qu’ils demandaient, mais pas mal. Et ce n’est qu’ensuite que j’ai tourné le film. Chez eux.

    Êtes-vous déçu du coup ?

    Non car je n’attendais rien de plus que la possibilité de tourner à Monaco, ce qui a été assez simple à accorder pour eux. Mais je les comprends puisque nous parlons de leurs parents. C’est donc normal qu’ils soient inquiets à ce sujet, et je respecte ça, mais je suis quand même surpris par cette polémique. Beaucoup moins par l’autre [le conflit avec Harvey Weinstein sur le montage final, ndlr], qui est plus technique : avec Monaco, c’est une question de sentiments et de contrôle. Le contrôle de leur image, ce qui est tout à fait compréhensible.

    Avec Monaco, c’est une question de sentiments et de contrôle. Le contrôle de leur image, ce qui est tout à fait compréhensible.

    Après je n’ai jamais abordé le film comme un biopic. À aucun moment. Je n’aime pas les biopics et cette idée de raconter une histoire d’un simple point de vue factuel. Ça ne m’intéresse pas. J’étais davantage concerné par le fait de réaliser un portrait, ce qui est un peu différent.

    Et pour ce qui est du conflit avec Harvey Weinstein ?

    Ça remonte à longtemps : le film n’était pas encore terminé car je n’étais qu’à la moitié du montage. Harvey Weinstein avait lu le scénario dans un premier temps, puis il a vu la moitié du film et en était très content. Ensuite je n’ai plus eu de nouvelles de lui jusqu’à la semaine dernière.

    Quel film aviez-vous donc en tête, si vous ne vouliez pas faire de biopic ?

    Un film à plusieurs couches : l’une centrée sur le fonctionnement de l’esprit d’une actrice sur le point de quitter ce métier. Il y a quelques années, j’ai fait un film sur une autre artiste, Edith Piaf, qui n’a pas pu s’arrêter jusqu’à sa mort, et c’est l’extrême opposé de Grace de Monaco. J’ai donc voulu explorer cela, comme le montre notamment la scène où elle discuter avec Maria Callas.

    Dans le film, la princesse est une métaphore, pas une vraie personne

    J’ai très vite eu envie d’y incorporer mon point de vue sur les contes de fées : les histoires de princes et princesses, et tous ces mensonges que l’on raconte encore aujourd’hui aux petites filles. Dans le film, la princesse est une métaphore, pas une vraie personne. Sans vouloir être prétentieux, j’essaye d’évoquer la condition actuelle des femmes à travers elle et les choix qu’elles ont dans tout ce qui concerne le mariage, les enfants, le travail, la passion. Le tout à travers les yeux d’une princesse.

    Pourquoi avez-vous choisi de vous focaliser sur cette période plutôt que sur sa rencontre avec Rainier et le moment où elle a quitté les États-Unis ?

    C’était plus intéressant par rapport à ce que je voulais raconter : en situant le récit six ans après sa décision d’arrêter sa carrière, nous avions ainsi un meilleur point de vue sur le passé. Commencer sur le mariage et la retrouver six ans plus tard avec deux enfants me paraissait plus intéressant. La première fois que nous la voyons, dans le palais, elle est dans un entre-deux : plus une actrice, mais pas encore une princesse. Donc quand Hitchcock arrive pour lui remettre un scénario, il allume une étincelle dans son esprit car il ravive son désir d’Hollywood. Le film raconte alors de quelle façon elle va essayer de se transformer en princesse, après avoir créé Grace Kelly l’actrice.

    Qu’en est-il des faits historiques ? On entend, ici et là, dire que De Gaulle n’est jamais allé à Monaco…

    … et c’est vrai. Et bien sûr qu’Hitchcock n’y est pas non plus allé pour donner le scénario à Grace. La conversation a eu lieu au téléphone, mais je les voulais tous les deux dans un même plan pour cette scène, le but étant qu’il lui apporte le script. Pour De Gaulle, je l’ai mis dans la scène de bal car il fallait sa présence physique pour créer une confrontation. Même sans parler. Juste avec le regard. Là encore c’est un symbole, une métaphore. C’est du cinéma. Mais tout repose sur des faits réels car il y avait bien un blocus entre la France et Monaco. On a quand même dit que j’avais réécrit l’histoire à des fins commerciales mais ce n’est pas mon travail. Je ne gère pas une banque.

    Nicole Kidman a vécu quelque chose de similaire avec Tom Cruise

    Nicole Kidman était-elle la seule actrice capable de jouer ce rôle pour vous ?

    Oui ça ne pouvait être qu’elle, surtout qu’elle a eu une vie semblable à une époque : mariée à un homme mais également à une troisième personne. Grace n’a pas seulement épousé Rainier. Elle a aussi épousé le Rocher. Nicole a vécu quelque chose de similaire avec Tom Cruise. Nous en avons beaucoup parlé et c’était très intéressant pour moi d’avoir cet effet miroir. C’est d’ailleurs pour cela qu’avec le premier plan, je n’ai pas cherché à montrer Grace à la maison, car la personne que vous voyez dans le miroir à la fin de ce long plan, c’est juste Nicole. J’ai constamment cherché à la mélanger avec Grace : j’ai parfois fait en sorte qu’elle lui ressemble, parfois pas du tout. Mais c’est pour moi la même femme.

    Donc le fait que Nicole Kidman soit plus âgée que Grace Kelly dans le film…

    … c’était parfait. C’était un avantage, pour l’expérience que ça a représenté. Je savais qu’il était possible qu’elle lui ressemble et j’ai parfois fait en sorte que ça soit le cas. Mais je ne voulais pas faire un biopic donc ça n’était pas mon but d’obtenir cet effet.

    Pourquoi le montage a-t-il duré un an ?

    Je voulais que le film soit très accessible et fluide, mais il comportait beaucoup de couches : le côté politique, le portrait, l’aspect intime, la trahison de la famille… Je voulais tirer quelque chose d’organique à partir de tout cela. Et ça, ça prend du temps. Mais c’est normal et je savais dès le début où je voulais aller. Une fois arrivé là, je me suis arrêté. Ça ne signifie pas que le film est bon ou parfait, mais que j’ai fait ce que je souhaitais.

    Diriez-vous que "Grace de Monaco" a été votre film le plus compliqué ?

    (il hésite) C’est différent. Disons que j’ai essayé d’aller plus loin que pour "La Môme", qui ne mélangeait pas autant l’actrice avec le personnage réel. Ici nous avons Nicole, Grace et moi, tous les trois mélangés pour donner vie à ce personnage sur grand écran. Il m’a fallu du temps pour arriver à ce résultat et c’est pourquoi ce film est très différent de ce que j’avais pu faire auparavant. Et si le procédé est le même, moi je suis plus vieux.

    La bande-annonce de "Grace de Monaco" présenté en ouverture du Festival

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