Au casting de Pulp Fiction, palmé il y a tout juste 20 ans, président du jury Un Certain Regard en 2011, Tim Roth fait cette année l'ouverture du Festival de Cannes avec Grace de Monaco, le jour-même de ses 53 ans. Un film dans lequel il fait face à Nicole Kidman sous les traits du Prince Rainier, et qui a constitué un défi inédit pour lui.
Allociné : Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce rôle ?
Tim Roth : C’était très éloigné de tout ce que j’ai pu faire auparavant, surtout que je ne viens pas d’une telle famille ou d’un tel univers. Ça représentait un beau défi mais je pensais ne pas être la personne qu’il fallait pour ce rôle. Olivier [Dahan, ndlr] n’était pas de cet avis, et c’est quelqu’un avec qui chaque acteur devrait travailler car il est plutôt bon.
Pourquoi ces réserves ?
Ce n’est pas le genre de monde qui m’attire, sur le plan politique notamment. Mais c’est parfois bon d’intégrer une personne à un univers auquel elle ne croit pas. C’est intéressant, surtout que je ne connais pas d’homme d’affaires. J’en vois à Cannes, mais je ne traîne pas avec eux. Pareil avec les hommes politiques.
Que connaissiez-vous de Rainier avant de faire ce film ?
Rien du tout. À part le fait qu’il ait épousé Grace Kelly. Elle résonne d’ailleurs encore aujourd’hui, l’histoire de cette actrice oscarisée [pour La Fille de la province en 1955, ndlr] alors au sommet de sa carrière, et qui laisse tout tomber pour cette petite Principauté dont elle devient la princesse. Tout le monde, des réalisateurs aux spectateurs en passant par les photographes, était intrigué par cette histoire. Et j’ai ensuite découvert le fracas politique avec les Français qui régnait à l’époque et dont je n’avais pas la moindre idée avant.
Comment décririez-vous la relation entre Grace et Rainier ? Le film laisse entendre que leur mariage était arrangé, mais ils semblent quand même s’aimer. Quel est votre avis ?
L’idée, pour nous, était de toujours osciller entre ces deux aspects. Je n’y étais pas donc je ne sais pas comment les choses se sont vraiment passées. Mais je sais qu’ils se sont rencontrés à Cannes, qu’elle est repartie, qu’ils se sont échangés des lettres, qu’ils se sont revus puis se sont mariés. Ce que nous cherchions à faire avec eux deux, et c’est sans doute le cas des couples en général, c’est faire entrer leurs mondes respectifs en collision. Mais je pense - ou j’espère - qu’il l’aimait vraiment, contrairement à quelqu’un comme Diana. Là ils ont avoué qu’ils ne s’aimaient pas.
Avez-vous passé beaucoup de temps à Monaco pour préparer votre personnage ?
Oui : j’avais déjà tourné un film là-bas [Möbius, ndlr] et j’étais à peine rentré chez moi que je suis revenu faire celui-ci. Mais on m’a surtout montré une interview très intéressante, et dans laquelle il évoquait le problème qu’il avait avec la France et sa volonté de faire front. Plus que le contenu, c’est sa façon de parler et de délivrer son message, sa confiance et sa façon de bouger qui m’ont semblé fascinantes. J’y ai découvert un personnage intriguant. Il ne m’avait jamais paru attirant auparavant, mais j’ai vite compris comment une femme pouvait craquer pour lui. J’ai aussi vu des images de lui aux funérailles de Grace Kelly, et il semblait dévasté, donc l’idée était d’aller d’une version de cet homme à l’autre au cours du récit.
Avez-vous rencontré la famille Grimaldi ?
Non, à part le Prince Albert, que j’ai rencontré il y a quelques années lors d’un Festival à Monte Carlo. Mais je sais que la famille a un problème vis-à-vis de ce film.
Que pensez-vous de cette histoire ?
Qu’ils devraient voir le film.
Ça n’est pas déjà fait ? Il se dit que si…
Non, ils ne l’ont pas vu. Mais je pense qu’ils protègent leurs parents, ce qui est une bonne chose car je souhaite que mes enfants fassent de même avec moi. Si telle est leur intention, ça me va et j’espère que, quand ils verront le film, ils comprendront que celui-ci a été fait avec beaucoup de respect, et qu’il parle des couples en général. Après ils font partie de la royauté, et sont donc scrutés par l’opinion publique. Ils avaient quand même lu et approuvé le scénario. La preuve : nous avons tourné là-bas. Au casino, l’hôtel, la place, tout (rires). Ils ont été fantastiques avec nous et nous avons pu tourner dans les rues. Il n’est pas impossible d’avoir un deuxième avis sur un sujet, et peut-être qu’ils se basent sur des choses qui leur ont été rapportées.
On vous a surtout connu avec des rôles de durs un peu violents, et vous vous êtes un peu assagi avec des personnages comme celui-ci. À quoi tient cette transformation ?
Reposez-moi la question quand vous aurez vu mes deux prochains films (rires). Non, ce qu’il s’est passé c’est que je suis entré dans la cinquantaine : je craignais que ce soit la période la plus ennuyeuse de ma vie en terme de rôle. Mais ceux qu’on m’a proposés étaient en fait plus intéressants et plus variés. Des rôles qui exploitent un spectre plus large. Ici par exemple, qu’on aime le film ou non, c’est typiquement le genre de personnage que je n’avais jamais joué auparavant. Et il pourrait ouvrir d’autres portes. Pour ce qui est de mes choix, il y a deux raisons : soit parce que le scénario vous paraît fantastique et que vous voulez être du projet ; soit parce qu’il faut payer le loyer. Voilà quels sont les deux types de films que l’on fait : ceux pour l’argent et dans lesquels on fait ce qu’on peut avec le matériau ; et ceux qui vous tiennent à cœur.
Et donc ce film entre dans quelle catégorie ?
(Rires) Celui-ci est uniquement pour moi. Je voulais travailler avec Olivier et Nicole [Kidman, ndlr], mais aussi parce que je ne savais pas si j’en serais capable. Ça m’était complètement étranger.
Vous avez travaillé avec des réalisateurs français tels que Louis Leterrier, Olivier Dahan et, plus récemment, Frédéric Auburtin. Qu’y a-t-il de marquant chez eux ?
Ce sont trois personnes très différentes les unes des autres (rires) mais j’aime travailler en France, et si j’en ai l’occasion, soyez sûrs que je viendrais. J’aimerais tourner un film à Paris, et j’y travaille actuellement. Ce serait pour le début de l’année prochaine, ce sera incroyable et très effrayant à la fois, ça parlera d’antisémitisme.
La bande-annonce de "Grace de Monaco" présenté en ouverture du Festival