AlloCiné : Dans le polar d’Olivier Panchot vous incarnez Alex, le fils d’un caïd pied-noir marseillais, qui s’est engagé dans la Légion pour échapper à un règlement de compte avec la mafia Corse. Mais 4 ans plus tard, Alex déserte et revient à Marseille.
Règlement de compte, retrouvailles, secrets de famille, relations franco-algériennes, mafia, retour de guerre,.... Le long métrage aborde de nombreux thèmes. Qu’est-ce qui vous a le plus intéressé dans le scénario de "De Guerre Lasse"?
Jalil Lespert : Ce qui m’a plu dans ce film c’est qu’à la fois on assume le fait qu’il s’agisse d’un film de genre, mais qu’en même temps il y a du fond. C’est une vraie tragédie. J’ai trouvé le scénario assez culotté. La révélation finale m’a secouée et j’ai trouvé ça original.
J’ai ensuite rencontré le réalisateur Olivier Panchot et cette rencontre a été déterminante. Je fais très attention aux réalisateurs avec lesquels je travaille. Je considère qu’un bon réalisateur peut réussir un film en partant d’un mauvais scénario, tandis qu’un mauvais réalisateur peut surtout rater un très bon scénario. Je suis donc très attentif à la personne qui porte le film.
Olivier est quelqu’un d’extrêmement habité, il savait exactement ce qu’il voulait faire. J’ai senti que c’était son film et que je n’avais plus qu’à lui faire confiance et à le suivre. Il est très doué dans la mise en scène. Il y a des scènes, notamment celle du carambolage, qui sont compliquées à réaliser, et je trouve qu’il s’en est extrêmement bien sorti, d’autant plus que ce n’est pas un film à gros budget.
Et puis, pour ce film il était porté par un sujet intime, et il a su l’amener - sans tomber dans le pathos - dans un film de genre. Le sujet du film est le rapport qu’Olivier a avec l’Algérie puisqu’il est enfant de pied-noir. Le film est une allégorie de la France et des rapports qu’elle entretient avec ses guerres et entre autres, avec la guerre d’Algérie. D’ailleurs Olivier avait déjà mis en scène un documentaire sur l’Algérie où il allait à la recherche de son histoire et de celle de ses parents. Donc quand on a un réalisateur qui arrive avec un film de genre avec autant de promesses et en plus avec quelque chose de très personnel, moi ça me touche.
Comment avez-vous travaillé votre personnage, qui est donc un ancien légionnaire traumatisé par l’Afghanistan ?
Pour mon personnage on est parti d’un documentaire américain qui s’intitule Hell and back again, qui suit un GI blessé en Afghanistan qui est rapatrié aux Etats-Unis, le type est meurtri psychologiquement et on s’est inspiré de ce personnage.
On a également beaucoup travaillé le côté héroïque, au sens tragédie, western… dans le sens où chaque mot, chaque phrase devait être essentielle. Le fait de le faire dialoguer l’affadissait. On s’est aperçu qu’il fallait faire tomber les phrases de dialogues, et progressivement il devenait un personnage mutique, presque mythique, et ça lui conférait une certaine dimension.
Quand on fait un film, on essaie d’avancer au jour le jour. On a fait ce film avec beaucoup de convictions et Olivier s’est beaucoup battu. Je salue vraiment les producteurs et le distributeur qui se sont lancés dans l’aventure avec nous parce que c’est le type même de projet qui est inclassable et c’est très dur à produire parce qu’on voit soit un film de genre, soit d’auteur et quand on se situe entre les deux ça effraie les producteurs. Ce qui est normal, ça fait partie de l’industrie du cinéma. C’était un film risqué mais on a pu le faire totalement librement. On a tous apprécié ces moments de liberté artistique. Je suis assez fier du résultat.
Tchéky Karyo incarne votre père dans le film, vous n’avez pas beaucoup de scènes ensemble, mais lors d’une scène où vous êtes côte à côte dans une voiture, il y a une vraie ressemblance entre vous 2. Comment s’est passé votre collaboration ?
En effet on s’est rendu compte de notre ressemblance en tournant cette scène justement. Mais ça ne m’étonne pas, je suis franco-algérien, Tchéky est d’origine turque, on est tous les deux méditerranéens donc on a un physique assez proche. C’était une sorte d’évidence à laquelle Olivier a beaucoup cru et il ne s’est pas trompé. On avait peu de scènes ensemble il fallait que ça fonctionne immédiatement.
Et j’étais ravi de tourner à ses côtés parce qu’il fait partie de ces acteurs qui m’ont fait aimer le cinéma et qui m’ont marqué quand j’étais adolescent, avec des rôles comme celui de Nikita ou dans l’Ours.
On vous voit souvent dans des rôles assez durs, des thrillers, des drames. Hors il y a toujours une grande délicatesse et sensibilité dans les films que vous réalisez. Comment expliquez-vous cela ?
Je pense qu’on est rattrapé par ce qu’on dégage et ce qu’on peut apriori représenter dans la tête de celle ou celui qui va vous engager.
C’est vrai qu’il y a une part populaire, une part animale en moi, qui vient de mon vécu mais je ne suis pas comme ça dans la vie. Le cinéma est un peu l’occasion pour moi de découvrir et de montrer ce côté un peu brute. Après j’ai tendance à aller vers des films dont l’histoire est toujours tournée vers le social. J’aime bien les histoires un peu sensibles. Au cinéma j’incarne une sorte d’animal sensible.
La bande-annonce de "De Guerre Lasse"