"La princesse se piquera le doigt à la pointe d’une quenouille et en mourra !"
Une voix suave et malfaisante, une robe ténébreuse, des cornes diaboliques et de terribles pouvoirs capables de la transformer en dragon. Depuis sa toute première apparition dans La Belle au bois dormant, personne n’a jamais pu l’oublier, et Maléfique s’est octroyé une place de choix dans le club fermé des méchants Disney. Alors qu’elle fait son grand retour dans les salles obscures sous les traits d’Angelina Jolie, nous sommes revenus sur la création de la méchante fée et sur son évolution…
La nouvelle méchante Disney
Nous sommes en 1950. Walt Disney travaille encore fébrilement sur Cendrillon et Peter Pan, mais se penche déjà avec intérêt sur un autre conte de fées : La Belle au bois dormant, version Charles Perrault. Fidèle à son ambition naturelle, le grand patron des studios ne cache pas ses intentions pour ce nouveau projet : il souhaite tout simplement réaliser un chef-d’œuvre. Et pour ça, il compte bien s’offrir les meilleurs ingrédients : un style visuel totalement révolutionnaire en tapisserie médiévale, une bande originale basée sur le célèbre ballet de Tchaïkovski… et surtout une méchante qui marquera les esprits !
Carabosse – c’est son nom dans la version de Tchaïkovski – devient rapidement Maléfique, mais conserve plus ou moins son rôle au sein de l’histoire : une fée (et pas une sorcière !) malfaisante qui, vexée de ne pas avoir été invitée au baptême de la princesse Aurore, lui jette une malédiction.
C’est sur l’apparence physique de la méchante qu’est fait le plus gros du travail. Comme à leur habitude, les artistes Disney animent le personnage en se calquant sur les mouvements d’une actrice : en l’occurrence, Eleanor Audley, qui avait déjà prêté ses traits à la Marâtre de Cendrillon.
Pour le reste, une longue robe noire et violette, dont la forme est censée rappeler celle d’une chauve-souris vampire, selon l’animateur Marc Davis. Des cornes sur la tête, référence évidente au diable. Une apparence que Sean Griffin (auteur d’une étude sur les fées et sorcières Disney), décrit comme celle d’ "une femme asexuée". Et plus important que tout, des traits fins et élégants qui contrastent complètement avec la vieillesse et la laideur de ses prédécesseures : Maléfique devient pour ainsi dire la première "belle" méchante Disney.
Une méchante inédite et sophistiquée, donc, et qui marquera encore davantage les mémoires en prenant la forme d’un terrible dragon à la fin du film, dans une mythique représentation du combat entre le Bien et le Mal.
Entre 1959 et 2014 – L’influence de Maléfique
Une méchante aussi marquante, l’inconscient collectif n’était pas près de l’oublier. Et les artistes des studios Disney non plus !
Maléfique devient donc rapidement une référence, et notamment quand il s’agit de créer de nouveaux méchants Disney. Une longue robe, un bâton, un oiseau et une transformation en gros monstre à la fin : la formule a notamment été reprise par Jafar dans Aladdin. Pour l’anecdote, le vizir et la méchante fée se sont même retrouvés en couple le temps d’un épisode de la série animée Disney’s tous en boite. Narissa, la méchante reine du long métrage Il était une fois fait elle aussi explicitement référence à Maléfique.
Quand il s’agit de représenter les personnages les plus emblématiques de l’univers Disney, notamment dans les spectacles ou dans les parcs d’attractions de la firme, Maléfique est très souvent mise à l’honneur. On citera notamment l’éblouissant Disney Dreams à Paris et l’impressionnant Fantasmic où, dans les parcs de Floride et de Californie, Mickey affronte Maléfique sous sa forme de dragon. Rappelons que ce même dragon somnole depuis 20 ans dans une caverne, juste sous le château du parc parisien.
Même dans les jeux vidéo estampillés Disney, la méchante de La belle au bois dormant a su trouver sa place. C’est ainsi que dans la célèbre série des Kingdom Hearts, sorte de cross-over entre l’univers de Final Fantasy et celui de Disney, l’un des principaux ennemis à affronter pour le joueur se trouve être… Maléfique.
Plus récemment, c’est dans la série Once upon a time, où s’illustrent de nombreux personnages empruntés à différents contes de fées et à leurs adaptations Disney, qu’est apparue la méchante fée.
2014 – Maléfique est… Angelina Jolie
Après être passé successivement par les cases "parc d’attraction", "jeu vidéo" et "série télé", c’est officiel, la méchante fée est enfin prête à revenir au grand écran !
La rumeur tombe en 2010, se confirme rapidement, et très vite, on peut même mettre un visage sur le nom de Maléfique : celui de la belle Angelina Jolie.
En s’inscrivant dans la lignée du Alice au pays des merveilles de Tim Burton, les studios Disney décident donc de reprendre l’un de leurs grands classiques – en l’occurrence, La belle au bois dormant – et d’y consacrer un film en prises de vues réelles. La nouveauté ici est qu’on explore l'histoire du point de vue de la méchante. La star du film, c’est Maléfique et personne d’autre !
Comment est-elle devenue si malfaisante ? Quelles sont ses véritables motivations ? Pourquoi en veut-elle à ce point au royaume et à la princesse Aurore ? Autant de questions que le classique Disney avait laissées sans réponse, ou ne se posait même pas…
Au niveau de l’apparence, pour le coup, aucune raison de se priver du design qui avait fait le succès de la Maléfique animée : des cornes, une longue robe aussi noire que le teint du personnage est pâle, et un corbeau pour lui tenir compagnie. Pour porter le costume, le choix de la fatale Angelina Jolie semblait s’imposer de lui-même, pour le plus grand plaisir de l’actrice :
"Depuis que je suis toute petite, Maléfique a toujours été ma préférée. Elle me terrifiait, mais j’étais aussi attirée par elle. Je voulais en savoir plus sur elle. Elle avait cette élégance et cette grâce, et pourtant elle était merveilleusement, délicieusement cruelle," raconte-t-elle.
C’est donc en réalisant un rêve d’enfant que l’actrice s’est glissée dans la robe de Maléfique, s’impliquant étroitement auprès des costumiers et des maquilleurs, et insistant pour qu’ils conservent tout l’aspect menaçant du personnage original. Personnage dont Jolie s’est elle-même beaucoup inspirée, ainsi qu’elle nous l’a confié en interview : "A chaque fois que je n’étais pas sûre, je regardais le film original. Nous avons essayé d’y porter autant de respect que possible. Avec le costume, la scène du baptême, nous avons tenté de correspondre à la Maléfique originale. Et nous avons aussi essayé d’apporter ce nouveau côté d’elle pour montrer aux gens des choses qu’ils ne savaient pas."
L’épopée Maléfique est donc loin d’être terminée. Cette semaine, 55 ans presque jour pour jour après la sortie en salles de La Belle au bois dormant, la méchante fée a bien l’intention de faire trembler à nouveau le public des salles obscures…