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    Qui était Alain Resnais ? 10 minutes pour le (re)découvrir !

    Il est mort le 1er mars dernier à l’âge de 91 ans, laissant derrière lui un film, "Aimer boire et chanter" en salles cette semaine et surtout une œuvre originale, immense, inégalable. Vous connaissez peu Alain Resnais et souhaiteriez y remédier ? Ce petit focus est fait pour vous !

    Alain Resnais ©Corbis

    Il a eu une carrière avant son premier long métrage

    Il en a réalisé dix-neuf, de Hiroshima, mon amour à Aimer, boire et chanter : des drames amoureux ou de guerre, de la comédie chantée et populaire, de la science-fiction et même du documentaire. Mais avant ses longs, saviez-vous qu'Alain Resnais avait réalisé des chefs-d’œuvre du court métrage ?

    Diplômé de l’EDHEC (actuelle FEMIS), il a commencé comme monteur notamment pour Agnès Varda avant de mettre son talent au service de ses propres films. Sa capacité à trancher dans le vif donnera naissance à des œuvres courtes incisives, très engagées, souvent censurées.

    • A savoir

    Guernica (1949) et Les Statues meurent aussi (1953, censuré jusqu’en 1964) sont deux courts métrages d'Alain Resnais qui utilisent l’art comme matériau premier (le tableau de Picasso / les statues africaines) dans le but de dénoncer avec férocité (l’armée franquiste bombardant les civils / la colonisation).

    • A voir à tout prix

    Nuit et Brouillard (1955).

    A la demande du comité d'histoire de la Seconde Guerre mondiale, Alain Resnais se rend sur les lieux où des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants ont perdu la vie, afin de retracer leur lent calvaire. En résulte l'un des films-référence sur la déportation, mêlant archives en noir et blanc et images en couleur sur une musique légère de Hanns Eisler qui contraste avec l’horreur de ce qu’elle dénonce. Boycotté à Cannes sous prétexte de la réconciliation franco-allemande, le film eut également affaire à la censure nationale parce que l'on apercevait des uniformes français parmi les agents de la déportation. Resnais dut masquer les preuves de cette terrible complicité.

    "Nuit et brouillard" : son court métrage coup de poing

    Il n'appartient pas à la Nouvelle Vague

    Parce que ses chefs d’œuvre ont été mis en scène au même moment que ceux de Jean-Luc Godard et François Truffaut, on a assimilé Resnais à la Nouvelle Vague. Disons qu’il faisait plutôt partie, pour des raisons artistiques et politiques, de la frange dite la Rive Gauche (avec Chris Marker, Agnès Varda et Jacques Demy) tandis que la bande des Cahiers représentait celle de la Rive Droite.

    Ces derniers étaient avant tout écrivains et donc auteurs. Resnais lui, était surtout un monteur. Plus engagé, plus expérimentateur, il a toujours confié ses scénarii à plus passionné que lui. Cela n’a pas empêché les jeunes Turcs d’admirer son œuvre et de le fréquenter.

    • A savoir

    Plus que la Nouvelle Vague, c'est le Nouveau Roman qui emblématise les débuts de Resnais. L' année dernière à Marienbad, œuvre expérimentale et surréaliste qui a divisé la critique, est le fruit de sa collaboration avec Alain Robbe-Grillet, l'un des chefs de file du célèbre courant littéraire.

    • A voir à tout prix

      Hiroshima, mon amour (1959)

      Resnais a déjà 37 ans lorsqu’il réalise son premier long métrage, sorti quelques semaines après Les quatre cents coups de Truffaut. Sur un scénario de l’écrivaine Marguerite Duras (autre figure du Nouveau Roman), ce drame amoureux est une véritable déflagration dans le cinéma français par l'audace de son sujet (les traumatismes de la Seconde Guerre mondiale évoqués à travers une histoire d'amour) mais surtout par la modernité de la narration qui repose davantage sur le flux de conscience de ses héros :  mélange du passé et du présent, du réel et de l’imaginaire, bande-son et voix-off obsédantes, ruptures narratives …

      "Hiroshima, mon amour" : sa révolution

      Son cinéma est exigeant mais accessible

        Après mai 1968, Resnais poursuit sa réflexion sur la mémoire, le temps, l’imaginaire mais en s’éloignant de la question politique (Muriel ou le temps d'un retour, La Guerre est finie) et donc… en se rapprochant peu à peu du public. Il révèle alors son sens de l’expérimentation et son intérêt pour la culture populaire, qu'il revisite.

          • A savoir

          Resnais est un éclectique comme le prouvent :

          - Son incursion dans la science-fiction avec Je t'aime, je t'aime, l’histoire d’un homme qui après une tentative de suicide, voyage dans le passé pour retrouver l’amour de sa femme défunte.

          - Son film comportemental et scientifique Mon Oncle d'Amérique, qui malgré son exigence exprime son désir de vulgarisation et le réconcilie avec Cannes où il est primé en 1980.

          Resnais est aussi proche de son public comme le révèlent :

          -

          Sa revisite du théâtre de boulevard avec Mélo, un psychodrame bourgeois dans lequel il relève le défi de mettre en image "le pouvoir des mots".

          - Son incursion moderne dans l’opérette avec Pas sur la bouche qui dépoussière en musique un genre ringard, avec sensualité et humour.

          • A voir à tout prix

          On connaît la chanson

          Son plus grand succès public. Scénarisée par Jean-Pierre Bacri et Agnès Jaoui, cette comédie met en scène une pléiade d'acteurs drôles et talentueux, névrosés et amoureux, ayant la particularité de chanter ce qu’ils disent. S'introduisent dans leur quotidien des tirades sur l'air de chansons françaises populaires telles que Paroles paroles, J’aime les filles ou Résiste. Pétillant et édifiant !

          "On connaît la chanson" : son plus grand succès

          Découvrez les autres bandes-annonces décalées d'Alain Resnais

          Il a tourné avec tous les acteurs populaires français

          Ou presque ! Emmanuelle Riva, Delphine Seyrig, Yves Montand, Gérard Depardieu, Claude Rich, Jean Pierre Bacri, Agnès Jaoui, Lambert Wilson (4 fois), Audrey Tautou, Isabelle Nanty, Sandrine Kiberlain… Ils sont nombreux à s’être illustrés sous l’œil expert d’Alain Resnais. A partir des années 80, le cinéaste fera plus régulièrement appel à un trio d’acteurs fidèles : Pierre Arditi, Sabine Azéma et André Dussollier, auxquels il offrira des rôles subtils et variés, souvent récompensés par la profession.

          • A savoir

          Dussollier a tourné huit fois avec Alain Resnais, Arditi neuf et Azéma dix. Fanny Ardant a fait partie elle aussi le temps de trois films de la bande. Après La vie est un roman, Resnais a exploité le talent dramatique de l’actrice à la voix sensuelle, dans L’amour à mort et Mélo.

          Sabine Azéma a été le grand amour et la muse attitrée d’Alain Resnais. Mariée au cinéaste depuis 1998, elle a, sous sa direction, exploité toutes les facettes de son talent, jouant tour à tour les tragiques (Mélo) et les amusantes (On connaît la chanson), les vertueuses vicieuses (Coeurs) et les extravagantes (Aimer, boire et chanter), toujours mutine et charmante.

          ©Corbis

          • A voir à tout prix

          Smoking/No Smoking, césar du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur scénario, du meilleur décor ET du meilleur acteur en 1993. Dans ce dyptique, Azéma et Arditi interprètent à eux seuls onze existences différentes de mêmes personnages, dans des décors en carton-pâte. Une expérimentation unique et osée et une partition à variations inespérée, pour les deux comédiens virtuoses de Resnais.

          "Smoking / No Smoking" : son amour du jeu d'acteur

          Il nous a livré une oeuvre sombre et rigolote

          Il aimait, il chantait et... il tournait ! Bourreau de travail, Resnais a souvent confié son désintérêt pour la retraite. Débordante de vie, son oeuvre ne s'est pourtant jamais départie d'un questionnement approfondi sur la mort. Les plans de flocons de neige sur écran noir dans L'amour à mort, l'invitation à une veillée funèbre dans Vous n'avez encore rien vu et le malade absent dans Aimer, boire et chanter esquissent entre autres son obsession sérieuse mais de plus en plus tournée en dérision.

          • A savoir

          Débordant de vie jusqu'au bout, Resnais était néanmoins assisté d’un réalisateur de secours sur ces derniers films pour des questions d’assurances (Cédric Klapisch pour Pas sur la bouche, Denis Podalydès pour Cœurs et Vous n’avez encore rien vu). Quelques temps avant sa mort, il travaillait sur un nouveau film : Arrivée et départ, "un suspens drôle et tragique" (dixit son producteur Jean-Louis Livi) avec des flash back en BD, qu’il pensait offrir à Azéma (toujours), Caroline Sihol et François Damiens. Pour plus d'informations, voir notre article.

          ©Corbis

          • A voir à tout prix

          Comme Vous n'avez encore rien vu, Aimer, boire et chanter s'organise autour d'un absent qui passionne les héros. Ici, il rythme l'intrigue sans jamais apparaître à l'écran. Au centre des conflits et des sentiments, ce futur mourrant attise les convoitises féminines, déclenchant autour de lui le vaudeville. On ne peut s'empêcher de voir dans ce film posthume toute la mise en scène de Resnais, du théâtre filmé dans des décors dessinés au burlesque teinté de tragédie, le tout avec une ironie existentielle remarquable et un final... troublant.

          "Aimer, boire et chanter" : son tout dernier film aujourd'hui en salles

          Laetitia Ratane

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