"Je n'ai pas revu un seul film, car je sentais que je devais davantage puiser en moi qu'à l'extérieur", répond Aaron Eckhart lorsque nous l'interrogeons sur ses éventuelles influences au moment de se glisser dans la peau de la créature de Frankenstein. "La grande question que je me suis posée, c'est : "Comment m'accaparer un personnage que tout le monde connaît, avec une telle histoire littéraire et cinématographique, et le rendre crédible pour moi comme pour vous ?""
L'acteur est en revanche plus disert sur ses prédécesseurs les plus célèbres, qu'il a évoqués avec nous, après s'être étendu sur son approche dans le long métrage de Stuart Beattie.
Aaron Eckhart - I, Frankenstein (2014)
J'ai comme l'impression d'être moi-même la Créature de Frankenstein. On passe tous par-là quand on est enfant ou adulte : on pense ne pas être acceptable ou digne d'intérêt, pas désiré ou aimé. Tout le monde a connu ce moment où l'on veut sortir avec une personne qui ne vous aime pas. Et là on se regarde en se disant : "Mes oreilles sont trop grandes, mon nez trop gros, mes yeux trop rapprochés..." C'est l'essence même du personnage, qui est un homme que la société n'accepte pas, en plus d'avoir des problèmes avec son père. Il cherche son but dans la vie.
Nous avons cherché à le rendre humain dans le film. Le cinéma l'a toujours représenté avec une tête carrée et des boulons dans le cou, et pas vraiment bien articulé, donc nous nous sommes demandés comment le moderniser et le faire paraître réel aux yeux des gens. Pour ce faire, il faut quand même le défigurer et lui laisser ses cicatrices, mais aussi se focaliser sur son coeur, son âme, sa relation avec les gens, ce qu'il ressent. C'est ce sur quoi nous nous sommes concentrés, car nous voulions que le gens croient qu'il a évolué avec les années et fini par savoir qui il était. Et c'est aussi un personnage très actif ici : il est athlétique et fort, et je pense pas qu'on ait déjà vu ça dans ce genre de film.
Boris Karloff - Frankenstein (1931)
Boris était un grand acteur, et je pense que derrière le masque et la façade, son approche était la même que la nôtre, dans le sens où il a rendu le personnage très humain. Le maquillage fait beaucoup pour lui, car il souligne l'aspect extérieur. Mais c'est dans ses yeux que nous voyons la perte et la souffrance d'un homme qui lutte pour parler et aimer. Et c'est là toute l'histoire de la créature de Frankenstein. Nous avons un personnage très aimant et sensible, mais que personne n'écoute et qui ne peut atteindre les gens.
Je suis très attiré par quelqu'un qui aurait perdu la faculté de parler ou qui ne l'aurait jamais eu. Je viens de faire un film dans lequel je suis en fauteuil roulant [Incarnate, ndlr] donc j'ai eu affaire à des paraplégiques et cette idée que l'on peut être en pleine possession de ses moyens lorsqu'il s'agit de penser, mais incapable de s'exprimer. Quel enfer cela doit être ! Les gens vous regardent comme si vous étiez bête, alors que vous n'avez juste pas les muscles pour parler. Pour moi ça se rapproche du travail de Boris dans Frankenstein, au même titre que celui de Robert De Niro, et ce dont parle notre film.
Robert De Niro - Frankenstein (1994)
Sa spécificité ? De Niro ! (rires) C'est juste un grand acteur. L'un des meilleurs. C'est très intéressant de regarder le film, car on y voit l'un des meilleurs acteurs que j'aie connus, et on observe son approche. J'aime également le fait que l'on se demande comme il peut survivre avec ses cicatrices, s'il a une vie sexuelle, va voir des prostituées, gagne de l'argent... Des questions auxquelles Boris Karloff et Robert De Niro ont dû se frotter, tout comme moi en faisant I, Frankenstein.
Benedict Cumberbatch & Jonny Lee Miller - Frankenstein (2011)
Cette approche [les deux acteurs échangaient les rôles du Docteur et de la Créature sur scène chaque soir, ndlr] montre que l'histoire est universelle et intemporelle. Et ce pour une bonne et simple raison : le personnage n'est pas un monstre, c'est nous. Nous sommes le monstre. Je parie qu'un enfant se voit ainsi à l'école en ce moment-même, car c'est un sentiment humain. Quand Mary Shelley a écrit le roman, elle parlait d'un homme, pas d'un monstre.
C'est nous qui l'avons transformé ainsi avec le temps et les films dans lesquels on l'a vu. Mais à la base, il n'avait pas les boulons ou la tête carrée, car c'était juste un homme. C'est très important de prendre ceci en compte, car c'est l'aspect intérieur qui compte, comme dans toute bonne histoire : qu'il s'agisse d'un drame ou d'un film d'action, l'intérieur prime sur l'extérieur.
Peter Boyle - Frankenstein Junior (1974)
(rires) Ce personnage, c'est du Mel Brooks tout craché. C'est son sens de l'humour. Peter Boyle est visiblement un excellent acteur, très doué pour la comédie, en plus d'être massif. Mais ça ressemble avant tout à Mel Brooks. Qu'il s'agisse de La Folle Histoire de l'espace ou Le Grand frisson, on reconnaît toujours sa patte.
Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 7 janvier 2014
A NE PAS MANQUER EN CE MOMENT
"Black Sails" : démarrage canon pour la série de Michael Bay !
Aaron Eckhart et Yvonne Strahovski au micro :
Suivez-nous sur Twitter pour connaître l'actu ciné & séries d’AlloCiné Follow @allocine