© EFA/API/Jessica Kassner
Catherine Deneuve, invitée d'honneur des European Film Awards 2013, qui se sont tenus le week-end dernier à Berlin, a rencontré la presse européenne, venue en nombre pour l'événement. Dans un anglais impeccable, l'actrice a répondu avec beaucoup de spontanéité et de franchise aux questions de la presse. L'occasion de parler de ce que représente ce type de récompense, de revenir sur sa carrière, mais aussi de donner son point de vue sur le cinéma français actuel.
Vous avez reçu beaucoup de récompenses tout au long de votre carrière. Est-ce que ce prix européen (European Film Academy Lifetime Achievement Award) représente quelque chose de spécial, ou est ce un prix parmi d’autres?
Catherine Deneuve : C’est un prix européen, donc c’est plutôt important. Mais je n’aime pas trop le terme « achievement » (accomplissement) car l’accomplissement, c’est comme la fin de quelque chose. Oui, c’est une reconnaissance de toutes les périodes que vous avez traversées. C’est un hommage.
Vous avez fait plus de 100 films. Quels sont les films qui ont une place à part pour vous ?
Certainement Les Parapluies de Cherbourg car c’est là que j’ai rencontré Jacques Demy, une rencontre déterminante dans ma vie d’actrice. J’ai travaillé avec de nombreux réalisateurs importants, mais je citerai André Téchiné, avec qui j’ai travaillé plusieurs fois, et est très important dans ma vie personnelle et ma vie d’actrice.
Que ressentez-vous en revoyant les films que vous avez fait ?
Je ne me regarde pas. Je n’ai pas le temps.
Vous voyez-vous différemment aujourd’hui ?
Bien sûr, j’espère que je suis différente. J’espère que je suis différente 50 ans plus tard ! Je ne peux pas dire que ça soit un changement. Les choses évoluent. C’est comme revoir une ancienne photo de soi, quand vous étiez enfant et là adulte… Ce n’est pas plus différent que ça. Mais de toute façon, je ne regarde pas mes films. Je n’ai pas le temps. Je n’arrive déjà pas à voir tous les films que j’aimerais voir.
Quels genres de films recherchez-vous aujourd’hui ? "Elle s’en va" par exemple était un rôle surprenant…
Oui, le film a été écrit par Emmanuelle Bercot. Elle l’a écrit pour moi. Je ne la connaissais pas vraiment avant. Elle voulait que je joue pour elle. J’ai beaucoup aimé le scénario. C’était un tournage vraiment intéressant. Et je pense que je vais à nouveau faire un film avec elle l’année prochaine.
Lorsque vous choisissez un rôle, qu’est ce qui importe le plus dans votre décision ?
L’intérêt du scénario et la relation que j’ai avec le réalisateur. Les deux.
© EFA/API/Jessica Kassner
Faire des films, c’est encore important pour vous ?
Oui, c’est important, sinon je ne le ferai plus.
Mais que recherchez-vous à présent ?
Je ne cherche pas. C’est comme lire un livre, vous avez envie de lire un bon livre. Donc quand je lis un scénario, j’espère qu’il est bon, et que ça ferait un bon sujet pour un film. Je n’ai pas d’autre idée en tête lorsque je lis un scénario. Mais c’est très difficile d’avoir un très bon scénario entre les mains… C’est très rare.
C’est à dire que c’est moins bien qu’avant ?
Maintenant, il y a plus de films qu’avant. Il y a trop de gens qui travaillent, écrivent, réalisent des films. Il est clair qu’en France, nous faisons trop de films.
Vraiment ?
Oui.
Et la qualité n’est plus la même ?
Ce n’est pas la qualité. Il y a trop de films qui peut être devraient être réécrits et attendre un peu plus avant de les tourner. Mais notre politique dans le cinéma français pour les scénaristes est compliquée. On ne peut pas se permettre de travailler pendant un an sans rien toucher sans savoir si on va faire un film. C’est un sujet compliqué.
Ils travaillent trop vite donc ?
Oui. Très souvent, je pense que les scénarios ne sont pas assez travaillés.
Catherine Deneuve avec Ennio Morricone © EFA/API/Jessica Kassner
Dans votre carrière, vous avez fait très peu de films américains. Ce n’est probablement pas parce que vous n’avez pas eu d’offre…
Ces offres n’étaient pas très intéressantes, sinon je les aurai probablement acceptées. Je n’ai pas reçu tant de grandes propositions que ça. J’imagine que pour faire carrière aux Etats-Unis, ça aurait voulu dire passer plus de temps là-bas une fois le film terminé et rencontrer des gens. Vous devez être là. Mais j’étais toujours très impatiente de retourner à Paris et revoir mes enfants.
Quand vous regardez en arrière sur votre carrière et l’industrie du cinéma, quels ont été les plus gros changements pour vous ?
La plus grande différence est qu’aujourd’hui tout le monde peut utiliser une caméra. Il y a beaucoup plus de gens qui n’ont pas d’expérience voulant faire des films parce qu’ils ont écrit une histoire intéressante. Ils ont maintenant l’opportunité de faire un film avec presque rien. Avec quelques amis, sans producteur, vous pouvez faire un film. Ce n’était pas le cas il y a 30 ans. Cet aspect technique fait une grande différence, le fait de pouvoir tourner en numérique, à moindre frais.
Qu’est ce qui vous donne envie de continuer à faire des films après toutes ces années ?
C’est une drôle de question. L’intérêt. Ce n’est pas quelque chose qu’on arrête comme ça tout d’un coup. J’imagine que si je ne trouvais plus ça intéressant ou si les rôles ne l’étaient plus, j’arrêterais.
"La Grande Bellezza" triomphe, "La Vie d'Adèle" rentre bredouille
European Film Awards 2013 : retour en images sur la cérémonie
Table-ronde organisée à à Berlin, le 7 décembre 2013, dans le cadre des European Film Awards / Propos recueillis par Brigitte Baronnet
Suivez-nous sur Twitter pour connaître l'actu ciné & séries d’AlloCiné Follow @allocine