Valeria Golino sur le tournage de Miele - © Les Films des Tournelles
AlloCiné : "Miele" est votre première réalisation. Le film traite de l’euthanasie et de l’envie ou non de continuer à vivre, c’est un sujet très fort. Qu’est-ce qui vous a donné envie de passer à la réalisation ? Avez-vous eu des difficultés à monter un film sur ce thème ?
Valeria Golino: Ça fait des années que j’ai envie de passer à la réalisation. Il y a 3 ans j’ai mis en scène un court métrage (ndlr : Armandino e il madre) et pendant le montage du film, j’ai lu le livre de Mauro Covacich (qu’il a écrit sous le pseudonyme d'Angela del Fabbro) "A Nome Tuo".
C’était très bien écrit et ça m’a paru très cinématographique. J’ai donc acquis les droits du livre et j’ai écrit le scénario, mais je l’ai adapté, je l’ai "pressé comme un citron", j’ai pris ce qui me plaisait le plus dans le livre.
J’ai demandé à mes deux associés, Riccardo Scamarcio et Viola Prestieri de produire le film parce que personne ne voulait le faire. Les producteurs me disaient qu’ils étaient intéressés par ma première réalisation mais le sujet (l’euthanasie) les dérangeait. L’euthanasie est un sujet très tabou, encore plus en Italie qu’en France. J’ai écrit le scénario pendant que Viola et Riccardo cherchaient des financements, ça a été compliqué mais on a finalement pu monter le film.
Je peux comprendre que certains producteurs aient été effrayés par le sujet… Mais Amour de Michael Haneke est très dur - plus dur que Miele - pourtant on n’a pas demandé à Haneke pourquoi il a décidé de faire un film sur ce sujet ! Quand j’ai rencontré les producteurs, beaucoup m’ont demandé pourquoi je voulais faire un premier film sur ce sujet.
Ils avaient des préjugés parce que je suis une femme et une actrice… Ils ne comprenaient pas pourquoi moi je voulais parler de ce thème ! Ce n’est pas méchant mais tout de même…
Jasmine Trinca et Carlo Cecchi dans Miele - © Les Films des Tournelles
C’est un sujet qui nous touche tous, et qui nous intéresse. Mais nous ne sommes pas habitués à en parler parce que la société nous dicte qu’il ne faut pas en parler, que c’est tabou, qu’il ne faut pas penser à la douleur, à la vieillesse et à la mort.
Je ne veux pas faire de discours moralisateur sur la société, mais si vous rentrez dans le film, vous vous rendez compte qu’il y a de la douceur bien que ce soit un sujet dur. Pour moi c’est un film sensoriel sur la douceur, la beauté, la lumière, l’envie de vivre, mais aussi sur le droit de mourir.
Le fait d’être actrice vous a-t-il aidé à diriger Jasmine Trinca, qui tient le rôle principal de votre long métrage ?
Oui tout à fait. La direction d’acteurs n’est pas ce qui m’a le plus effrayé, c’est naturel pour moi. D’autant plus avec Jasmine parce que je la connaissais déjà. Lors du tournage nous avions un rapport quasi fusionnel.
Je la trouve belle, elle a vraiment quelque chose de particulier. Il y a des choses que je regrette d’avoir fait de telle ou telle manière dans mon film, je me dis j’aurais plutôt dû faire comme ça,…. Mais à aucun moment je n’ai douté de Jasmine, elle est magnifique.
Jasmine Trinca - © Les Films des Tournelles
Et quels ont été vos autres doutes ?
Je pense qu’on n’est jamais complétement satisfait de son travail.
Encore hier avant la présentation du film (propos recuillis en mai lors du Festival de Cannes), je me disais "Mais pourquoi je n’ai pas utilisé ce plan dans le montage final ! Je l’avais, pourquoi je l’ai enlevé ?…" Réaliser un film c’est un peu comme un travail que tu fais sur toi, tu te poses constamment des questions. C’est un boulot incroyable !
Maintenant que vous êtes passé de l'autre côté de la caméra votre comportement en tant qu’actrice-a-t-il changé ?
Oui, je suis plus docile (rires).
Je comprends mieux certaines choses. Quand tu es acteur, il peut t’arriver d’être agacé par le comportement de certains réalisateurs ou le fait qu’ils ne te comprennent pas,…
Mais maintenant je comprends aussi que les réalisateurs ont constamment des décisions à prendre, c’est difficile. Donc je suis plus docile.
Riccardo Scamarcio - © Bellissima Films
Votre conjoint le comédien Riccardo Scamarcio produit le film, n’avez-vous pas envie de le mettre en scène dans votre prochaine réalisation ?
Ça me plairait beaucoup de le diriger. J’essaie de trouver une idée de film qui lui conviendrait, mais c’est toujours plus compliqué, quand les gens sont proches, de mettre de la distance.
Mais j’ai remarqué quelque chose. Par exemple quand François Truffaut dirigeait Fanny Ardant, il y avait une lumière incroyable sur elle. Il y avait quelque chose en plus. Un peu comme s’il y avait un parfum particulier sur la personne aimée, je pense que c’est le point de vue du réalisateur.
Donc si je trouve une bonne idée, je me ferais un plaisir de diriger Riccardo. Et puis je suis convaincue que sans lui je n’aurais jamais pu faire ce film, il m’a beaucoup aidé.
Quels sont vos projets ?
Je commence donc à réfléchir à ma seconde réalisation, mais je continue mon travail d’actrice en parallèle. Je vais jouer aux côtés de mon amie Valeria Bruni Tedeschi dans un film de Paolo Virzì (ndlr : Human Capital).
Valeria est une très bonne amie à moi et c’est une artiste incroyable. C’est plus qu’une actrice et plus qu’une réalisatrice, c’est une artiste complète. Elle est unique et très spécifique dans son travail, ce qu’elle dit et la manière dont elle le dit. J’adore son cinéma. Et être à ses côtés m’apporte beaucoup.
La bande-annonce de Miele
Miele
Propos recueillis le 16 mai 2013 à Cannes par Laëtitia Forhan