Fidèle compagnon de route de J.J. Abrams au sein de leur compagnie Bad Robot - il a produit avec lui Lost, Star Trek, Cloverfield, Alias... - Bryan Burk parcourt actuellement les quatres coins du globe afin de promouvoir Star Trek Into Darkness. Aux journalistes de Rio, de France ou d'Australie, il montre les trente premières minutes de la suite des aventures de Kirk et Spock, ainsi que deux scènes situées un peu plus loin dans le film. A la vue des premières images (encore inachevées, les effets spéciaux et le score ne sont pas encore définitifs a tenu à rappeler Burk), cette suite est pourtant déjà plus impressionnante que le premier volet...
© Paramount Pictures
S'il faut ressortir une toute première chose de cette projection, ce serait... les 30 minutes projetées sont passées à une telle vitesse !
Bryan Burk : C'est un très bon signe en effet, merci !
Qu'avez-vous appris du premier "Star Trek" que vous avez produit ?
C'est une bonne question... Avant tout, nous avons eu la chance que le public l'ait aimé. Mais tout le monde n'a pas vu Star Trek. De nombreux spectateurs ne sont pas allés voir le film parce qu'au fil des années, ils ont peut-être essayé de se plonger dans l'univers sans succès et en ont conclu que cet univers n'était pas pour eux. Et ils n'y sont jamais revenus. J'ai d'ailleurs appris ce matin que la série originale, produite dans les années 60, n'avait pas été diffusée en France avant les années 80. En clair les téléspectateurs l'ont découverte après Star Wars ! La série a donc dû leur sembler bien archaïque... Et c'est d'ailleurs le même sentiment que j'avais eu en la découvrant à mon époque. Je n'étais qu'un gamin quand La Guerre des Etoiles est sortie, mais je me souviens très bien de l'effet que le film a eu sur moi. Découvrir Star Trek à la télévision après avoir avoir vu Star Wars au cinéma n'était sans doute pas la bonne combinaison. Je me souviens également être allé voir le premier film Star Trek au cinéma en 1980, un ou deux après Star Wars. J'étais excité à l'idée de le voir , simplement parce qu'il y avait "Star" dans le titre. (Rires) Je devais avoir une petite dizaine d'années. Je me suis assis dans la salle, tout excité. Je me souviens que le public s'était mis à applaudir à l'entrée en scène d'un personnage. Je ne comprenais pas cet enthousiasme ! Puis un autre personnage arrive et tout le monde se met une nouvelle fois à applaudir. (Rires) Les minutes passent, les dialogues me semblent incompréhensibles... et puis le vaisseau Enterprise apparait. Il était vraiment impressionnant et la musique était géniale (ndlr : le compositeur est Jerry Goldsmith).
Ci-dessous la bande-annonce du premier volet de "Star Trek" réalisé par J.J. Abrams et produit par Bryan Burk:
Star Trek
Le premier film "Star Trek" s'apesantit beaucoup sur la révélation de l'Enterprise. Il y a beaucoup de plans dessus...
Enormément ! C'est magnifique mais il s'agit surtout de plans du vaisseau amarré à la station spatiale. (Rires) Au final le film n'a pas provoqué en moi le même enthousiasme que Star Wars, notamment au niveau de l'action. Je me souviens être sorti de la salle en me disant quelque chose comme "Ce n'est pas exactement ce à quoi je m'attendais..." (Rires) Ensuite j'ai regardé quelques épisodes de la série mais toujours sans une excitation particulière. En fait je pense que je n'avais pas la patience à l'époque pour me plonger réellement dans cet univers. Je me sentais un peu bête de ne pas me sentir plus impliqué, de ne pas être intéressé. Je me posais vraiment des questions, car j'avais beaucoup d'amis qui aimaient énormément ! Mais le second Star Trek (ndlr: La Colère de Khan) a eu un effet totalement différent sur moi. Je l'ai trouvé génial ! Il y avait plus d'action, moins de dialogues, et le film était plus accessible. Le troisième également était intéressant mais... je trouvais toujours qu'il y avait un peu trop de dialogue. Pour en revenir à votre question, et pour résumer rapidement mon sentiment, ce que j'ai essentiellement appris du premier Star Trek, c'est que je n'étais pas seul. Je suis devenu fan de cet univers en travaillant sur le premier volet, mais j'ai réalisé pendant cette période que tout le monde n'était pas forcément très curieux par rapport à cet univers. Il y avait des réserves, nées des 40 ans d'histoire de la franchise, et de quelques tentatives un peu moins réussies, ici ou là. Notre premier Star Trek trahit notre volonté de faire un film potentiellement accessible et séduisant pour tout le monde, quel que soit l'âge ou le sexe, de faire un film dans lequel chacun trouverait un point d'accroche. Comme pour cette suite. La meilleure comparaison que je pourrais trouver concerne Batman. Quand j'étais enfant, j'adorais la série avec Adam West. Si vous ne voyez que cette série sur la "chauve-souris", vous pouvez penser que Batman est soit super fun et pas du tout sérieux, soit complètement kitsch et désuète. Découvrir ensuite les versions de Tim Burton ou Christopher Nolan a dû être un sacré choc pour beaucoup. Notre Star Trek doit provoquer le même effet à ceux qui pensent que Star Trek se résume à la série des années 60.
De nombreux non initiés, ou détracteurs, de "Star Trek" ont aimé le premier volet d'Abrams. Et les fans de la série originale également. C'est un coup double qui paraissait impossible sur le papier.
Merci ! C'est peut-être aussi dû au fait que nous avons axé le premier volet sur les personnages. Ce sont avant tout des Humains, avec des sentiments forts, très "terre à terre" d'une certaine manière. Même le personnage de Spock est à moitié humain, et cela crée une dynamique intéressante. Sans forcément s'identifier à eux, les spectateurs peuvent les comprendre.
"Star Trek est un merveilleux univers. C'est aussi pour cette raison que ce serait bien de compléter une trilogie. Et même d'en faire plus..."
Bryan Burk
Donc la clé pour produire un bon film "Star Trek"... c'est de ne pas aimer "Star Trek" ? (rires)
Bizarrement je crois effectivement c'est un plus. (Rires) Même si je ne détestais pas réellement le concept, la série ou les films. En fait il y a deux façons de faire Star Trek. Soit on est un fan hardcore de l'univers et on va respecter à la lettre toute la charte scrupuleusement, en ne se permettant jamais de sortir du cadre. Soit on choisit de ne pas se retrouver totalement esclave de tous ces codes. Personnelement je ne comprenais pas tout de cet univers, ma position permettait d'avoir un angle nouveau et un centre de gravité artistique intéressant, lequel reflète justement la position de la majorité des spectateurs, d'une certaine manière. Je représentais ce spectateur, la cible à convaincre. Notre grande chance, c'est notre association de cinq producteurs - J.J. Abrams, Alex Kurtzman, Roberto Orci, Damon Lindelof et moi - tous très différents. Nous avons des approches disparates de l'univers Star Trek. Bob est un fan hardcore, qui connait tout sur le bout des doigts. Damon est un peu dans la même veine. Alex et J.J. connaissent bien le domaine, mas certainement pas autant. Moi, je suis un novice. A l'époque du premier film, je me rappelle de très nombreuses discussions durant lesquelles nous essayions de trouver la meilleure manière de l'aborder. Durant ces conversations, j'entendais ainsi parfois Bob et Damon parler ensemble et avoir l'impression d'entendre du chinois. (Rires) Ils échangeaient des idées auxquelles je ne comprenais strictement rien. Mais leur excitation commune était palpable. Et à chaque fois que j'intervenais pour proposer une idée, ils me répondaient très sérieusement "Bryan, ce n'est pas possible dans Star Trek, ça !" (Rires) Au final le fait de faire ce film avec une équipe composée de personnes ayant des approches diverses de Star Trek a constitué un sacré avantage.
Au premier plan : J.J. Abrams discutant avec Bryan Burk pendant le tournage de "Cloverfield"
© Paramount Pictures France
Dans une interview donnée il y a quelques mois, Damon Lindelof a évoqué l'idée de faire de "Star Trek" une trilogie. Est-ce que "Into Darkness" a été envisagé dans cette optique ? Est-ce que cela ferait sens ?
Bien entendu ! Nous l'avons bien évidement évoqué lorsque nous avons commencé à parler de l'intrigue de cette suite. Et puis l'écriture a débuté et... des éléments sont issus de cette dynamique. Nous avons réfléchi à un éventuel troisième opus en faisant Into Darkness. Mais cela dépend d'abord d'une chose : le public. Si les spectateurs vont voir le film en salles, ce serait bien de continuer. C'est un merveilleux univers. C'est aussi pour cette raison que ce serait bien de compléter une trilogie. Et même d'en faire plus... Tant que les spectateurs en auront envie, nous continuerons.
Damon Lindelof suggérait le fait que l'équipe créative actuelle resterait aux affaires pour le troisième opus avant de passer la main à d'autres... Pour en revenir à la série originale "Star Trek", le monde décrit par Roddenberry était innovant, futuriste. Et quelques-unes de ses intuitions se sont matérialisées. On parle souvent des communicateurs qui ressemblent étrangement aux téléphones portables actuels. Comment dans les "nouveaux" Star Trek réussissez-vous à perpétuer cette tradition "futuriste" ?
Il y a quarante ans ces personnages se baladaient avec des communicateurs. Et aujourd'hui vous comme moi avez un portable, qui peut d'ailleurs enregistrer une communication, ce que vous êtes en train de faire. C'est très exactement ce qui me fascine avec cet univers. De mon point de vue, ce n'est pas de la science-fiction. Cela traite de faits, d'avancées et de projections scientifiques. Star Trek parle de nous, Humains, de notre évolution et de nos idées. On avance. Vous pourriez me répondre que je raconte n'importe quoi parce que Kirk et Spock voyagent aux confis de l'univers, dans des planètes si éloignées... Mais la vérité, c'est que ce raconte Star Trek, c'est à peu de choses près notre futur. Ce vers quoi nous nous dirigeons. Si je vous avais dit il y a 100 ans que les premières expérimentations, un peu farfelues, de vols allaient changer le cours de l'Histoire, vous m'auriez regardé bizarrement. Et pourtant aujourd'hui voler est devenue une chose commune et usuelle, pour tout le monde. Le fait que je sois assis face à vous aujourd'hui alors qu'il y a 24 heures j'étais au Brésil en est la preuve. (Rires) Au début de l'aviation les seuls habilités à voler étaient les militaires ou les gens extrêmement riches. Après la seconde guerre mondiale, cela s'est étendu aux particuliers puis une industrie s'est créée. Les vols ont commencé à se multiplier et les prix à chuter. Tout cela pour vous dire que deux gugusses essayent de voler dans une drôle de machine débouchent sur notre rencontre ici aujourd'hui ! Ce qui était inimaginable est devenu usuel, habituel. (Rires) Toute cette évolution s'est concrétisée tellement rapidement. Bientôt nous pourrons même voyager dans l'espace, ou presque. Richard Branson via Virgin Galactic creuse ce sillon. Bien entendu ça coûte les yeux de la tête mais l'évolution nous apprend que cela ne sera pas toujours le cas. Nous n'en sommes qu'au début. A l'époque de la série originale Star Trek, ce qui était montré à l'antenne était de la pure science fiction pour les téléspectateurs. Quand un enfant ou un adolescent ira voir ce Into Darkness, il se dira que c'est l'avenir. Désormais ce qui est projeté est le futur en quelque sorte. Voilà la vraie différence selon moi. Quelque part un petit Français ou une petite Française va revenir d'une séance de Star Trek en disant "Je peux inventer la vitesse supraluminique. Et je vais le faire !" Un film comme Star Trek peut inspirer les gens, de plusieurs manières, et fixe une ligne d'horizon "atteignable" et réelle. Tout ce qui est imaginé dans le film va potentiellement être créé. Par ailleurs ce qui est fascinant avec le monde créé par Gene Roddenberry (ndlr: le créateur de la série originale Star Trek), c'est qu'il n'a pas créé une civilisation au sein de laquelle tout le monde se bat les uns contre les autres. Au contraire, c'est un monde uni.
Chris Pine face à Bruce Greenwood dans "Star Trek Into Darkness"
© Paramount Pictures
Le premier volet était un sacré pari : la franchise était morte, ou presque, considérée comme trop geek pour le grand public… et pourtant c'est devenu un succès public et critique. Qu'est-ce qui est passé dans votre tête lorsque vous avez vu les premiers chiffres du box office ?
On ne s'est pas dit "On a réussi !" (Pause) On était heureux de la réaction du public bien entendu mais on a aussi tout de suite compris qu'il fallait se remettre au travail. J.J. Abrams et moi sommes conscients de l'incroyable chance que nous avons de faire des films. Des films populaires. Et nous avons quelque part une responsabilité, celle de ne jamais être satisfait ou suffisant. Certes le film a été un succès. Mais il y a comparativement plus de gens qui ne sont pas allés voir le film, aux Etats-Unis ou en France, pour toutes les raisons que nous avons évoquées. Et c'est mon idée fixe. Ce sont ces personnes qui ne veulent pas entendre parler de Star Trek que nous voulons intéresser aujourd'hui, et qui ont peut-être d'ailleurs vu le premier volet en DVD depuis. Nous sommes curieux de voir l'évolution des résultats de Into Darkness par rapport au pemier volet. Donc oui on était heureux d'avoir reçu cet accueil, en France notamment, mais on a compris très vite qu'il fallait persévérer. Vous étiez fan de Star Trek avant de voir le film de J.J. ?
Oui !
Et vous me parlez encore après avoir vu son film ?
Bien entendu. Il est très réussi...
Et pourtant c'était un pari risqué. On aurait pu se mettre à dos les fans hardcore de Star Trek avec ce film. C'était capital de ne pas froisser la base tout en s'adressant au plus grand nombre.
Il y a quatre ans, lors de la tournée promotionnelle du premier, vous disiez d'ailleurs à chaque fois "Notre film plaira aux fans et aux novices". Cela paraissait impossible. Et pourtant vous avez tenu votre promesse...
Formidable ! Maintenant nous devons convaincre encore plus de novices.
Propos recueillis par Thomas Destouches
Paris, le 7 mars 2013
DECOUVREZ LES DECLARATIONS DE BRYAN BURK A PROPOS D'UNE EVENTUELLE SERIE "STAR TREK" !
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Star Trek Into Darkness sort sur les écrans français le 12 juin 2013
Star Trek Into Darkness