Au même titre que Tony Gilroy, le metteur en scène de Jason Bourne : l'héritage, Dan Bradley n'est pas un novice dans la saga, où il a surtout tenu un rôle d'homme de l'ombre, en tant que chef cascadeur et réalisateur de la seconde équipe. A l'occasion de la sortie du long métrage en DVD et Blu-Ray, il revient avec nous sur ce travail, qu'il a aussi effectué auprès de James Bond et Ethan Hunt, ainsi que Spider-Man et Superman.
Allociné : Quels ont concrètement été vos tâches sur "Jason Bourne : l'héritage" ?
Dan Bradley : J'ai d'abord passé un mois à Manille [Philippines, ndlr], afin de trouver les lieux dans lesquels nous allions tourner la poursuite à moto. Nous cherchions à faire quelque chose qui n'avait encore jamais été vu au cinéma, avec deux personnes sur un même engin, donc c'était un vrai défi que d'établir ce que nous étions capables de faire. En règle générale, le travail d'un coordinateur des cascades est de règler leur exécution, tandis qu'un réalisateur de la seconde équipe, imagine et écrit une scène d'action qu'un coordinateur va ensuite examiner pour voir comment faire chaque cascade. Mais sur Jason Bourne : l'héritage, j'ai pu faire les deux, à savoir définir les problèmes qu'allaient rencontrer les personnages, et la façon d'exécuter les cascades. Donc on peut dire que le réalisateur de la seconde équipe a un travail plus artistique, en déterminant les angles de caméra et l'action en elle-même, tandis que le coordinateur fait un boulot plus mécanique, reposant sur la méthodologie utile pour réaliser des cascades.
Vous aviez déjà été réalisateur de la seconde équipe sur les deux épisodes précédents, mis en scène par Paul Greengrass. A quel niveau les challenges ont-ils été différents avec Tony Gilroy ?
Le plus gros défi a été de trouver le style d'action de ce nouveau personnage. J'ai longuement parlé avec les acteurs et le réalisateur pour déterminer précisément ce que Jason Bourne ferait en fonction de ses aptitudes, de son courage et de la motivation qui serait la sienne dans chaque scène d'action. Et comme Aaron Cross est un type complètement différent, j'ai cherché à conserver l'aspect viscéral de Bourne en ajoutant d'autres façons de traiter chaque situation, afin que Jeremy Renner ait une sensation différente, et que nous ne fassions pas exactement la même chose qu'avant.
Quelles sont les principales différences entre Paul Greengrass et Tony Gilroy en tant que metteurs en scène ?
Très franchement, ce sont tous deux des réalisateurs très talentueux, mais Tony a été impliqué, en tant que scénariste, dans les épisodes précédents, donc il a une meilleure connaissance, quasi-encyclopédique, de la saga et ses personnages. Au-delà de ça, Paul utilise beaucoup plus la caméra à l'épaule que Tony, et c'est là la différence la plus visible entre eux.
Et quelles sont les principales différences entre Matt Damon et Jeremy Renner ?
Là aussi, et au risque de vous faire une réponse ennuyeuse, ce sont tous deux d'excellents acteurs, dotés d'une incroyable éthique vis-à-vis de leur travail. Mais je dirais que la principale différence entre eux réside dans les personnages qu'ils interprètent dans la saga : Jason Bourne cherche à savoir qui il est, et il est dégoûté par ce qu'il découvre, ce qui ajoute à ses actes une complication émotionnelle. A l'inverse, Aaron est en mission : il sait qui il est, ce qu'il peut faire, et cherche à préserver tout ça. Et si les deux acteurs font preuve de la même profondeur de jeu, je dirais quand même que Jeremy est l'acteur le plus rapide que j'aie jamais vu dans des scènes d'action, à tel point que j'ai parfois dû lui demander de ralentir ses mouvement lors des combats pour pouvoir le suivre.
Le fait d'avoir déjà travaillé avec lui sur "Mission : Impossible - Protocole fantôme" a-t-il aidé pour ce film ?
Oui, ça nous a permis de partir sur une bonne base de travail, dans la mesure où j'ai pratiquement travaillé avec la même équipe sur ces deux films, donc ça nous a facilité la tâche au moment d'établir de quelle façon nous allions éxécuter certaines cascades sur Jason Bourne : l'héritage.
Vous avez également travaillé sur un James Bond, "Quantum of Solace", donc vous avez approché les trois plus grosses franchises d'espionnage du moment. En quoi sont-elles différentes en termes de production et de tournage ?
Déjà c'est mon travail sur chaque saga qui a été différent : j'ai beaucoup été impliqué dans le style d'action des Bourne, avec La Mort et La Vengeance dans la peau, à travers les poursuites et la façon de faire transparaître à quel point le personnage est intelligent. Pour ce qui est de Quantum Of Solace, j'ai été très honoré de participer à une franchise qui dure depuis que je suis enfant. Je me souviens même d'être allé voir les épisodes de Sean Connery quand j'étais très jeune, donc j'étais un peu nerveux car j'ai surtout fait attention à ne pas décevoir les fans. Et sur Mission : Impossible - Protocole fantôme, j'ai avant tout été frappé par l'éthique et l'incroyable implication de Tom Cruise. C'est le plus gros bourreau de travail que j'aie jamais rencontré, en plus d'être quelqu'un de très intelligent. Et j'ai grandi avec la série, donc j'étais d'autant plus content de faire partie de cette aventure, aux côtés de l'équipe en place, surtout que je trouve que le film capture l'esprit du show télévisé.
Pour en revenir à "Quantum of Solace", où vous étiez le réalisateur de la seconde équipe : le film a été très critiqué, et des rumeurs ont fait état d'une production compliquée. En quoi était-ce le cas ?
Je ne saurais pas dire exactement en quoi c'était compliqué, mais je pense que celà tient en partie au fait que le tournage s'est déroulé sur trois continents. Et il y a aussi la grève des scénaristes, survenue pendant l'écriture du script, qui ne nous a pas facilité la tâche, même si j'ai le sentiment que nous avons accompli un super travail sur ce film.
Votre tâche est-elle plus compliquée lorsque vous travaillez sur des films de super-héros tels que "Superman Returns" ou "Spider-Man 2 & 3" ?
C'est surtout très différent. Je suis vraiment très fier du travail accompli sur Spider-Man 2, qui est bien supérieur au précédent, surtout que, contrairement à ce que pas mal de gens pensent, nous avons beaucoup plus souvent utilisé un être humain plutôt que des images de synthèse, grâce à des techniques inédites à l'époque. Ceci étant dit, je suis nettement plus fan d'une action plus viscérale à la Jason Bourne. Ça me parle plus. Je suis quand même très content de m'être frotté à des films de super-héros, mais je me sens plus chez moi face à un style d'action plus réaliste.
Vous êtes récemment passé derrière la caméra avec "Red Dawn", qui est enfin sorti aux Etats-Unis en novembre 2012, après plusieurs années d'attente. J'imagine que c'est la fin d'un voyage aussi long que compliqué pour vous.
Oh oui ! Pour ma première réalisation, j'aurais aimé avoir plus de chance et que le studio pour lequel j'ai travaillé [la MGM, ndlr] ne fasse pas faillite. Et il y a encore un an, je ne savais même pas si le film allait pouvoir sortir en salles à cause de complications liées à cette banqueroute.
Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 14 novembre 2012