Maniac / © Warner Bros. France
Dans le film d'horreur Maniac, actuellement en salles, vous ne pourrez qu'être interpellés, fascinés, inquiétés par les nombreuses représentations de mannequins féminins qui l'illustrent. Personnages à part entière du long métrage, ils participent grandement à son ambiance inquiétante. AlloCiné a rencontré l'artiste français David Law, spécialisé, entre autres, dans l'art de capter via son objectif le regard des mannequins de vitrine sur la ville par le jeu des reflets. Nombre de ses superbes et étranges clichés illustrent le Maniac produit par Alexandre Aja. Un travail original et passionnant.
AlloCiné : Une question sur la genèse de votre travail. Qu’est-ce ce qui vous a amené à vous diriger vers ces clichés ? En quoi ces mannequins de vitrines vous fascinent-ils ?
David Law : Photographe, vidéaste et musicien, je réalise des images autour de différents thèmes, attiré notamment par la réflexion du monde dans les matières réfléchissantes telles que le verre, l’eau, le plastique ou les miroirs. Mon penchant pour la vidéo est plus récent : mon nouveau projet Musical, D.A.L. (Des Âmes Libres), doit en effet lier l'image et le son. Le thème des "Girls in Town" s’est imposé de lui-même. Attiré depuis toujours par les mannequins de vitrine, j’ai décidé de réaliser leurs portraits en les réintégrant par le jeu des reflets à l’univers urbain qui leur fait face : notre réalité. Au delà de toute polémique, ma démarche initiale consiste donc à les sublimer, les rendre vivantes, à travers le jeu de trompe-l’œil généré par les angles de vue, le reflet du verre et la rue réfléchie.
Copyright David Law
Ces photos mettent également en lumière l’utilisation de l’image formatée de la femme parfaite qui nous est imposée, et des frustrations inconscientes qu’elles suscitent en chacun de nous. Les mannequins de vitrine servent et synthétisent à outrance la manipulation dont nous sommes les victimes, et le texte qui les accompagne lors de mes expositions fait état de cette dualité : “Je cherche à percer le mystère et l’âme de ces belles esseulées, qui comme un miroir de nos propres vies, nous renvoie l’image de ce que nous sommes… La plastique idéale de ces femmes idylliques symbolise le rêve et le luxe d’un monde illusoire plus que parfait…” Depuis 2011, je m’intéresse aussi à des poupées coréennes de collection, les Pullips, des mannequins articulées modèles réduits (30 cm) qui constituent une suite logique à mon travail orchestré autour de la “plastique” des femmes en plastique. Mon travail est visible sur mon site internet http://davidlaw.fr et sur une page Facebook dédiée. J’ai aussi réalisé à ce sujet un livre avec plus de 200 clichés, dont les photos originales utilisées dans le film Maniac.
Copyright David Law
Comment avez-vous été contacté par Alexandre Aja et quel a été précisément votre travail sur le film "Maniac" ?
Alexandre Aja est passionné par les mannequins de vitrine, déjà omniprésentes dans La Colline a des yeux. En juillet 2011, à l’origine de Maniac, dans lequel les mannequins ont un rôle déterminant, il a cherché sur la toile internet des images de mannequins de vitrine et découvert mon site et des centaines de photos. Il m’a adressé un mail et nous nous sommes contactés. Il m’a parlé de son projet à venir, pour lequel il souhaitait puiser les images pour illustrer le travail de la photographe dans le film, dont la particularité est de réaliser des clichés sur ce thème. Les photos devaient s’accorder avec l’ambiance du film, les souhaits du réalisateur Franck Khalfoun, les choix de décor et ceux du directeur photo. Ils ont choisi des clichés particuliers que je n’avais pas sélectionnées pour mes expositions, pour répondre justement à l’univers dense et étouffant du film. L'utilisation de mes photos dans Maniac est une reconnaissance et une consécration pour le travail que je réalise sur ce thème depuis toujours. Je souhaite collaborer maintenant avec d’autres réalisateurs, en tant que photographe ou musicien.
Copyright David Law
Quel regard portez-vous sur ce "Maniac" ? Le genre du film d’horreur est-il le plus à même de rendre hommage à votre travail ?
Le cinéma d’horreur ne m’attire pas particulièrement, il me terrifie et me met mal à l’aise. Je ne parviens pas à prendre assez de recul et je suis perturbé par les images chocs. L’horreur est à mon sens plus violente dans les rapports humains que dans le voyeurisme sanguinaire. Malgré mon aversion pour ces films de genre, j’ai vraiment bien reçu ce Maniac. J’ai adoré l’univers cinématographique et la façon de filmer du réalisateur. La caméra subjective qui nous implante dans le cerveau du tueur est un point de vue décalé, riche et surprenant. Il y a dans ce Maniac une esthétique de l’image hors normes, un parti pris de faire exister le monde à travers les reflets et les miroirs. L’atmosphère et la tonalité du film sont liées à mes propres choix visuels. Je ne pense pas cependant que le cinéma d’horreur soit plus à même de rendre hommage à mon travail, mais je reconnais que pour ce Maniac, le choix du réalisateur sur les photos utilisées contribue à accentuer la dimension esthétique du film. Mes choix photographiques pourraient en revanche correspondre à bien d'autres genres cinématographiques. Maniac est un formidable thriller intense et psychologique ! Il séduira à la fois les amateurs de “beau” cinéma, dont je fais partie, et les passionnés de films d’horreur. Elijah Wood y est fantastique !
Entretien réalisé par Clément Cuyer
Pour en savoir plus sur le travail de David Law :
http://davidlaw.fr : “Girls In Town”, photos de 2002 à 2009
http://www.facebook.com/TheGirlsInTown : Photos de 2009 à ce jour
http://www.facebook.com/PullipsAndCo : “Pretty Dolls” , Poupées Coréennes
http://dal-desameslibres.bandcamp.com : “D.A.L - Des Âmes Libres”, Musique
Pour commander "Girls In Paris", Livre Photo (25 Euros, frais d'envois inclus) : envoyer un mail à davidlaw@noos.fr
La bande-annonce de "Maniac" :
Maniac