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    "Couleur de peau : miel" : rencontre avec l'auteur et réalisateur Jung

    A l'occasion de la sortie de "Couleur de peau : miel", AlloCiné a rencontré son auteur et co-réalisateur Jung. Jung signe un film authentique et poétique sur le thème de l'adoption. Un film autobiographique qui a la particularité de mêler animation, fiction et images d'archives. "Couleur de peau : miel" est en compétition au Festival du film d'animation d'Annecy.

    Couleur de peau : miel de Jung et Laurent Boileau (sortie le 6 juin 2012)

    Synopsis : Ils sont 200 000 enfants coréens disséminés à travers le monde depuis la fin de la guerre de Corée. Né en 1965 à Séoul et adopté en 1971 par une famille belge, Jung est l’un d’entre eux.

    Adapté du roman graphique Couleur de peau : Miel, le film revient sur quelques moments clés de la vie de Jung : l’orphelinat, l’arrivée en Belgique, la vie de famille, l’adolescence difficile...

    Allociné : "Couleur de peau : miel" mélange animation, fiction et archives personnelles. Pourquoi avoir opté pour un film hybride de la sorte ?

    Jung : Au départ, c’est Laurent Boileau, le co-réalisateur du film qui m’a contacté après la lecture du tome 1 de Couleur de peau : miel, qui est d’abord un roman graphique, avant d’être un film. A la fin du tome 1, je promets à l’enfant de 5 ans que j’étais – je suis le narrateur de ces histoires- que je retournerai en Corée et qu’un jour, je raconterai mon retour dans un livre. Il m’a appelé pour savoir si j’étais déjà retourné là bas. Je lui ai dit que non. Il m’a demandé si je pouvais l’attendre dans le cadre d’un documentaire pour la télévision. L’idée de départ était donc un documentaire télé, pour me suivre lors de mon premier retour.

    Puis, le projet a évolué et il y avait moyen de faire un long métrage. On a eu l’idée de faire un film d’animation dans lequel on aurait des séquences en prise de vue réelle.

    Il n’a pas été question de faire une adaptation littérale. On s’est rendu compte que la bande dessinée avait différents niveaux de lecture et était difficilement transposable au cinéma : on passe du burlesque à des séquences plus historiques ou plus dans l’émotion. C'est une narration en dents de scie. L’idée du film hybride est partie de l’envie d’apporter une dimension contemporaine à mon histoire.

    Les films hybrides de ce genre sont assez rares. Aviez-vous des modèles en tête ?

    Jung : La seule référence que l’on avait, c’était Valse avec Bachir. Mais on ne s’est pas posé la question de cette manière là. On s’est dit qu’il y avait une histoire à raconter et ce que l'on cherchait était de savoir comment la raconter et de la meilleure façon possible.

    On avait aussi des films de famille en super 8 qui fonctionnent très bien (voir l'extrait du film ci-dessous). Il fallait les utiliser. C’était une façon d’apporter de l’authenticité à cette histoire. Pour moi, c’est plus un film autobiographique qu’un film documentaire. Pour moi, ce n’est même pas du tout un film documentaire.

    Mais c’est un film qui a été très compliqué à monter. Pas d'un point de vu financier, mais côté montage image.  Déjà parce qu’on est dans un mélange de genres. Par essence, c’est compliqué à monter.

    Extrait de Couleur de peau : miel :

    Couleur de peau : miel

    L’enjeu du film, c’est aussi mon retour en Corée et ce que j’allais vivre là-bas. Tant qu’on avait pas fait ce tournage en Corée, on ne pouvait pas finir le film. Toutes les séquences qu’on a tourné la-bas ont été story-boardée. Finalement, ce n’est pas tant ce qu’on est allé filmer là-bas qui est important pour l’histoire, c’était le voyage intérieur que faisait le narrateur.

    Quelle a été votre réaction en retournant au Corée justement ?

    Jung : C’est une des séquences du film. La question que je me posais était comment les Coréens me percevaient et donc j’ai eu l’occasion d’en parler avec eux. Certains me disaient : "non, tu n’es plus d’ici. Tu ne parles plus notre langue. Tu te mouches à table ! Tu te cures les dents ! Ici on ne fait pas ça ! On voit que tu n’as pas grandi ici". Et d’autres, plus âgés, la génération des quarantenaires, qui m’ont dit que j’étais un enfant du pays.  C’est quelque chose qui me touche forcément, mais je suis conscient que je ne suis plus vraiment de là bas. Je me suis senti étranger là bas. Mais quelque chose me rattache à mon pays d’origine, c’est évident.

    Qu'avez-vous pensé en voyant le film terminé?

    Jung : D’un côté il y a la bande-dessinée et de l’autre le film. Ce sont deux objets différents, deux médiums différents, donc deux façons de raconter la même histoire avec des outils différents. Maintenant que j’ai fait les deux, je ne peux pas dire que l’un est mieux que l’autre. C’est juste deux manières d’exprimer une histoire, des sentiments, l’intériorité. Mais finalement, c’est toujours la même histoire que je raconte, j’aborde les mêmes thématiques.

    Et ce n’est pas tant mon histoire personnelle qui est intéressante. A travers ma propre histoire, c’est aborder des thématiques qui sont beaucoup plus universelles. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas de parler de l’histoire de mon adoption. C’est d’évoquer le déracinement. Je parle beaucoup de la mère aussi. La relation à la mère n’est pas quelque chose propre aux adoptés. C’est aussi une histoire sur l’adolescence...

    Qu'aimeriez-vous que le spectateur ressente à l'issue de la projection?

    Jung : Pour moi, c’est un film sur l’acceptation de soi. S’il y a quelque chose que j’aimerais qu’on retienne, c’est ça. A travers mon expérience personnelle, c’est l’histoire d’un adulte qui relit son passé, son histoire et le chemin qui l’a amené à s’accepter comme il est.

    C'était votre première expérience pour le cinéma. Est ce que cela vous a donné envie de poursuivre dans cette voie?

    Jung : J’ai envie de continuer la bande-dessinée, mais le cinéma m’intéresse beaucoup. Dans le cinéma, il y a une force d’incarnation, une force de l’évocation. C’est un médium extrêmement puissant pour raconter une histoire. Et surtout c’est un langage universel. C’est ça qui me séduit le plus.

    Beaucoup d'auteurs de bande-dessinée sont passés à la réalisation... Avez-vous des idées de films ?

    Jung : Oui, j’ai plein d’idées. C’est toujours autour des mêmes thématiques. En ce moment, je travaille sur Couleur de peau : miel tome 3 en bande-dessinée. J’ai un autre album à finir pour mon éditeur. Et parallèlement, je travaille sur un scénario pour un autre projet de long métrage. Je ne peux pas en dire plus malheureusement. C’est un sujet tellement particulier et tellement dans l’air du temps aussi. Ca rejoint les thématiques qui m’intéressent, autour de l’identité.

    La bande-annonce du film :

    Couleur de peau : miel

    Propos recueillis par Brigitte Baronnet, le 31 mai 2012, à Paris.

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