Alors que l'on célébrait le 8 septembre dernier les 20 ans de la sortie française des Affranchis de Martin Scorsese (si vous avez raté -sacrilège !- le dossier que nous avons consacré à cet anniversaire, c'est par ici), et que la série Boardwalk Empire recueille d'élogieuses critiques, quoi de plus approprié que de prolonger cette immersion au sein de la pègre avec le jeu Mafia 2 ? Après un premier épisode écoulé à plus de deux millions d'exemplaires en 2002, le studio 2K Czech récidive en offrant aux joueurs un univers et des personnages attachants. Tout en n'oubliant pas de rendre hommage à un genre qui a depuis longtemps reçu ses lettres de noblesse au cinéma.
Empire Bay ou le rêve américain
Né en Sicile, Vito Scaletta, italo-américain d’origine modeste, cherche désespérément à obtenir sa part du Rêve Américain. Voulant fuir à tout prix la pauvreté qui a empoisonné son enfance, Vito se laisse hypnotiser par le pouvoir et la richesse que semble pouvoir lui offrir le crime organisé. Vito a toujours vécu dans la criminalité, et c’est ainsi qu’avec Joe Barbaro, son ami d'enfance, d’un naturel voyou, débrouillard et fauteur de troubles, il commet de nombreux larcins avant de finir par se faire prendre. Les autorités lui laisse alors le choix : passer par la case prison, ou bien s'engager dans l'armée et combattre sur le théâtre des opérations en Europe.
Empire Bay, 1945. Alors que la ville subit l'un de ses plus terribles hiver, Vito rentre en permission au pays, à la faveur d'une blessure reçue sur le front. Sur le chemin du retour vers son foyer, il se souvient du quartier de son enfance, croisant aux détours des rues ses habitants qui se souviennent de lui. Les choses ont bien changées durant son absence. S'il est heureux de retrouver la douceur de son modeste foyer, qu'est-il advenu de sa mère et sa soeur ? La joie des retrouvailles est d'autant plus courte et amère qu'il découvre rapidement que sa famille est criblée de dettes. Pour sauver sa famille, Vito a besoin d'argent. Et ce n'est pas la vie de dur labeur de son défunt père, manouvrier sur les quais au port, qui pourra y parvenir. Retrouvant son ami d'enfance Joe, il décide de s'adresser à la mafia pour rembourser ses dettes, avant de rapidement gravir les échelons au sein de cette famille d'affranchis...
Un soin maniaque du détail
Prolongeant cette brillante entrée en matière, Mafia 2 se drape tout au long de ses 10-12h de jeu d'une ambiance hors du commun. Avec un sens et un soin quasi maniaque du détail digne d'un horloger suisse, l'équipe de 2K Czech plonge le joueur avec brio dans l'univers d'Empire Bay. Que ce soit le travail sur l'architecture, les véhicules, les jeux de lumière, les angles de caméra, le soin accordé aux expressions des personnages, les développeurs ont bâtit un véritable univers au service d'un scénario qui, s'il est très classique dans son approche et son déroulement en ne s'éloignant guère des canons propre à l'univers de la mafia, reste captivant. Et si 2k Czech ne cesse de prendre pour modèle son illustre pendant cinématographique qu'est les Affranchis, le mimétisme est même poussé jusqu'à intégrer dans la BO tous les morceaux de la tracklist du film. On retrouve ainsi les incontournables Ain't that a kick in the head de Dean Martin, Che La Luna de Louis Prima & Keely Smith...Une BO tout simplement fabuleuse. Et puisque l'on parle d'immersion, on peut également ajouter que le partenariat avec le magazine Playboy, lancé voilà plus de 55 ans, a aussi du sens et n'est pas dénué de tout fondement, contrairement à ce qu'on a pu lire ici ou là : le magazine fait partie de l’univers de la pop culture américaine. Mafia II propose des personnages dont le style et l’attitude reflètent ce que dépeignaient les premiers numéros du magazine.
Les Affranchis sont loin d'être la seule référence. Si l'arrivée de la famille de Vito aux Etats-Unis dans le Ellis Island d'Empire Bay est un hommage à son formidable et poignant homologue cinématographique du Parrain II, d'autres sont moins évidents mais tout aussi savoureux pour les cinéphiles. Le chapitre 6 par exemple, qui se déroule dans un pénitencier fédéral, est un subtil mélange de l'ambiance oppressante et du sadisme des démons de la Liberté de Jules Dassin, avec la scène "Welcome to Shawshank" des Evadés, dans laquelle Andy Dufresne (Tim Robbins) et les nouveaux détenus sont accueillis aux cris de "Poisson frais ! Poisson frais !", peu avant de se faire martyriser par des matons sadiques.
La scène dans Mafia 2...
et la même scène ou presque dans "Les évadés"
Un jeu parfait ?
Alors, Mafia 2 jeu parfait ? Pas tout à fait. Ce qui fait la grande force du jeu constitue en même temps sa faiblesse. Les développeurs ayant souhaité privilégier le scénario et le déroulement de l'intrigue, le joueur n'a pas le temps d'apprécier le travail proprement titanesque abattu pour recréer l'univers d'Empire Bay. A la différence d'un GTA, puisque la comparaison est inévitable, le joueur n'a pas le temps de flâner, de faire des missions annexes comme conduire les taxis, bref, de faire tous les à-côtés qui font le sel des titres "bac à sable" de Rockstar. Un choix qui peut certes tout à fait se défendre du point de vue des développeurs, mais qui peut apparaître frustrant et contestable pour certains joueurs. Et même si les contenus téléchargeables doivent prolonger ultérieurement l'immersion, il reste qu'en l'état Mafia II est un titre recommandé et très fréquentable, à la réalisation brillante.
Informations pratiques
Développeur : 2K Czech
Editeur : 2K Games
Formats : Xbox 360®, PlayStation®3, PC DVD
Classification : PEGI 18+
Site officiel : www.mafia2game.com
Olivier Pallaruelo