AlloCiné : Avant "Des poupées et des anges", vous avez toutes les deux joué dans un film d'horreur. Cela vous fait quoi de passer au drame familial ?
Leïla Bekhti : Pour moi ça va, parce qu'entre Sheitan et Des poupées et des anges, j'ai tourné quelques films. Donc, la rupture n'a pas été radicale.
Karina Testa : Après Frontière(s), j'ai fait une pièce de théatre et de toute façon, je trouve ça génial de passer d'un style à un autre. Au final, si on jouait toujours dans les mêmes films, cela ne deviendrait pas intéressant pour nous. Le mieux, c'est d'aborder plusieurs univers et plusieurs réalisateurs.
L. B. : Ce qui est jouissif, pour des comédiens, c'est d'interpréter des rôles qui ne nous ressemblent pas du tout dans la vie. Comment aborder tel personnage, comment le travailler...
Comme se faire torturer par Samuel Le Bihan ?
K. T. : Là, pour le coup, c'est complètement le contraire (rires). Justement, c'est très intéressant de travailler avec le même comédien sur un autre style de film. On intègre une autre vie, un autre personnage, et il faut que cela soit crédible. On fait un beau métier. Mais, je préfère quand il ne me torture pas (rires).
Vous préférez jouer dans un drame familial, une comédie ou un film d'horreur ?
L. B. : A chaque fois que j'accepte un scénario, je sais pourquoi. Quels que soient les films que j'ai faits, je les aime autant, j'y ai mis la même passion, et je les ai abordés différemment. C'est le plus beau métier du monde. On vit plusieurs vies en une seule et c'est tout simplement magnifique. J'ai beaucoup aimé interpréter le rôle de Yasmine dans Sheitan - en plus c'était mon tout premier rôle, c'est comme une première histoire d'amour, cela ne s'oublie pas. Et le rôle de Lya, c'est un rôle très fort. J'avais énormément de choses à faire, dans le sens où il fallait vraiment que je travaille le personnage parce que je ne voulais pas le cantonner au fait qu'elle ne soit qu'un garçon manqué, qu'elle soit dans la violence. Je voulais vraiment qu'on comprenne le personnage. Pourquoi elle réagit comme ça. Pourquoi son seul exutoire est l'écriture. Et pour une fois, on parle d'une famille maghrébine mais ce n'est pas du tout communautaire. Cette famille aurait pu s'appeller Monsieur et Madame Dupont, on aurait abordé le sujet de la même manière.
Est-ce que vous vous êtes reconnues dans vos personnages ?
K. T. : Non, pas vraiment. Je n'ai pas grand-chose qui me rapproche de Chirine dans le sens où je ne connais pas la banlieue et je n'ai pas vraiment eu de vie familiale comme celle-ci. Mais dans chaque personnage, on retrouve un peu de soi, forcément. C'est un personnage qu'on juge au départ, on croit la connaître. Mais je pense qu'on se trompe complètement. C'est dans cela que je me reconnais.
L. B. : C'est le paraître. Surtout dans la société dans laquelle on vit actuellement. On peut juger une personne sur la manière dont elle va être habillée, sur quelle marque elle va porter, quelle coupe de cheveux elle va se faire, quelle couleur elle va mettre. Je sais que pour le personnage de Lya, ce qui me rapproche d'elle, c'est que c'est un personnage entier. Je suis très entière dans la vie également. Elle est prête à tout pour cette famille où le seul problème c'est le trop d'amour. il est étouffant, oppressant et en même temps très touchant. Et personnellement, je suis prête à tout pour ma famille.
Aviez lu le livre dont s'inspire "Des poupées et des anges" avant le tournage ?
L. B. : Oui, je l'ai lu d'une traite, comme le scénario avant le tournage. Et c'était très intéressant puisque c'est elle-même (Ndlr : Nora Hamdi, la réalisatrice) qui a adapté son livre et je pense que cela nous a aidé pour le travail de nos personnages respectifs.
K. T. : C'est génial d'avoir un appui comme ca. Ce qui est génial dans les livres, c'est que tu as un ressenti personnel et après, c'est tout l'imaginaire qui travaille et c'est très détaillé. On finit par mieux comprendre le personnage. Il y a des choses dans le livre qui ne sont pas dans le film, comme la scène où enfant, Chirine reçoit un seau de merde sur la tête. Ce qui pourrait expliquer son traumatisme de son milieu et qui fait qu'elle veut sortir de la réalité sociale dans laquelle elle est. Elle est traumatisée, notamment par le manque d'amour et de reconnaissance de son père, et elle va se perdre dans toute cette quête de célébrité, pour se faire remarquer.
Cela vous a fait quoi justement de revenir à l'adolescence ?
K. T. : Je pense que c'est la dernière fois (rires).
L. B. : Je n'ai que 24 ans donc je n'ai pas du chercher très loin. En plus, le sujet du film, c'est l'amour, et qu'on ait 14, 20 ou 30 ans, c'est universel. J'ai abordé ce personnage sans le juger, en essayant de le comprendre et en l'aimant, surtout.
Durant le tournage, Nora Hamdi vous a-t-elle aiguillées sur les personnages ? Ou vous a t-elle laissé trouver votre propre interprétation ?
L. B. : Elle nous a forcément aidées. C'est une très bonne directrice de comédiens. Maintenant, le fait qu'on ait lu le livre nous a beaucoup aidées. Elle (Nora Hamdi) sait où elle veux aller. Et en même temps, elle est à l'écoute de ses comédiens donc elle a pu intégrer des choses qu'on proposait. On avait une grande liberté.
K. T. : Mais Nora Hamdi sait ce qu'elle veut, elle a une idée très précise des personnages. Je me suis donc laissée porter par ses envies. Et de toute façon, je suis là pour ça. C'est son film.
Leila, vous slamez un peu pendant le film. Cela vous a donné envie de faire de la musique ?
L. B. : Je suis une grande fan de musique. Je ne sors jamais sans mon IPod. J'ai la chance d'être très eclectique mais je ne ressens pas l'envie de me lancer dans la musique. Mon rêve aurait été de savoir très bien danser, ou d'avoir une très belle voix. Mais qui sait, il y aura peut-être des propositions (rires) !
Quels sont vos projets respectifs ?
L. B. : En ce moment, je tourne un téléfilm de Malik Chibane. C'est un 2x90 min pour France 3 où l'on parle de l'immigration, première et deuxième génération. J'interprète la maman de cinq enfants. C'est un rôle magnifique, à nouveau de composition. Je vais aussi tourner aux côtés de Géraldine Nakache, qui réalise son premier long-métrage, Tout ce qui brille. Et j'ai d'autres projets mais ce n'est pas encore signé. Donc je n'ai pas le droit d'en parler.
K. T. : J'ai une comédie qui sort en septembre, La Différence, c'est que c'est pas pareil. Je joue une lesbienne qui s'appelle Véronique. Et en ce moment, je fais une voix dans l'adaptation de la BD de Joann Sfar, Le Chat du rabbin, qui sortira en 2010.
Propos recueillis le 13 juin 2008 par Valentin Morisseau