Demandez le programme ! La sélection du 60e Festival de Cannes, qui se tiendra du 16 au 28 prochain, a été révélée ce jeudi 19 avril par le Directeur Artistique Thierry Frémaux et le Président Gilles Jacob. Pour cette édition-anniversaire, la compétition fait plus que jamais le grand écart entre les paillettes et la cinéphilie pure et dure. Où, ailleurs que sur la Croisette, peuvent se côtoyer les rois de l'entertainment Tarantino (le survitaminé Death Proof, photo), Fincher (Zodiac, déjà célébré par la critique US) et Soderbergh (Ocean's 13 et ses braqueurs so cool), et les champions d'un cinéma d'auteur sans concessions que sont le Russe Alexandre Sokurov (Alexandra, sur la Tchétchénie), le Mexicain Carlos Reygadas (Luz silenciosa) ou le Hongrois Bela Tarr ? Ce dernier présentera le très attendu Man from London, une adaptation de Simenon qui a failli ne jamais voir le jour, suite au suicide du producteur Humbert Balsan.
Les habitués... et les autres
Bien sûr, ceux qui entonnent chaque année le couplet "Toujours les mêmes" trouveront encore matière à persifler, mais les autres se réjouiront de découvrir les dernières livraisons de Gus Van Sant
(Paranoid Park, nouvel état des lieux de la jeunesse américaine, photo), des frères Coen (No country for old men), de Kusturica (Promets-moi) ou de Wong Kar-Wai (My Blueberry Nights). Pour la petite histoire, on notera que les organisateurs ont poussé la malice jusqu'à réunir dans la compétition les trois derniers Présidents du jury : Tarantino, Kusturica et Wong Kar-wai ! 13 des 22 films en compétition sont toutefois signés par des cinéastes qui sont pour la première fois en lice pour la Palme d'or. Les états de service ce certains de ces "petits nouveaux" n'en sont pas moins impressionnants : Andrei Zviaguintsev n'a-t-il pas obtenu le Lion d'or à Venise en 2003 pour Le Retour et Fatih Akin l'Ours d'or à Berlin en 2004 pour Head on ? Ajoutons qu'il reviendra au Canadien Denys Arcand, l'auteur des Invasions barbares (un des grands gagnants du cru 2003), de clore les festivités avec sa comédie, L'Age des ténèbres.
Catherine et Christophe honorés
Côté français, le Festival se réconcilie avec deux auteurs qu'il a longtemps snobés : Catherine Breillat (Une vieille maîtresse avec Asia Argento,
un projet qu'elle porte depuis une dizaine d'années, photo) ainsi que Christophe Honoré. On se souvient de la polémique née de la non-sélection de Ma mère... puis du triomphe de Dans Paris à la Quinzaine des Réalisateurs. Le voilà en lice pour la Palme d'or avec une comédie musicale, Les Chansons d'amour. Le troisième Français en course est... un Américain, Julian Schnabel, auteur du Scaphandre et le papillon, adaptation du livre de Jean-Dominique Bauby, tournée dans l'hexagone avec Mathieu Amalric. Il faut aussi citer le cas du Français Raphaël Nadjari, qui a tourné en Israël Tehilim et celui du film d'animation Persépolis (production en grande partie française), d'après la BD de l'Iranienne Marjane Satrapi -il s'agit au passage du seul premier film de la compétition.
Brad Pitt et Angelina Jolie
A Cannes, on le sait, les stars, ce sont les réalisateurs -il suffit pour s'en convaincre de regarder l'affiche du Festival, sur laquelle se déhanchent Pedro Almodovar et Jane Campion. Mais que les amateurs de cadors d'Hollywood se rassurent, les montées des marches glamour ne manqueront pas, à commencer par My Blueberry Nights en ouverture, avec son casting "plus chic tu meurs" (Norah Jones, Jude Law, Natalie Portman, Rachel Weisz), et bien sûr la bande d'Ocean's 13 avec Clooney, Damon, Pacino et Brad Pitt. Celui-ci croisera peut-être sa chère Angelina Jolie, qui incarne la veuve de Daniel Pearl dans A Mighty Heart de Winterbottom (Hors compétition, photo). Citons également Joaquin Phoenix et Mark Wahlberg, héros de La Nuit nous appartient, qui marque le grand retour de James Gray, mais aussi Tommy Lee Jones et Javier Bardem (chez les Coen) ou Jake Gyllenhaal et Robert Downey Jr. (dans Zodiac). Et pourquoi pas DiCaprio, producteur d'un docu écolo projeté en séance spéciale...
Mères et filles
Seront à l'honneur chez les Français Catherine Deneuve et sa fille Chiara Mastroianni : les deux prêtent leur voix à Persépolis, la première est l'héroïne d'Après lui, qu'on verra à la Quinzaine des Réalisateurs (photo), la deuxième est à l'affiche des Chansons d'amour. Jane Birkin révèlera en séance spéciale son autobiographique Boxes, avec entre autres sa fille Lou Doillon... qui est aussi à l'affiche de la comédie d'Abel Ferrara Go Go Tales (Séance de minuit). Autre membre de la famille, Lola Doillon présentera à Un Certain Regard son coup d'essai, Et toi, t'es sur qui ?. Et comme l'an dernier, Asia Argento est à la fête, puisqu'on la retrouvera à la fois dans Une vieille maîtresse et dans Boarding gate, le nouveau Assayas (Séance de Minuit). Autre beau doublé, celui de Mathieu Amalric, héros du Scaphandre et le papillon et (à Un Certain Regard) du Rêve du jour d'après... un film dans lequel il a pour partenaire Louis Garrel, un des protagonistes des Chansons d'amour !
Piccoli et Maggie Cheung dans le jury
Un mot de géopolitique cinéphile : le contingent américain est particulièrement important dans la compétition avec pas moins de cinq longs métrages, tandis que l'Asie aura (en plus de Wong Kar-Wai) trois représentants bien connus des cinéphiles : le stakhanoviste Kim Ki-duk, Naomi Kawase (en lice naguère avec Shara) et
Lee Chang-Dong (à qui on doit Peppermint candy). Les regards seront aussi braqués vers l'Europe centrale et orientale avec deux Russes, un Roumain, un Autrichien, un Serbe et un Hongrois. On déplorera une nouvelle fois l'absence totale du cinéma africain, à peine compensée par la présence au sein du Jury d'Abderrahmane Sissako. Un jury de haute tenue (et respectant la parité hommes-femmes...), présidé par Stephen Frears (photo) et qui compte plusieurs acteurs-réalisateurs (Michel Piccoli, Sarah Polley, Maria de Medeiros), ainsi que Toni Collette, Maggie Cheung, Marco Bellocchio et l'écrivain turc Orhan Pamuk.
Et aussi...
Si la compétition est des plus excitantes sur le papier, les organisateurs semblent avoir particulièrement soigné les à-côtés. Et 24 heures par jour ne seront pas de trop pour les festivaliers désireux de découvrir les nouveaux documentaires du palmé Michael Moore (Sicko, sur le système de santé américain) et Nicolas Philibert,
mais aussi le nouvel opus de 3 heures du Chinois Wang Bing. Et que dire de La Guerre, série en 7 épisodes, d'une durée totale de 14 heures... Sans compter les Master Class de Martin Scorsese, Sergio Castellitto, Howard Shore, l'hommage à Henry Fonda, et le film en forme de gâteau d'anniversaire Chacun son cinéma. A cela s'ajoute bien sûr la section Un certain regard, avec entre autres la deuxième réalisation de Valeria Bruni Tedeschi (photo), un portrait du sulfureux Jacques Vergès par Barbet Schroeder ou encore le très intrigant Mister Lonely de l'enfant terrible du cinéma indépendant américain Harmony Korine. Et comme si cela ne suffisait pas, on connaîtra dans les prochains jours la sélection de la Quinzaine des Réalisateurs et de la Semaine de la Critique...
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Julien Dokhan avec la rédaction d'Allociné
