Le festival de Ken. Ainsi donc, cette 59e édition du festival, que Thierry Frémaux, délégué artistique, avait placé, lors de l'annonce de la sélection sous le signe du " renouvellement " se clôt avec une Palme d'or décernée au doyen de la compétition... Avec Le Vent se lève, l'indémodable Ken Loach, un des rares habitués du festival présents cette année aura donc renvoyé à leurs chères études Sofia Coppola, Richard Kelly et autres Richard Linklater... Notons que l'Anglais reçoit sa Palme (remise à l'unanimité) dix ans après son compatriote Mike Leigh, sacré pour Secrets et mensonges.
Cannes Loach
Ken Loach connaît la Croisette comme sa poche : avec Le Vent se lève(photo), film d'époque dans lequel il évoque le combat des Irlandais pour l'indépendance en 1920, se retrouve pour la huitième fois en compétition –cinq autres de ses films ayant par ailleurs été présentés dans des sections parallèles. Il n'avait pourtant obtenu que quatre récompenses : deux Prix du jury (pour Hidden Agenda en 1990 et Raining stones en 1993), un Prix du scénario pour
Sweet Sixteen et un Prix du cinéma contemporain pour Regards et Sourires en 1981.
Almodovar se console
Les deux grands favoris des festivaliers se retrouvent eux aussi au palmarès. Six ans après le Prix de la Mise en scène obtenu pour Tout sur ma mère (alors que tout le monde lui prédisait la plus haute marche du podium), Pedro Almodovar voit encore la Palme d'Or lui échapper, mais se console avec deux récompenses pour Volver (photo): Prix du scénario et Prix d'interprétation pour l'ensemble de la distribution féminine du film. Autre cinéaste latin, le Mexicain Alejandro González Inárritu, qu'on avait découvert à Cannes à la Semaine de la Critique avec Amours chiennes en 2000) décroche un Prix de la mise en scène difficilement contestable pour Babel, oeuvre polyphonique virtuose tournée entre le Japon, Mexique et le Maroc.
Politiques fictions
Si le jury de Wong Kar-Wai a décerné le Prix d'interprétation féminine au gynécée d'Almodovar, il a également attribué une récompense collective pour le Prix d'interprétation masculine. Là encore, difficile de ne pas être d'accord avec le choix de distinguer les 5 comédiens principaux d'Indigènes(photo), la dimension collective de cette entreprise, et le bel investissement des acteurs ayant été salués par tous les festivaliers. Rachid Bouchareb, le réalisateur de cette fresque sur les soldats oubliés de la première armée française, est comblé, puisqu'il est également l'un des producteurs de Flandres de Bruno Dumont, qui repart avec le très convoité Grand Prix, une récompense qui distingue généralement une oeuvre exigeante, et que le cinéaste avait déjà obtenue en 1999 pour L'Humanité. Avec les films de Loach, Dumont, Bouchareb et dans une moindre mesure Inárritu, le palmarès reflète la tonalité très politique du crû 2006.
Les absents
On notera qu'en dehors du film de Bruno Dumont (photo), le Jury a privilégié des films grand public, à la réalisation classique, et mis de côté les oeuvres à l'esthétique plus marquée : nulle trace dans ce palmarès des longs métrages de Pedro Costa, Nuri Bilge Ceylan ou même Richard Kelly.
Chouchous d'une grande partie de la critique, Le Caïman de Moretti et Marie-Antoinette de Sofia Coppola n'ont pas non plus été retenus. Signalons pour finir que le Prix du jury revient au seul premier film de la compétition, Red Road, une oeuvre âpre de la Britannique Andrea Arnold, présentée au début du festival, comme d'ailleurs les films de Loach et Almodovar -ce qui fait mentir l'adage selon lequel les jurys oublient les films qu'ils ont vus en premier...
Julien Dokhan